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LVI. Firmi

de Cefarée en

que

nent à l'Eglife de quelqu'herefie que ce foit, mais feulement qu'on leur impofe les mains pour les reconcilier, qu'on obferve à labonneheure cette fainte & divine tradition. Mais fi les heretiques n'y font nomme par tout que des ennemis, des Antechrifts, des hommes qu'il faut fuir & qui font corrompus & condannez par enx-mémess comment peut-onpretendre que nous ne devons pas condanner ceux l'Apoftre dit estre condannez par leur propre jugement? Perfonne ne doit donc décrier les Apoftres, comme s'ils avoient approuvè le baptéme des heretiques, ou qu'ils les euffent receus à leur communion fans leur donner celuy de l'Eglife. Mais noftre frere Eftienne nous propose une belle Tradition & de grande autoritè lorsqu'il dit, que nous ne devons point rebaptizer les heretiques, parceque les heretiques ne rebaptizent point ceux qui viennent à cux d'ailleurs. Par où il eft evident que fi la coutume de ne point rebaptizer les heretiques venoit de la Tradition des Apoftres, cequi paroift douteux, du moins faint Cyprien ne la combattoit pas comme telle, mais parcequ'il eftoit perfuadè qu'elle n'en venoit pas Car bien loin de rejetter la Tradition, il veut qu'on la confulte. Si la veritè, dit-il, vient à estre douteuse en quelque point, nous devons remonter à l Evangile & à la Tradition des Apoftres, afin de prendre des regles pour nous conduire dans les fonctions de noftre dignitè au méme lieu où noftre dignitè méme a pris fon origine.

C'EST ainfi que faint Cyprien deffendit librement & geneHen Evéque reufement fon opinion touchant le baptéme contre le Pape Cappadoce Etienne de 3 quoy faint Auguftin le loue en fon cinquiéme Cyprien con- livre du baptéme contre les Donatiftes chapitre dixfeptiéme.

s'unit à faint

'Eftienne.

Ce grand homme, dit-il, qui a eftè épris d'amour pour la beautè de la maison de Dieu, nous donne fujet de confiderer icy plufieurs chofes Premierement de cequ'il n'a point cachè fon fentiment; puis, de cequ'il l'a declarè avec tant de douceur & de charitè, &c. PRIMÒ QUIA ID QUOD SENSIT NON TACUIT; deinde quia tam manfuetè & pacificè protulit, &c. Car quoyqu'il refpectaft comme il devoit l'Eveque du premier fiege d'Occident, il ne croyoit pas que ce refpect duft aller jufqu'à une complaifance fervile, ni qu'il duft confiderer en cette rentrontre fon fentiment plus que celuy d'un autre Evéque, puifque la question dont il s'agiffoit ayant partagé les Prelats de l'Eglife, elle ne pouvoit eftre decidée que par un Concile Oecumenique, com

Theodofe, &

Pulcherie.

cerd. Imp.

Ecclef. c. 28.

me le reconnut depuis le Pape Leon fur un femblable sujet au Concile de Calcedoine, & comme le prouve fort bien Mr. de Lettre 33. Marca ↳. Ainsi saint Cyprien confervant toujours fa moderation Lettre 35. ordinaire, & ne rompant point avec Eftienne, quoyqu'Eftien- b Lib. 5. de ne cuft rompu avecque luy, demeura ferme dans l'unité de Concord. fal'Eglife, Pour y eftre encore plus étroittement attachè, il fut -.8.». 3. bienaife de s'unir plus particulierement aux Eglifes d'Orient, & de s'informer au vray de cequ'elles tenoient fur le baptéme des heretiques. Il envoya donc en Orient le Diacre Rogatien charge de lettres pour les Evéques de cette Eglife, & de toutes les pieces qui les pouvoient inftruire de çequi s'eftoit passè en Afrique fur cette affaire. Il en écrivit une entr'autres à Firmilien Evêque de Cefarée en Cappadoce l'une des plus grandes lumieres de l'Eglife d'Orient, & qui affifta depuis au premier Concile d'Antioche contre Paul de Samofate & y parut entre les Evéques les plus eminens felon le témoignage d'Eusebe. Il c L. 7. hif luy mandoit comment le Pape Eftienne avoit receu leurs députez, avec les autres particularitez qui concernoient ce different. Il luy envoya auffi la lettre qu'Eftienne luy avoit écritte, afinqu'il puft mieux juger de toutes chofes, Ce faint Evéque qui aimoit autant l'unitè de l'Eglife que faint Cyprien, fut indignè de voir que le Pape Etienne y avoit fi peu d'égard, & ne fe foucioit pas d'y mettre la divifion pour foutenir un fentiment fur lequel l'Eglife ne s'eftoit pas encore declarèe. Il fit donc une réponse à faint Cyprien doù il dit beaucoup de cho-deale fes contre ce Pape, & s'éleve fur tout contre fon excommunication qu'il traitte d'audace & d'infolence. Puis s'addressant à luy-méme: Combien de querelles, dit-il, & de differens avez-vous excitè par toutes les Eglifes du monde, & combien avez-vous aggravè vostre pechè lorsque vous vous estes feparè de tant de troupeaux de JESUS-CHRIST? Vous vous eftes retranchè vous-même de la communion, ne vous y trompez pas. Car celuy-là eft vrayment schif matique qui rompt l'unitè de l'Eglife. Ainsi, tandis que vous penfiez pouvoir Separer tous les autres de vous, vous vous eftes feul feparè de tous. Aprés, il entreprend la refutation de fa lettre, & combat furtout à l'exemple de faint Cyprien la Tradition qu'il y alleguoit. Il dir que les Afriquains avoient pu dire à Eftienne, qu'aprés avoir reconnu la veritè, ils avoient quittè l'erreur

tre 74.

