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tre 7.

vigueur, & leur envoye à tous quelqu'argent fur fa dépenfe,outre ce qu'il leur avoit envoyè lorfqu'ils eftoient encore en prifon. En cette lettre il marque que Dicu luy avoit promis de rendre bientoft la paix à l'Eglife, & que fi elle tardoit un peu, c'eft qu'il y en avoit encore quelques-uns qui devoient eftre éprouvez. Il en avertit donc fon Clergé & fon Peuple, & les exhorta à prier a Par la letto beaucoup Dieu & à estre bien unis, afin de n'apporter aucun obftacle à fa mifericorde. Il parle en cette lettre de plufieurs autres vifions dont Dieu l'avoit favorisè; ce qui montre la communication particuliere qu'il avoit avecque luy, & la grandeur de fa faintete. On y void auffi qu'encore que les Confefleurs euffent eftè delivrez de prifon, la perfecution n'eftoit pas pourtant finie, & qu'il en reftoit encore quelques-uns à éprouver, comme il luy avoit eftè declarè en vifion. Car voicy comme il en parle Quels châtimens ne meritons nous point, veu que nos Con- b Lett.7.p.513 feffeurs qui devroient, fervir d'exemple aux autres, ne fe conduisent pas eux-mémes comme il faut ? Ainfi, pendant que quelques-uns deviennent tout fiers de la gloire de leur confession, Dieu a permis qu'on nous falle fouffrir des tourmens longs & fans fin, où l'on ne fcauroit avoir le contenement de mourir. Peu de tems aprés il écrivit encore à fon Clergé pour l'avertir d'avoir foin des Pauvres & des étrangers. c Lettre. 350 Il luy témoigne qu'il defiroit paffionément de l'aller trouver bien-toft, mais qu'il eftoit obligé d'avoir égard à la paix, & qu'il craignoit que fa prefence n'aigrift encore les Payens : Que lors donc qu'ils luy manderoient que toutes chofes eftoient calmes & qu'il devoit venir, ou que Noftre-Seigneur daigneroit. F'en avertir, il fe rendroit vers eux. Sur la fin il leur dit qu'il envoye quelqu'argent au Preftre Rogatien outre celuy qu'il avoit à luy, pour fubvenir aux besoins des pauvres, des malades & des étrangers.

b

LES chofes fe difpofoient ainfi au retour de faint Cyprien, lorfqu'il arriva un incident qui le recula encore. Nous avons vu cy-deffus que Feliciffime ne perdoit aucune occafion de luy faire de la peine, & qu'il eftoit un de ceux qui s'estoient joints. aux Apoftats qui vouloient r'entrer dans la participation des Sacremens fans faire penitence. Mais comme il vit que la vigilance de faint Cyprien avoit en partie remediè à ce defordre, & que fa vigueur retenoit tout le monde dans le devoir; plus irri

XXV. Nou bles de Feli

veaux trou

ciffime & de ceux de fa fa

Єtion.

a Lettre 54.

p. 184.

6 Lettre 37⋅ cere 4

p. 121.

