LETTRES

ECRITES PENDANT LES DEUX ANNEES

DE LA RETRAITTE

DE SAINT CYPRIEN

Du Clergé de Rome au Clergé de Carthage, touchant la retraitte de faint Cyprien.

Le Siege de Rome eftant vacant par le martyre du Pape faint Fabien, & faint Cyprien s'eftant retirè acaufe de la perfecution de Decius qui fut la feptiéme felon Severe Sulpice, le Clergé de Rome écrivit cette lettre au Clergé de Carthage, pour l'exhorter à foutenir les Fidelles, & à tafcher de relever ceux qui eftoient deja tombez

Ous avons appris du Soudiacre Clementius qui nous est venu trouver de voftre part, que le bien-heureux Pape Cyprien a s'est retirè

temps-là à

b Voyez les

a s'eft retirè pour quelque raifon particuliere, & qu'il ac'eft que ceta bien fait, parce que c'eft une perfonne confiderable b. Or commune en ce puifque Dieu a permis la perfecution prefente, afin de donner tous les Evef moyen à fes ferviteurs de combattre contre leur adverfaire, & ques de rendre les hommes & les Anges fpectateurs de ce combat, Remarques. où celuy qui remportera la victoire fera couronnè, & celuy qui demeurera vaincu fera condamnè par la Sentence du Souverain Juge aux peines que nous fçavons: Et puifque le foin du troupeau nous eft commis, à nous qui femblons eftre établis pour le conduire & pour tenir la place du Pasteur; fi nous fommes trouvez negligens, nous avons fujet de craindre qu'on ne nous dise ce qu'on a dit aux Pasteurs negligens qui nous ont precedè; Que nous n'avons point cherchè ce qui eftoit perdu, cEzech.34.- 4

14. 15. ↑

c Jean. 10.

12.

15.

ni remis dans le chemin celuy qui estoit égarè, ni bandè les Ezech.34.3. playes des bleffez; & que cependant nous mangions a leur lait, & nous couvrions de leur laine. Noftre-Seigneur luyméme accompliffant ce qui eft écrit dans la Loy & dans les Prophetes, nous dit ces paroles pour nous fervir d'inftruction: b Jean. 10. Ieb fuis le bon Pasteur, qui donne ma vie pour mes brebis; mais le mercenaire, à qui les brebis n'appartiennent point, lors qu'il veid le loup les abandonne & s'enfuit, & le loup difperfe les brebis. d Jean. 21. Il dit auffi à Simond; M'aimez-vous? Il répondit: le vous aime. JESUS luy dit: Paissez mes brebis. Or nous fçavons qu'il luy dit cela acaufe qu'il s'eftoit retire, & avoit donnè, en laissant fon maistre, exemple aux autres difciples, qui en firent de méme. Nous ne voulons donc pas, mes tres-chers freres, que vous foyiez des mercenaires, mais de bons pafteurs. Car vous fçavez que vous n'expofez pas nos freres à un danger peu confiderable, fi vous ne les exhortez à demeurer fermes & immobiles dans la foy, de peur que se laissant aller à l'idolatrie, toute la focietè ne perifle. Et nous ne vous exhortons pas feulement de paroles à vous acquitter de ce devoir; mais vous pourrez apprendre de plufieurs perfonnes qui viennent d'icy, que par la grace de Dieu nous avons fait & faifons toutes ces chofes avec tout le foin poffible, & au peril méme de nostre vie, ayant plutoft devant les yeux la crainte de Dieu, & les fupplices eternels, que celle des hommes & des peines passageres. Nous n'abandonnons point nos freres, & nous les exhortons continuellement à demeurer fermes dans la foy, & à fe tenir prefts pour aller avec Noftre-Seigneur. Nous en avons méme fait revenir quelques-uns du Capitole où ils eftoient déja montez pour y offrir de l'encens aux Dieux. Cette Eglifeeft forte dans la foy, quoy que quelques perfonnes confiderables fe foient laiffez aller par la crainte des tourmens. Mais ils retournent à cette heure. Et nous ne les avons point abandonnez lors qu'ils eftoient feparez de nous, mais nous les avons exhortez, & les exhortons encore à faire penitence, pour voir s'ils ne pourront point obtenir le pardon de leur faute de celuy qui le leur peut accorder; de peur que fi nous les abandonnions, ils ne devinffent encore pires. Vous voyez donc, mes freres, que vous estes auffi obligez de faire la méme chofe de

cy

J

Remarques.

douzième.

cela pourrait

s'ils

voftre coftè, afin que ceux mémes qui font tombez rentrant dans le bon chemin à l'aide de vos exhortations, puissent se trouver affez forts pour confeffer le nom de JESUS-CHRIST s'ils font repris, & pour reparer leur faute. Il y a encore une autre chofe dont nous croyons vous devoir avertir, qui eft que fi ceux qui font tombez viennent à eftre malades, & qu'ils fe repentent de ce qu'ils ont fait & defirent la Communion, il la leur faut a Voyez les accorder. Soit donc que ce foit des veuves ou des pauvres, ou des perfonnes qui foient en prifon ou chaffez de leurs maisons, on leur doit donner quelqu'un qui la leur administre. Les Catecumenes auffi qui tombent malades ne doivent point entre trompez dans leur attente, & il faut avoir foin de les affifter bbc'eft à dire, • de les baptifer. De plus, fi l'on n'enterre les corps des Martyrs & des autres Voyez la lettre Fidelles, ceux qui font destinez pour cela en feront extréme- c Parce que ment refponfables. Quiconque donc d'entre vous aura foin décourager les de s'acquitter de ces chofes, nous fommes affurez qu'il fera Fideles, reputè bon ferviteur, & qu'on l'établira fur dix villesd, parce n'eft pas foim qu'il aura eftè fidelle dans ce peu là. Nous prions Dieu qui qui font morts. donne à ceux qui efperent en luy tout ce qu'ils luy demandent, qu'il nous faffe la grace à tout tant que nous fommes d'accomplir ces bonnes œuvres. Les Freres qui font dans les liens vous faluënt, avec les Preftres & toute l'Eglife, qui veille inceffamment pour le falut de tous ceux qui invoquent le nom de Noftre-Seigneur. Nous vous demandons auffi que de voftre coftè vous vous fouveniez de nous. Baffien eft arrivè icy. Nous vous prions, vous qui eftes zelez pour le fervice de Dieu, de faire voir cette lettre à tous ceux que vous pourrez, felon les occafions qui fe prefenteront, & que vous ferez naistre vousmémes, afin qu'ils demeurent fermes & immobiles dans la foy. Nous fouhaittons, mes tres-chers freres, que vous foyicz toujours en bonne difpofition,