a Cela fait

voir à mon

de la coutume; mais que pour eux, ils joignoient la verité à la coutume, & qu'ils oppofoient à la coutume des Romains une autre coutume plus veritable que la leur, ayans toujours gardè en ce point cequi leur avoit eftè laifsè par Jesus-CHRIST& par l'Apoftre: Qu'ils ne fe fouvenoient point que la prattique de rebaptizer les heretiques euft commencé parmy eux, parcequ'elle y avoit toujours eftè. Il marque que les Orientaux alloient encore plus loin que faint Cyprien & que les Evéques d'Afrique, veuqu'ils rebaptizoient même ceux qui avoient estè avis que le baptizez par des Evéques tombez pendant la perfecution: Que royoit 'n c'eft une abfurditè de dire qu'il ne faut point avoir egard à celuy cation des tron qui a baptizè, & que celuy qui a eftè baptizè a pu fort bien reTrinite necef- cevoir la grace du baptéme par la feule invocation des perfonvalidité du nes de la Trinitè a; puifque cette invocation toute feule du nom bapteme; & des trois perfonnes divines ne fuffit pas pour remettre les pechez, à moins que celuy qui baptize n'ait le faint Efprit. Enfin il fe de quelque fert de la plus part des raifons de faint Cyprien pour foutenir la maniere qu'il neceffitè de la reiteration du baptéme des heretiques, & en allegue encore de nouvelles.

Pape Efienne

l'invo

perfonnes de la

faire pour la

qu'ainfi il ne

penfoit pas

qu'il fuft bon,

fuft conferé par les heretiques.

LVII. S.Cy

prien convo

que encore

fur le fujet

LE Diacre Rogatien apporta à faint Cyprien cette lettre de Firmilien fur la fin de l'eftè. Saint Cyprien eut bien de la un Synode joye de voir que fon fentiment fuft approuvè d'une Eglife auffi du baptéme illuftre que celle d'Orient, & de tant d'Evéques celebres par leur vertu & par leur fuffifance. Il n'en demeura pas là neanmoins, mais pour s'affurer encore davantage de celuy des Evéques d'Afrique, il refolut de les affembler pour la troifiéme fois en plus grand nombre qu'il n'avoit fait jufqu'alors. Ils fe trouverent donc à Carthage le premier de Septembre jufqu'à quaP. 611. tre-vingt fept Evéques, avec les Preftres & les Diacres b. En cette augufte affemblée où une grande partie du peuple eftoir prefent, on lut d'abord la lettre de Jubajan à faint Cyprien fur le baptéme des heretiques, avec la réponse de faint Cyprien, & une autre réponfe de Jubajan où il le remercioit de l'avoir inftruit. Alors noftre Saint prenant la parole: Vous venez d'en-. tendre, dit-il, mes tres-chers Collegues, ceque noftre Confrere Iubajan m'a écrit pour fçavoir mon avis touchant le baptéme illicite & prophane des heretiques, & ceque je luy ai répondu fuivant ceque nous avons ordonnè en deux Synodes, qu'il faut que les heretiques

qui viennent à l'Eglife foient baptizez & fanctifiez du baptéme de l'Eglife. Cequi reste à faire, c'est que nous difions chacun noftre avis Là-deffus, ne condannans perfonne,& n'excommunians perfonne pour te fujet quand il feroit d'une autre opinion. Car aucun de nous ne fe conftitue Evéque des Evéques, & ne pretend contraindre tyranniquement fes Collegues à obeir, puifque tout Evéque eft libre de faire cequ'il luy plaift, & ne peut nonplus eftre jugè par un autre que juger les autres, mais que nous attendons tous le jugement de noftre Seigneur JESUS-CHRIST, qui feul a le pouvoir de nous établir au gouvernement de fon Eglife de juger de noftre conduitte. Aprés, tous les Evéques dirent leur avis & conclurent unanimement à condanner le baptéme des heretiques comme estant faux & abfolument inutile pour le falut.

flexion fur

baptême des

a

Chr. 259. n 1. & 2.

