Page images
PDF
EPUB

a. Matth. 25. 31.

fervir? Et puifque le ferviteur ne fait pas ce qu'on luy com mande, le maistre n'aura-t-il pas droit d'executer ses menaces? Car voicy de quelle forte il parle fur ce fujet: Lorfque a le Fils de l'homme, dit-il, viendra dans fa gloire accompagnè de tous les Anges, il s'afséra fur fon throfne, & toutes les nations de la terre feront affemblees en fa prefence. Il les feparera les uns d'avec les autres comme un berger fepare les brebis d'avec les boucs,& il mettra les brebis à fa droitte & les boucs à fa gauche. Alors le Roy dira à ceux qui feront à fa droitte: Venez-vous que mon Pere a benits, recevez le Royaume qui vous a eftè preparè dés le commencement du monde. Car j'ai eu faim, & vous m'avez donnè à manger; j'ai eu foif, & vous m'avez donnè à boire ; j'ai eu befoin de logement, & vous m'avez logè; j'ai eftè nud, & vous m'avez habille; j'ai eftè malade,& vous m'avez afsiftè; j'ai eftè en prison, & vous m'efles venus voir. Alors les juftes luy diront: Seigneur, quand eft-ce que nous vous avons vu avoir faim, & que nous vous avons donnè à manger; ou avoir foif, & que nous vous avons donnè à boire ? Quand est-ce que nous vous avons vu fans logement, & que nous vous avons logè; ou fans habits,& que nous vous avons habillè? Et quand est-ce que nous vous avons vu malade ou en prison, & que nous vous fommes venus vifiter ? Et le Roy leur répondra : Ie vous dis en veritè que lorsque vous avez fait toutes ces chofes aux moindres de mes freres, c'est à moy-même que vous les avez faittes. Il dira enfuitte à ceux qui feront à fa gauche : Retirez-vous de moy maudits, & allez au feu éternel que mon Pere a preparè pour diable & pour fes Anges. Car j'ai en faim, & vous ne m'avez point donnè à manger; j'ai eu foif, & vous ne m'avez point donnè à boire ;j'ai eu befoin de logement, & vous ne m'avez point logè; j'ai eftè nud,& vous ne m'avez point vestu ; j'ai eftè malade & en prifon, & vous ne m'avez point vifitè. Et les méchans luy diront aufsi: Seigneur, quand eft-ce que nous vous avons vu avoir faim ou foif, ou manquer de logement & d'habits, ou eftre malade & en prifon, que nous ne vous avons point afsiftè ? Et il leur répondra: Je vous dis en veritè qu'autant de fois que vous avez manquè à rendre ces afsistances aux moindres de ces petits, vous avez manquè à me les rendre à moy-méme. Et alors ceux-cy irant dans les flammes éternelles, & les juftes dans la vie éternelle. Qu'est-ce que JESUS-CHRIST nous pouvoit dire de plus puiffant?

le

[ocr errors]

a a Galat.6.16.

Comment nous pouvoit-il exciter davantage aux œuvres de mifericorde, qu'en déclarant que tout ce qu'on donne aux pauvres, c'eft à luy-méme qu'on le donne, & que c'eft l'offenfer que de ne les point fecourir? afin que fi nous n'eftions point touchez de compaffion pour nos freres, nous le fufions au moins pour luy; & fi nous méprifions les fouffrances d'un ferviteur, nous penfaffions à noftre Maistre qui souffre en celuy que nous méprifons. C'eft pourquoy, mes tres-chers Freres tout tant que nous fommes qui avons la crainte de Dieu, & qui foulant le monde aux pieds nous élevons vers le ciel, travaillons par l'ardeur de noftre foy & de noftre zéle, & par l'exercice continuel des bonnes œuvres à acquerir de nouveaux merites. Reveftons icy-bas JESUS-CHRIST, afin qu'il nous, reveste un-jour de l'immortalitè. Nourriffons-le en ce monde, afin d'eftre affis en l'autre au banquet celefte avec Abraham Ifaac & Iacob. Semons beaucoup, afin de recueillir beaucoup.. Tafchons d'affurer noftre falut tandis que nous le pouvons, fuivant ce confeil de l'Apoftre: Pendant que nous en avons le temps, dit-il, faifons du bien à tous, mais principalement à ceux qui demeurent dans la maison de la foy. Et ne nous laffons point ↳ Là méme: de bien faire,car nous ferons la recolte en fon temps. Confiderons, mes tres-chers Freres, ce que les fidelles faifoient fous les Apoftres, lorfque la vertu eftoit encore fleuriffante, lorsque la foy des nouveaux Chreftiens eftoit vive & embrazèe d'une ardente charitè. Ils vendoient alors leurs maisons & leurs heritages, & en donnoient liberalement le prix aux Apoftres pour le distribuër aux pauvres ; & par-là ils s'acqueroient des demeures éternelles. Leurs bonnes œuvres eftoient en auffi grand nombre que leur union eftoit grande. Or comme nous le voyons dans les Actes: La multitude de ceux qui croyoient n'agissoit que. 4. 32. par une méme ame & un méme efprit. Perfonne ne confideroit ce qu'il poffedoit comme luy appartenant, mais toutes chofes eftoient communes. C'eft-là veritablement devenir enfant de Dieu, c'eft imiter fa justice. Car tout ce qui eft à Dieu eft commun à tous les hommes, & nul n'eft exclu de fes graces & de fes bien-faits. Ainsi le jour éclaire égallement tout le monde, le Soleil répand fes rayons par tout, la pluye arrofe toutes les terres, le vent fouffle en tout païs, un méme fommeil eft pour K kk iij