voyoient qu'on

d'enterrer ceux

d Luc. 19.17.

F

a C'est le Pape Saint Fabien

reur Decius

avoit fait

mourir.

B Cette lettre

point aujour

De faint Cyprien au Clergé de Rome, touchant la mort de leur Evefque.

Cyprien aux Preftres & aux Diacres fes freres qui demeurent

à Rome.

C'est la réponse de faint Cyprien à une lettre que le Clergé de Rome luy avoit écritte fur la mort du Pape Saint Fabien.

ME

Es tres-chers freres, lors que nous eftions encore incertains de la mort du faint homme mon Collegue a, & que l'Empe que la renommée ne nous en avoit rien appris de bien afsure; j'ai receu une lettreb de vous, que vous m'avez envoyée par le Soudiacre Clementius, qui m'a pleinement inftruit de fa mort ne se trouve glorieufe. J'ai reffenti beaucoup de joye de ce qu'il a couronnè une administration fi pure & fi louable par une fin si honnefte: & je vous fçai auffi extrémement bon grè de ce que vous honnorez fa memoire d'un témoignage fi illuftre; puis qu'en méme temps que vous nous parlez fi avantageufement de voftre Prelat dont le fouvenir vous eft extrémement honnorable, vous nous donnez en fa perfonne un exemple de foy & de vertu. Car autant que la chieute de l'Evefque eft pernicieuse à ceux qui font fous fa conduitte, autant eft-ce une chofe utile & falutaire lors que demeurant immobile dans la foy, il C'est ainsi le propose luy-méme aux Freres pour leur fervir de modelle. Les Chreftiens. J'ai leu auffi une lettre qui ne marque point precisément ceux dc'eft la let- qui l'ont écritte, ni ceux à qui elle s'addreffed. Et parce que tre precedente. l'écriture, la fubftance de la lettre, & la forme méme du paRemarques. pier m'ont fait apprehender qu'on n'y cuft oftè ou changè

qu'on appellois

Voyez les

quelque chofe, je vous en renvoye l'original, afin que vous reconnoilicz fi c'eft celle-là méme dont vous avez chargè le Soudiacre Clementius. Car je ferois bien fafchè qu'on cuft alterè & corrompu la lettre d'un Clergè. Afin donc que nous

1

en puissions estre affurez, voyez fi c'eft voftre écriture & vostre foufcription, & nous faittes fçavoir au vray ce qui en est. Je fouhaitte, mes tres-chers freres, que vous foyiez toujours en bonne fantè.

LETTRE IV.

De faint Cyprien à fon Clergè; du foin des pauvres repos du peuple.

& du

Cyprien aux Preftres & aux Diacres fes tres-chers freres.

Il donne quelques ordres à fon Clergé touchant ceux qui eftoient en prison pour avoir confeßè JESUS-CHRIST, touchant les pauvres ; & le prie d'ufer de difcretion pour me point irriter les Payens.

E vous faluë, mes tres-chers freres, & vous affure que ma fantè

Jance eft bonne par la grace de Dieu, & me réjouis de ce

à

feurs effent

a. Les Confef

ceux qui interrogez devant

les Juges aJESUSeffè bannu

voient confef

CHRIST,

ou mis en prifon: Et les

qui l'ayant

vere dans leur

obftant les

tourmens; fans

que la voftre eft de méme. Et parce que je ne puis pas eftre cette heure feurement à Carthage, je vous conjure par voftre foy & par voftre pietè, de vous acquitter de vos fonctions && des miennes de telle forte, qu'il ne manque rien à l'ordre & à l'exactitude de la difcipline. Pour ce qui regarde la dépenfe Martyrs, ceuse qu'il faut faire foit pour ceux qui font en prifon pour avoir confeße, aglorieufement confefsè le nom de Dieu, ou pour ceux qui font voient perfe pauvres, & ne laiffent pas de perfeverer dans la foy de JEsus- confefiion nonCHRIST, je vous prie de n'y rien épargner. Car vous fçavez que tout l'argent qu'on a pu ramaffer a eftè diftribué aux qu'il fust beEcclefiaftiques pour de femblables occafions, afin que plufieurs fuffent morts. euffent dequoy fubvenir à l'indigence de chaque particulier. appelle au Je vous prie auffi d'employer voftre vigilance & voftre indu- quelquefo ftrie à procurer la paix. Que fi les Freres pour fatisfaire l'ardeur de leur affection envers les faints Confeffeurs a que Dieu fouffert des a déja daignè rendre illuftres par de fi glorieux commence- comme on le fouhaittent passionnément de les aller voir dans la prison;

mens,

Join qu'ils y

Saint Cyprien

ConfeJeurs

ceux mémes qui avoient

tourmens,

peut voir en la