VOILA tout cequi fe paffa en Afrique en cette affaire qui LVIII. Refit alors tant de bruit dans l'Eglife. L'on ne fçait point fi faint Paffaire du Cyprien changea depuis de fentiment; & il n'y a gueres d'ap- heretiques. parence, puifqu'il eft certain que les Evéques d'Afrique rebaptizoient encore les heretiques du tems de Conftantin, c'est à dire plus de cinquante ans depuis, comme on le void par le huitiéme Canon du premier Concile d'Arles tenu en 314. fous cet Empereur. Il eft vray-femblable que Firmilien n'en changea point nonplus. Carles Orientaux, & furtout ceux de Cappadoce retinrent la coutume de rebaptizer les heretiques longtems depuis, comme cela paroift par la premiere & la feconde lettre de faint Bafile à Amphilochius. Il eft vray quant aux Evéques d'Afrique, que faint Jerôme écrivant contre les Lub.7. hift. ciferiens témoigne que depuis ils firent un autre Decret. Mais outrequ'il ne marque pas en quel tems cela arriva, il femble qu'il done l'avance fans fondement, puifque méme du temps d'Optat,environ cent ans aprés faint Cyprien, les Afriquains rejettoient encore le baptême des heretiques, & n'admettoient que celuy des fchifmatiques. Et c'eft peuteftre à l'égard de ceux-cy qu'ils firent ce nouveau decret dont parle faint Jerôme. Quoyqu'il en foit, il eft tres-peu important de fçavoir fi faint Cyprien & Valous la fort

Pretend pro

ver par Eufe

Ecclef. c. 4.

les Evéques

rendirent enfin an fentiment

d'Effienne du fienne méme.

vivans d'E

Mais c'est qu'il n'a

p

entendu Eufe

be,comme Mr.

bien remar

que. Et cequi montre clairement la méprise de Baronius, c'est que Denys Evéque d'Alexandrie écrivant à Sixte fucceJeur Eftienne, luy parle de la question du baptême, comme d'une quefion qui n'estoit pas encore terminee. [ Eufebe 1. 7. hist. Eccl. c. 5. Ainfi tout ceque dit Baronius du naufrage de Firmilien dans la foy n'eft qu'une pure imagination qui se détruit d'elle-méme, cet Evéque ayant toujours efté confideré jusqu'à fa mort par tous les autres Evéques, comme Catholique, & ayant meme afifté parmy les plus éminens au premier Concile d'Anthioche contre Paul de Samozate, comme nous l'avons dit, & aprés fa tort toute l'Eglife l'á honnoré comme un Saint, quoyqu'il n'ait jumau changé de sentiment fur le baptême des heretiques.

a L. 2: de Bapt. c. I.

faint Firmilien changerent de fentiment ou non. Leur faintetè eft independante de cela; & elle est auffi affurèe que leur changement eft douteux. Cequi pourroit faire le fujet d'une queftion plus raifonnable, c'eft de fçavoir fi le Pape Etienne s'eft reconcilié avec eux avant que de mourir, & eft r'entre dans leur communion. Et il n'en faut point douter, veuque l'Eglife l'honnore comme un Martyr, & que le martyre eft incompatible avec le fchifme & la divifion, Car comme faint Auguftin dit fort bien a que l'erreur de faint Pierre qui vouloit obliger les Gentils à Judaïzer, ne l'empefcha pas de remporter la couronne du martyre, parcequ'il fouffrit patiemment la reprehenfion de faint Paul & qu'il ne fe fepara point de l'Eglife, pacis atque unitatis vinculo cuftoditus ad martyrium provehitur; on peut dire aucontraire que le fentiment veritable qu'avoit le Pape Eftienne touchant le baptéme des heretiques, ne luy auroit pu faire remporter la couronne du la couronne du martyre, parcequ'il n'avoit pas fouffert patiemment les remontrances de plufieurs Evé+ ques Catholiques & s'eftoit feparè de leur communion, si avant que de mourir il n'euft fait la paix avecque eux, & n'euft renouè les liens de la charitè & de l'unitè. Car cette parole que nous venons rapporter de faint Cyprien eft tres-vraye, que nul Evéque ne peut contraindre fes Collegues à luy obeir, puisque tout Evéque eft libre de faire cequ'il luy plaift, & ne peut nonplus eftre jugè par un autre que juger les autres. Il n'excepte de cette Regle aucun Evéque, non pas méme celuy de Rome, pour montrer que le Pape Eftienne paffoit en cette rencontre les bornes de fon pouvoir, & entreprenoit une chofe qui n'appar tient qu'à JESUS-CHRIST, comme le dit encore noftre Saint au même endroit, c'est à dire à l'Eglise assemblée dans un parare ante Concile univerfel & infpirée de l'efprit de JESUS-CHRIST, fibi Dominus C'eftpourquoy faint Auguftin remarque judicieufement que perbi fervi fa. Cette libertè que faint Cyprien donne à chaque Evêque de eile auf funt, faire cequ'il luy plaift, ne fe doit entendre que pour les que, unitate Catho- ftions qui n'ont pas encore eftè parfaittement éclaircies, & funt. Aug. fur lefquelles l'Eglife n'a pas prononcè, comme eftoit alors celle du baptéme. Car lorfqu'elle s'eft declarée par un Synode general, les Evéques font obligez de fe rendre à fes decifions, & un. Evéque le peut fort bien feparer de la communion d'un

Nam qui fe

tempus, quod

fervavit, fu

ipfi potius ab

lica feparati

Ep. 209.

c L. 3. de

Bapt. 3.

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