C

v.9.

nous

rous, & tous voyent la lumiere de la lune & des étoilles. Celuy donc qui à l'exemple d'une fi belle égalité partage fes revenus avec fes freres, imite Dicu en quelque forte. Quelle fera la gloire & la joye des perfonnes charitables, lorfque Nôtre-Seigneur faifant la reveuë de fon peuple, & recompenfant felon fes promeffes nos merites & nos bonnes œuvres, donnera des biens celeftes pour des biens terreftres, des chofes éternelles pour des paffageres, beaucoup pour peu; lorsqu'il nous prefentera à fon Pere aprés nous avoir fanctifiez & rendus dignes de luy; lorfqu'il nous communiquera l'immortalitè qu'il nous a acquife par fon fang; lorsqu'il nous fera rentrer dans le Paradis & nous ouvrira le Royaume des cieux? Imprimons fortement ces chofes dans noftre ame; que la foy nous les faffe comprendre; que la charitè nous les faffe aimer, & tafchons de les meriter par une fuitte continuelle d'actions liberales & genereufes. L'aumône, mes tres-chers Freres, cft quelque chofe d'excellent & de divin; c'est la confolation des fidelles, le gage de noftre falut, le fondement de noftre efperance, le bouclier de noftre foy, le remede de nos pechez; c'est une chose grande & aifèe tout ensemble; c'est une couronne qu'on remporte dans le temps de la paix & qui cft exempte des perils de la perfecution; c'eft un des plus grands dons de Dieu, neceffaire aux foibles, glorieux aux forts, utile à tous les Chreftiens pour obtenir les graces du ciel, pour se rendre JESUS-CHRIST favorable au jour du jugement, & pour mettre Dieu méme au nombre de nos debiteurs. Combattons à l'envy pour remporter cette palme; courons tous dans la carriere de la juftice où nous avons Dicu & JESUSCHRIST pour fpectateurs ; & puifque nous-nous fommes déja élevez au deffus du monde, qu'aucun de fes faux biens ne foit capable de retarder noftre courfe. Si le jour de la mort ou de la perfecution nous trouve ainfi dégagez, prompts, & occupez à bien faire, Noftre-Seigneur ne manquera point de nous donner la recompenfe que nous meritons. Il mettra fur noftre tefte une couronne d'une blancheur éclattante fi nous triomphons dans la paix, & y en ajoutera une autre de couleur de pourpre fi nous demeurons victorieux dans la perfecution.

A

IX. TRAITTE'

De faint Cyprien.

De la Patience.

