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a Lettre 72

P. 255.

nombre d'Evêques, afin de fe confirmer davantage dans fon opinion, ou de s'en départir s'ils jugeoient qu'il le deuft faire. Ils fe trouverent donc à Carthage jufqu'au nombre de foixante & onze tant de la Province d'Afrique que de Numidie a qui aprés avoir mis la chofe en deliberation, confirmerent ce qui avoit eftè étably dans le Synode precedent, & condannerent de nouveau le baptéme des heretiques. Ils arrefterent auffi que les Preftres & les Diacres qui avoient eftè ordonnez par eux, ou qui aprés avoir eftè ordonnez dans l'Eglife s'eftoient rangez avec eux, feroient seulement receus à la communion des laïques lorfqu'ils viendroient à l'Eglife. Enfuitte, pour conferver l'honneur & l'amitié que les Evéques fe doivent les uns aux autres, ils avertirent le Pape Eftienne de ces reglemens par une lettre qu'ils luy en écrivirent b. Sur la fin de cette lettre ils luy difent: Que be'eft la les chofes qu'ils avoient ordonnées eftant égallement picufes & veritables, ils efperoient qu'elles agréeroient auflì à sa pietè & au zele qu'il avoit pour la foy: Que ce n'estoit pas qu'ils ne fceuffent qu'il y en avoit qui ne vouloient point quitter les opinions dont ils eftoient une fois prevenus, & qui retenoient roûjours leurs premieres coutumes fans neanmoins rompre pour cela avec leurs freres Qu'ils ne pretendoient point nonplus leur donner la loy ni faire violence à perfonne, fçachans que chaque Evéque eft libre de fe comporter comme il luy plaift dans le gouvernement de fon Eglife, fauf à rendre compte à Dieu de fa conduitte. Cette moderation eftoit digne de ces grands Evéques, qui d'un coftè confervoient la libertè Episcopale en foutenant cequ'ils croyoient de plus vray; & de l'autre portoient avec patience que leurs freres ne fuffent pas de leur fentiment. Comme cette vertu eftoit tres-neceffaire en cette rencontre pour tenir ce milieu fi fage qu'ils gardoient, faint Cyprien en compofa un Traittè, où il fait voir que fans la patience la charitè tombe par terre, & que l'union & la paix ne peut eftre confervée parmy les Chreftiens s'ils ne fe fupportent reciproquement l'un l'autre, & fi la patience n'intervient comme le lien de la concorde. Il l'envoya à l'Evéque Jubajan qui luy avoit demandè fon fentiment fur le baptéme des heretiques, & l'avoit priè en méme-tems de répondre aux objections d'une lettre où l'on pretendoit qu'il ne fe falloit pas mettre en

© C'est le gy

la lettre 72.

peine qui donnoit le baptême pourveuqu'il fuft donnè au nom Para de la Trinitè. Saint Cyprien y répondit, & tafcha de fatisfaire à toutes les difficultez qu'on y propofoit, qui veritablement eftoient tres-foibles & fouvent hors de propos, quoyqu'au fond celuy qui les propofoit foutinft la bonne caufe. Il finit cette réponse par une nouvelle protestation qu'il ne pretendoit rien prefcrire à perfonne, ni empefcher que chaque Evéque ne fift cequ'il jugeroit à propos puifqu'il eftoit maistre de fes actions; Qu'autant qu'il le pourroit, il n'auroit point de démélè là-deffus avec fes Collegues, avec qui il vouloit toujours vivre en paix & en union; En un mot, qu'il conferveroit inviolablement par fa patience la charitè & le lien de la foy, auffibienque l'honneur du College Epifcopal & la concorde du Sacerdoce. Saint L. 5. de Auguftin b admirant ces paroles les appelle des paroles pacifiques, que je ne me fçaurois, dit-il, laffer de lire, tant elles refpirent l'amour fraternel & la douceur de la charitè.

Bapt. c: 7.

LV. Le Pape

tranche de fa

les Evéques

re à Cy

C Au Concile

IL cust estè à souhaitter que le Pape Estienne en cust usè de Etienne re- fon coftè avec la méme moderation. Car quoyqu'il deffendist communion le bon party & celuy auquel toute l'Eglife fe rangea depuis ; d'Afrique, & comme elle n'avoit encore rien definy là-deffus, il eftoit libre écrit en cole à chaque Evéque de tenir cequ'il croyoit le plus veritable, comprien. me faint Augustin le reconnoiftd. Cependant ce Pape s'attaOecumenique chant un peu trop à fon fentiment, c'eft à dire le deffendant d Libr. 3. de plutoft avec la chaleur d'une perfonne qui le regardoit comme Bapt. 3. fien, qu'avec la douceur dont on eft obligé de deffendre toute veritè comme eftant plus à Dieu qu'à nous, il pafla jufques là qu'il ne voulut pas conferer avec les Evéques députez d'Afri& deffendit méme aux fidelles de les recevoir chez eux; fibienqu'il ne leur refufa pas feulement fa communion, mais Lettre 74 leur denia encore le couvert & l'hospitalitè e. Non content de

de Nicee.