P. 171.

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tè que jamais il fe declara ouvertement contre luy, & fit avec ceux de fa faction un schisme qui scandaliza toute l'Eglife. Mais puifque cet homme nous donne tant de fujet de parler de luy il ne fera pas mauvais de faire connoiftre icy quel il eftoit. Il est aisè d'abord de juger qu'une perfonne qui s'eftoit opposè à l'election d'un auffi grand Evéque que faint Cyprien, & qui n'avoit pu eftre gagnè enfuitte par fa douceur & fa charitè, eftoit capable de toutes choses. Ainfi l'on ne trouvera pas étrange la peinture que noftre Saint en a faitte, ni qu'il encheriffe fur la veritè lorfqu'il dita, que c'eftoit un homme tout couvert de lorfqu'il crimes; lorfqu'il l'accufeb de fraudes, de rapines, & d'adultere; lorfqu'il l'appelle l'auteur du fchifme, le voleur du bien de l'Eglife, le corrupteur des Vierges & des femmes marièes. A ce méchant homme s'affocierent cinq Preftres de Carthage qui ne valoient pas mieux que luy, Novat, Fortunat, Felix, Jovinus, & Maxime. Saint Cyprien penfe beaucoup les épargner & donner davantage à la moderation & à la retenuë qu'à la juftice de fes reffentimens lorfqu'il ne parle que des vols qu'ils avoient faits à l'Eglife, de leurs conjurations, dde leurs adultea lettre 54 res, & de leur idolatrie. Pour Novat, voicy ce qu'il en dit en particulier en une lettre qu'il écrivit depuis au Pape faint Corneille: Ceft un homme qui aime la nouveautè, qui eft remply d'une avarice infatiable,extrémement vain & arrogant. Il veut tout fçavoir pour trahir, il flatte pour tromper, il eft perfide & infidelle. C'eft un flambeau de difcorde & de divifion, C'est un tourbillon qui fait faire naufrage, & un ennemy du repos, de la paix,& de la tranquillitè. Enfuitte il l'accufe d'avoir dépouillè les orphelins, volè les veuves, pillè l'Eglife, laiffè mourir fon pere de faim, luy avoir méme refusè la fepulture, donnè un coup de pied dans le ventre de fa femme qui eftoit groffe, & fait avorter fon fruit : Qu'il y y avoit déja longtems qu'il fe fentoit coupable de ces crimes, de forte qu'il fe tenoit affurè que non feulement on le chafferoit de la campagnie des Preftres, mais qu'on le retrancheroit de la communion : Que les fidelles mémes preffoient qu'on examinast sa cause, & que le jour qu'on en dévoit connoiftre estoit proche lorfque la perfecution furvint. A ces attentats il en ajouta un autre qui fut de faire ordonner Diacre Feliciffime à l'inf Baronius an. fccu & fans la permiffion de faint Cyprien f, Comme ceux qui

P.179.

e Lettre 48,

ont

num. 61. dit

me que Novat

Diacre, ne fut

ont befoin de pardon l'accordent aifément aux autres, noftre Chr 2541 Saint témoigne que ces miferables dés le premier jour de la per-que que Feliciffi fecution reconcilioient temerairement & fans penitence ceux fit ordonner qui estoient tombez. Ces cinq Preftres luy avoient eftè mon- pas celuy qui trez en vifion comme fe joignans aux Magiftrats Payens con- fut auteur du tre les Chreftiensa, & en effet il dit que c'eftoit une feconde, ceque celuy là perfecution encore plus grande & plus dangercufe que la pre- Mais il no

miere.

fchifme , par

eftoit Preftre.

prouve print que Feliciffime

auteur du

Schifme fuft Preftre, & c'est une chose qu'il fuppofe gratuitement n'y en ayant pas un mor dans faint Cyprien. En fecond lieu P'on n'y void non plus ancun veftige de cette diftinction de deux Feliciffimes. Et enfin la raison fur laquelle Baronius fe fonde pour L'introduire n'eft pas méme confiderable. Car à la verité Novat à Rome eftoit d'un autre fentiment que Feliciffime touchant ceux qui eftaient tombez puis qu'il s'eft it uni à Novation; mais cela n'empeche pas qu'en Afrique & avant que d'aller à Rome il ne fuft joint à Feliciffime, foit qu'il fust de fon fentiment ou qu'il n'en fust pas, parce qu'il ne cherchoit qu'à brouiller pour eviter la pu. mition de fes crimes. Outreque fon opinion n'estoit differente de celle de Feliciffime qu'en apparence, comme on le verra cy-aprés Membre 28. a Lettre. 39.