YANT deffein de parler de la Patience & d'en montrer

14.

les avantages, par où puis-je commencer plus à propos, mes tres-chers Freres, que par ce que je voy que vous avez befoin de patience pour m'écouter, fi bien que vous n'en fçauriez méme ouïr parler fans en avoir? Car nous ne pouvons profiter de ce qu'on nous dit, fi nous ne l'écoutons patiemment. Auffi de tous les moyens que noftre Religion nous fournit pour acquerir les biens qui nous font promis, je n'en voy point de meilleur ni de plus utile que la Patience. Les Philofophes font profeffion de cette vertu auffi-bien que nous, mais leur patience eft auffi fauffe que leur fageffe. Car comment ceux-là pourroient-ils eftre fages ou patiens qui ne connoiffent ni la fageffe ni la patience de Dieu ? C'est ce qui luy fait dire de ceux qui fe croyent fages dans le monde : le a dé- 21faïe. 29. truirai la fageffe des fages, & aneantirai la prudence des prudens. Le bien-heureux Apoftre faint Paul rempli du Saint-Efprit & envoyé pour appeller & convertir les Gentils témoigne la méme chofe, quand il dit: Prenez b garde que perfonne ne vous trompe par la Philofophie & par de vaines fubtilitez qui ne font appuyees que fur les traditions des hommes, & fur les principes d'une fcience mondaine, & non fur la doctrine de JESUS-CHRIST. Car en luy habite toute la plenitude de la divinitè. Et en un autre endroit Que perfonne ne s'y trompe. Si quelqu'un parmy vous 1.Cor.3.18. penfe estre fage, qu'il devienne for felon le monde afin d'eftre fage. Car la fageffe du monde eft une folie devant Dieu, puifqu'il est écrit: Ied furprendrai les fages par leurs propres fineffes; & ailleurs : Le Pf. 93. 11. Seigneur feait que les pensées des fages font folles. S'ils n'ont donc point de veritable fagefle, ils n'ont point non plus de veritable patience. Car fi pour eftre patient il faut eftre humble & doux, & que tant s'en faut que les Philofophes foient doux & hum

C

b Coloff. 2. 8,

d Job. 5.137

e

mémes

[ocr errors]

bles, nous voyons au contraire qu'ils fe complaifent en euxce qui fait qu'ils déplaifent à Dieu; il eft manifefte que la vraye patience ne fe trouve point où regne une libertè effrenèe & une vanitè fans mefure & fans retenuë. Mais pour nous, mes tres-chers Freres, qui fonimes Philofophes non de paroles mais d'actions, qui ne mettons pas la fageffe dans l'habit mais dans les effets, qui aimons mieux eftre vertueux que de le paroiftre, qui ne difons pas de grandes chofes mais qui tafchons de les faire, prattiquons comme de veritables ferviteurs de Dieu la patience que luy-méme nous enfeigne par fon exemple. Car cette vertu nous cft commune avec Dieu. C'est du ciel qu'elle vient, & qu'elle tire fon éclat & fa gloire. Les hommes doivent aimer une vertu qui eft aimée de Dieu. Ce qu'une fi haute Majeftè cherit ne peut eftre que grand & recommendable. Si Dicu eft noftre Maistre & noftre Pere, imitons fa patience; puifque des ferviteurs doivent obeïr à leur maistre, & qu'il ne faut pas que des enfans dégenérent de la vertu de leur pere. Or quelle Patience n'a-t-il point de fouffrir que les hommes pour luy faire injure bâtissent des temples, dreffent des ftatues, offrent des facrifices impies,& de ne pas laiffer de faire lever fon foleil fur les bons & fur les méchans, & d'arrofer égallement de fes pluyes la terre des uns & des autres ? C'est par un effet de cette méme Patience que nous voyons les faifons & les élemens fervir indifferemment par fon ordre aux coupables & aux innocens, aux religieux & aux impies, aux reconnoiffans & aux ingrats. C'eft pour les uns & pour les autres que foufflent les vents, que coulent les fontaines, que croiffent les bleds, que meurifient les raifins, que les arbres fe couvrent de fruits, les forefts de feuilles, les prez de fleurs. On l'irrite tous les jours par de continuelles offenses, & il arreste sa colere, & attend en patience que le temps qu'il a prescrit pour fe venger arrive. Il a la vengeance en main, mais il eft fi bon qu'il la differe pour donner lieu aux hommes de fe reconnoiftre & de fe retirer de leurs cria Ezech. 18. mes. Car il dit luy-méme : l'aime à mieux que le pecheur fe convertiffe & vive, que non pas qu'il meure ; & par la bouche d'un autre Prophete Retournez au Seigneur vostre Dieu, car il est bon & mifericordieux, plein de patience & de douceur, & il revo

32.

b Fail. 2.

que

« PreviousContinue »