P. 291. Cela

fait voir que

que,

Baronius fe trompe, lorsqu'entendant mal cet endroit de la lettre de Firmilien, il dit an. Chr. 258. n. 16. que ces deputez estoien des deputez des Evéques d'Orient, qu'ils envoyerent à Estienne aprés qu'il les eust excommuniez àc zusa du Concile d'Iconie. Cari est tres certain, & cela paroist clairement par la feule lecture du paffage de la lettre de Firmilien,qu'il parle des deputez d'Afrique mon de ceux d'Orient. Et tant s'en faut que l'on puiffe conclurre de la lettre de Firmilien que le Pape Eftienne avoit retranché les Orientaux de fa communion sur le sujet du baptême, c'eft qu'on en doit conclurre qucontraire que ce n'eftoit pas pour ce sujet-là. Car il dit expreffément qu'Estienne avoit rompu la paix pour differents fujets, tanteft avec les Orientaux, & tantost avec les Meridionaux. Voicy fes paroles: Quid enim humilius aut lenius, dit-il d'Eftienne en raillant, quàm cum tot Epifcopis per totum mundum diffenfiffe, pacem cum fingulis VARIO DISCORDIE GENERE rumpentem, modo cum orientalibus (quod nec vos latere confidimus) modo vobifcum qui in meridie eftis, à quibus legatos Epifcopos patienter fatis & leniter fufcepit, ut eos nec ad fermonem faltem colloquii communis admitteret, adhuc infuper dile&tionis & charitatis memor, præciperet fraternitati univerfæ ne quis eos in domum fuam reciperet; ut venientibus non folum pax & communio, fed & tectum & hofpitium negaretur? Deforteque ce n'est point la lettre de Firmilien qui nous apprend que le Pape ccla

Efienne rompit avet let Evéques d'Orient à cause du baptême, mais la lettre de Denys Evéque d'Alexandrie au Pape Sixte fom fucceffeur, dont Eufebe rapporte un fragment en fon 7. Livre de l'hift. Ecclef. c. 5. Encore, les paroles Grecques vont plutost à marquer une menace d'excommunication qu'une excommunication effective, d'où vient que Mr. Valois les a traduittes: Sefe ob eam caufam ab illorum communione difceffurum, quod hæreticos rebaptizarent. Que fi l'on demande quel est donc le Sujet pourquoy Firmilien dit que le Pape Eftienne avoit rompu avec eux, je n'en voy point d'autre finon le Novatianisme, auquel la plupart des principaux Evéques d'Orient inclinoient beaucoup. Car Fabius Evéque d'Antioche ayant affemble un Concile des Provinces de Cilicie, de Cappadoce, de Palestine, & d'Egypte, avoit tasché d'y étáblir le fentiment de Novatien, comme Denys le marque dans Eufebe 1.6. hift. Ecclef. c. 46.

cela il écrivit une lettre fiere & pleine d'injures à faint Cyprien, où il l'appelloit un faux Chrift, un faux Apoftre,& un feducteur a.

a Lettre 74.

P. 292.
Baronius an

Chr. 258. n. 44. le nie, & accuse Firmilien d'un menfonge manifefte, cequi eft un peu hardy. Car Baronius demeure luy-méme accord que S. Cyprien avoit envoyé à Firmilien cette lettre du Pape Eftienne, & l'on n'en peut pas méme douter puisque FirmiLien en cite plufieurs chofes dans la réponse qu'il fit à S. Cyprien. Ainfi il est étrange que Baronius pretende mieux favoir éequi eftoit dans la lettre d'Eftienne qu'il n'a point veue, que Firmilien qui l'avoit veue, & qu'il ofe démentir là-deffus ce S. Evéque fous petexte que S. Cyprien ne s'eft plaint nulle part de ces injures, & que S. Auguftin n'en fait point de mention, quoyqu'il ait vu dit-il, exaltement tout ceque S. Cyprien avoit écrit fur cette matiere. Car premierement c'eft peu connoiftre la moderation de S. Cyprien que de s'imaginer comme fait Baronius, qu'on ne luy ait jamais dit d'injures qu'il ne s'en foit plaint. Et de plus, quoyqu'il ne s'en plaigne pas formellement en fa lettre à Pompée où il répond à celle d'Eftienne ; il fait affez entendre que ce Pape avoit fort mal traittè, puisqu'il dit de luy ces paroles: [ Lettre 73. p. 269.] Entre les autres chofes fieres, ou impertigentes, ou qui fe contredifent, & qu'il a écrittes avec autant d'ignorance que d'indifcretion, voicy ce qu'il dit, &c. Jamais faint Cyprien n'auroit parlé de la forte du Pape Eftienne, fi ce Pape ne luy euft écrit des chofes extremement offençantes. Car auparavant on void comme il le traittoit; meme dans la lettre qu'il luy écrivit au nom du Synode des foixante & onze