font fchifmae,

Jusqu'icy neanmoins ils ne s'eftoient pas encore ouverte- XXVI. Ils ment feparez de l'Eglife, mais ils le firent alors, & voicy quelle en fut l'occafion. Saint Cyprien ayant envoyé quelques Evéques aulieu de luy pour pourvoir aux neceflitez des Chreftiens de Carthage, & allifter d'argent ceux qui estoient trop pauvres, pour exercer le métier qu'ils fçavoient; les ayant aufli priez de faire un eftat de l'âge, de la condition, & de la vertu de chacun, afin qu'il les puft tous connoiftre & promouvoir aux fonctions Ecclefiaftiques ceux qu'il en jugeroit les plus dignes; Feliciflime fe mit en devoir d'empefcher qu'on ne fift ces aumônes & cet examen, & menaça de fe feparer de ceux qui recevroient quelque chofe & qui obeïroient à leur Evéque. Aprés, il fe retira fur une montagne avec ceux de fon party, & s'en declara le chef. Saint Cyprien en écrivit auffitoft à fon Peuple b pour l'a- b Lettre 39, vertir de prendre garde à ces perfonnes, & de rejetter comme un poifon les confeils qu'ils luy donnoient pour l'empefcher de faire penitence. Il ajoute que c'eftoit par un effet tout particulier de la Providence de Dieu qu'ils avoient fouffert la peine qu'ils avoient meritèe; & que ne les ayant point chaffez de l'Eglife ils s'en cftoient retirez volontairement, & leur confcience, les avoit forcez à prononcer une fentence contr'eux-mémes : Que neanmoins il eftoit fenfiblement affligè de ce que cela retardoit encore fon retour, & qu'il ne les pourroit aller voir avant Pafque acaufe dés menaces & des embufches de ces perfides, & de crainte d'allumer de nouveau la perfecution des Payens.

Il dit qu'il y avoit déja deux années entieres qu'il eftoit absent, mais il le dit dans le fort de fa douleur & dans les mouvemens de fon affection, où l'on ne s'affujettit pas d'ordinaire aux regles d'une fi exacte Chronologie. Car il eft certain qu'il ne s'eftoit retiré que vers le commencement de l'année 250. & qu'il écrivoit cecy au commencement de l'année fuivante quelque 2 Lettre 37. temps avant la fefte de Pafque. Il fit auffi reponse a aux Evéques Caldonius & Herculanus qui luy avoient mandè toute cette affaire, & il declara qu'il retranchoit de fa communion Feliciffime & tous ceux de fa caballe: Et ces Evéques en firent enfuitte de méme b.

b Lettre 38.1

XXVII.Cor-
neille eleu
Evéque de
Rome.

CEPENDANT à Rome quoy que l'Empereur Decius perfecutaft encore cruellement les Chreftiens, cela n'empefcha pas que le Clergé & le Peuple ne refoluffent de pourvoir cette Eglife d'un Evéque. Novat s'y rendit en diligence pour tafcher d'y en faire elire un qui luy fuft favorable & contraire à Saint Gyprien. Il fe joignit pour cela à un Preftre de Rome nommè Novatien dont nous parlerons incontinent, lequel avoit fa brigue & afpiroit à l'Epifcopat, comme le fchifme qu'il fit enfuitte le témoigna affez. Deux Evéques d'Afrique Pompèe & Eftienne fe rendirent auffi à Rome pour affifter à l'Ordination de celuy qu'on cliroit. Novat & Novatien furent extrémement trompez. Car nonobftant toutes leurs intrigues, on clut Corneille qui estoie un Saint Prestre de l'Eglife de Rome, dont faint Cyprien nous Lettre 51 a laiffè ce bel eloge en l'une de fes lettres: Ie viens maintenant mon tres-cher frere, à la perfonne de Corneille noftre Collegue, afinque, vous le connoiẞiez mieux que vous ne faittes, & que vous ne jugiez pas de luy fur les mensonges de perfonnes fourbes & medifantes, mais Jur le jugement de Dieu qui l'a fait Evéque, & fur le témoignage des autres Evéques répandus par tout le monde qui ont tous d'un commun accord confenti à fon election. Carce qui le rend encore plus recommendable à Dieu, à JESUS-CHRIST, & à fon Eglife, c'est qu'il n'eft pas parvenu tout d'un coup à l'Epifcopat, mais n'est montè à ce baut faifte du facerdoce qu'après avoir paßè par tous les degrez inferieurs, & avoir fouvent attire les graces de Dieu fur luy dans les autres fonEtions Ecclefiaftiques. De plus, il ne l'a point defirè, ni demandè ni envahi comme font les autres qui font portez d'orgueil & d'ambition ; mais eftant paisible & modefte, humble & retenu comme le font ceux