Evéques d'Afrique, il luy parle avec toute forte d'honneur & de respect, quoy qu'il feuft bien déja qu'il eftoit d'un autre fentiment que luy fur le baptéme des heretiques. Que s'il n'en ufe pas icy dememe, c'est qu'il avoit efte offense le premier, & qu'il eroyois qu'il y avoit quelque forte de juftice de dire la veritè d'un Euéque qui affurément s'eftoit oublié en cette rencontre. Car il n'y point de doute, puisqu'il le dit, qu'il n'y euft des chofes fieres & indiferettes dans la lettre du Pape Estienne. Et cela ne feroit pas Dray fi ce qu'en rapporte Firmilien ne l'estoit. En fecond lieu, je ne fai comment Baronius peut dire que faint Auguftin avoit lu tout ceque S. Cyprien a écrit fur le baptême des heretiques, puifqu'il est certain, comme on le peut voir par une de mes Remarques: [C'est la premiere fur la lettre 71. ] qu'il n'avoit pas vu la lettre foixante & onzième; outreque faint Augustin déclare l. 5. de Bapt. c. 25. qu'il ne veut point renouveller les chofes que S. Cyprien avoit dites contre Estienne, quoyqu'il avoue en méme teme qu'en ces chofes mémes il ne s'est point départy de la charite fraternelle, c'est à dire furtout de la verité; & quamvis commotior fed tamen fraternè indignaretur. Sibienqu'il ne fe faut pas étonner que faint Auguftin ufant de ce ménagement, qui faifort méme à sa cause, parcequ'il ne luy eftoit pas avantageux de décrier la conduite d'Eftienne, dont il deffendoit le fentiment contre les Donatiftes, par des reproches veritables de S. Cyprien, il ait dißimulé plusieurs choses qui faifoient voir que ce Pape avoit esté trop Loin en cette affaire.

P, 287.

c Lettre 73:

p. 269.

Il s'y glorifioit auffi du lieu de fon Epifcopat & d'avoir fuccedè à faint Pierre b. Enfin il luy mandoit, que fi quelqu'un b Lettre 74, yenoit à l'Eglife Catholique, de quelqu'herefie qu'il fortist, on n'innovaft rien audelà de cequi avoit eftè laissé par tradition, c'est à dire qu'on luy impofaft feulement les mains pour le reconcilier, puifque les heretiques mémes ne baptizoient point ceux qui venoient à eux d'un autre party, Pompèe Evéque de Sabra ville maritime d'Afrique ayant priè faint Cyprien de luy faire fçavoir cequ'Eftienne luy avoit écrit, il luy envoya une copie de fa lettre avecque une autre en laquelle il répond à celle de ce Paped, Il y combat entr'autres chofes la Tradition qu'il & Lettre 73? alléguoit pour ne point rebaptizer les heretiques, & dit que c'eftoit une tradition humaine, & non une disposition divine. S'il eft commande, dit-il, ou dans l'Evangile, ou dans les Epiftres des Apoftres, ou dans les Actes, qu'on ne baptize point ceux qui vien

K

nent à l'Eglife de quelqu'herefie que ce foit, mais feulement qu'on leur impofe les mains pour les reconcilier, qu'on obferve à labonneheure cette fainte & divine tradition. Mais fi les heretiques n'y font nomme par tout que des ennemis, des Antechrifts, des hommes qu'il faut fuir & qui font corrompus & condannez par eux-mémes; comment peut-onpretendre que nous ne devons pas condanner ceux que l'Apoftre dit estre condannez par leur propre jugement? Perfonne ne doit donc décrier les Apoftres, comme s'ils avoient approuvè le baptéme des heretiques, ou qu'ils les euffent receus à leur communion fans leur donner celuy de l'Eglife. Mais noftre frere Eftienne nous propofe une belle Tradition & de grande autoritè lorfqu'il dit, que nous ne devons point rebaptizer les heretiques, parceque les heretiques ne rebaptizent point ceux qui viennent à eux d'ailleurs. Par où il eft evident que fi la coutume de ne point rebaptizer les heretiques venoit de la Tradition des Apoftres, cequi paroift douteux, du moins faint Cyprien ne la combattoit pas comme telle, mais parcequ'il eftoit perfuadè qu'elle n'en venoit pas Car bien loin de rejetter la Tradition, il veut qu'on la confulte. Si la veritè, dit-il, vient à eftre douteuse en quelque point, nous devons remonter à l Evangile & à la Tradition des Apoftres, afin de prendre des regles pour nous conduire dans les fonctions de noftre dignitè au méme lieu où noftre dignitè méme a pris fon origine. que faint Cyprien deffendit librement & geneHen Evéque reufement fon opinion touchant le baptéme contre le Pape Cappadoce Etienne de 3 quoy faint Auguftin le loue en fon cinquiéme Cyprien con- livre du baptéme contre les Donatiftes chapitre dixfeptiéme. Etienne. Ce grand homme, dit-il, qui a eftè épris d'amour pour la beautè de

LVI. Firmi

de Cefarée en

s'unit à faint

C'EST ainfi

la maison de Dieu, nous donne fujet de confiderer icy plufieurs chofes Premierement de cequ'il n'a point cachè fon fentiment; puis, de cequ'il l'a declarè avec tant de douceur & de charitè, &C. PRIMÒ QUIA ID QUOD SENSIT NON TA CUIT; deinde quia tam manfuetè & pacificè protulit, &c. Car quoyqu'il refpectast comme il devoit l'Eveque du premier fiege d'Occident, il ne croyoit pas que ce refpect duft aller jufqu'à une complaisance fervile, ni qu'il duft confiderer en cette rentrontre fon fentiment plus que celuy d'un autre Evéque, puifque la question dont il s'agiffoit ayant partagè les Prelats de l'Eglife, elle ne pouvoit eftre decidée que par un Concile Oceumenique, com

Theodofe,

Pulcherie.

cerd. Imp.

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me le reconnut depuis le Pape Leon fur un femblable sujet au Concile de Calcedoine, & comme le prouve fort bien Mr. de Lettre 33. Marca b. Ainfi faint Cyprien confervant toujours fa moderation Lettre 35. à ordinaire, & ne rompant point avec Eftienne, quoyqu'Eftien- b Libr. 5. de ne cuft rompu avecque luy, demeura ferme dans l'unité de Concord. fal'Eglife. Pour y eftre encore plus étroittement attachè, il fut .8... 3. bienaise de s'unir plus particulierement aux Eglifes d'Orient, & de s'informer au vray de cequ'elles tenoient fur le baptéme des heretiques. Il envoya donc en Orient le Diacre Rogatien charge de lettres pour les Evéques de cette Eglife, & de toutes les pieces qui les pouvoient inftruire de cequi s'eftoit passè en Afrique fur cette affaire. Il en écrivit une entr'autres à Firmilien Evéque de Cefarée en Cappadoce l'une des plus grandes lumieres de l'Eglife d'Orient, & qui affifta depuis au premier Concile d'Antioche contre Paul de Samofate & y parut entre les Evéques les plus eminens felon le témoignage d'Eufebe. Il c . 7. hif luy mandoit comment le Pape Eftienne avoit receu leurs dé- Ecclef. c 28, putez, avec les autres particularitez qui concernoient ce different. Il luy envoya auffi la lettre qu'Eftienne luy avoit écritte, afinqu'il puft mieux juger de toutes chofes, Ce faint Evéque qui aimoit autant l'unitè de l'Eglife que faint Cyprien, fut in

tre 74.

dignè de voir que le Pape Eftienne y avoit fi peu d'égard, & ne fe foucioit pas d'y mettre la divifion pour foutenir un fentiment fur lequel l'Eglife ne s'eftoit pas encore declarèe. Il fit donc une réponse à faint Cyprien doù il dit beaucoup de cho- de la leò fes contre ce Pape, & s'éleve fur tout contre fon excommunication qu'il traitte d'audace & d'infolence. Puis s'addressant à luy-méme: Combien de querelles, dit-il, & de differens avez-vous excitè par toutes les Eglifes du monde, & combien avez-vous aggravè vostre pechè lorsque vous vous estes feparè de tant de troupeaux de JESUS-CHRIST? Vous vous eftes retranchè vous-même de la communion, ne vous y trompez pas. Car celuy-là eft vrayment schif matique qui rompt l'unitè de l'Eglife. Ainfi, tandis que vous penfiez pouvoir feparer tous les autres de vous, vous vous eftes feul feparè de tous. Aprés, il entreprend la refutation de fa lettre, & combat furtout à l'exemple de faint Cyprien la Tradition qu'il y alleguoit. Il dir que les Afriquains avoient pu dire à Eftienne, qu'après avoir reconnu la veritè, ils avoient quittè l'erreur

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