P. 151.

que Dieu choisit pour ses dignitez, il a plutoft fouffert que fait violence pour eftre Evéque. Aprés, il marque le tems de fon election, & en tire encore pour luy un nouveau fujet de louange. D'ailleurs dit-il, aprés avoir eftè elevè à l'Epifcopat fans brigue, fans violence, par la feule volontè de Dieu qui fait les Evéques, combien n'a-t-il point fait paroistre de vertu, de refolution, & de foy, de s'eftre aßis bardiment dans la Chaire Epifcopale en un temps où un tyran ennemy des Evéques de Dien jettoit feu & flamme contr'eux, & eust mieux aimè un competiteur du thrône qu'un Evéque de Rome ? Ne fommes nous pas obligez de louer hautement fa foy & fon courage? Ne devons nous pas mettre au nombre des Confeffeurs & des Martyrs celuy qui s'eft tenu fi long-temps aßis en attendant fes bourreaux, & que les miniftres de la rage du tyran vinffent venger fur luy par l'epèe, par les croix, par Le feu ou par quelqu'autre genre extraordinaire de fupplice le mépris genereux qu'il faifoit de fes Edits deteftables, de fes menaces, & de fes tourmens? Ainfi, quoyque la bontè & la puissance de Dieu ayent protegè l'Evéque qu'il avoit elu, l'on peut dire neanmoins que Corneille a fouffert par fon zele & fa fermetè tout ce qu'il pouvoit fouffrir, & qu'il a vaincu le tyran par fes vertus Epifcopales, avant qu'il cust ́eftè vaincu par la force des armes b. Il fut ordonnè par feize Evéques, b Par les du nombre defquels eftoient Pompèe & Etienne deux Evéques d'Afrique, & par le jugement de Dieu & de JEsus-152. CHRIST, par la voix de prefque tout le Clergé de Rome, par d Lettre 400 les fuffrages de tout le peuple qui fe trouva prefent alors, & par le confentement des bons & anciens Evéques.

a PEmpereur

Decius.

Goths.

c Lettre 51

161.

p. 129.

e

Schifme de

mais les di

Sa Chronique.

UNE election si canonique & fi autorifèe, fembloit eftre hors xxvIIL de toute atteinte. Mais elle ne le fur pas à la jalousie & à l'ambi- Novatien. tion immoderèe de Novatien. Cet homme, que les Grecs confondent ordinairement avecque Novate, avoit eftè Philofophe confond dans avant que d'eftre Chreftien f, & Satan fut caufe qu'il fe fit Chre- fon Histoire, ftien, comme le dit Corneille méme en une lettre à Fabius Evé- tingue dans que d'Antioches. Car en eftant poffedè il s'addressa aux Exor- f p.156.170. ciftes de l'Eglife, qui le voyans perilleufement malade luy don- 198. 688. nerent le baptême dans le lit. Corneille remarque que cela Hit Eccles. feul l'excluoit d'entrer dans le Clergé, parce que ceux qui recevoient le baptême en cet eftat, eftoient eftimez ne le recevoir pas d'une volonté libre & pleine, mais par la crainte de la mort. D'ailleurs, Novarien eftant revenu en fantè negligea de faire

g Eufebe L.6.

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