Page images
PDF
EPUB

vient allumè comme une fournaife ardente, & tous les étrangers & les méchans feront comme de la paille qu'il confumera, dit le Seigneur. Nous lifons la méme chofe dans les Pfeaumes, où Dieu nous eft representè venir juger le monde avec éclat & majeftè: Dieu, dit le Prophete, viendra visiblement ; noftre Dieu ne Pf.49.3. demeurera plus dans le filence. Le feu brulera tout devant fa face, & l'on entendra autour de luy une effroyable tempefte. Il appellera devant luy le ciel & la terre pour faire la feparation de fon peuple. Affemblez-luy tous fes faints, tous ceux qui gardent fon alliance & fes facrifices:& les cieux publieront fa justice, & que c'est luy qui eft le veritable juge. Et le Prophete Ifaïe: Le b Seigneur vien- blaïe. 66. dra comme un feu, & fon char fera comme un tourbillon de vent, afin d'exercer fes vengeances. Car ils feront jugez par le feu & frappez de l'épée. Et encore: Le Seigneur & le Dieu des batailles c 1fae. 42. s'avancera & terminera la guerre. Il commencera le choc, & criera d'une voix puiffante à fes ennemis: Ie me fuis teu jufqu'icy: mais me tairai-je toujours ? Qui eft celuy qui dit qu'il s'elt teu, & qu'il ne fe taira pas toujours ? C'eft celuy qui a efté menè comme une breby à la boucheried, & qui n'a point ouvert la bouche d 1säïe. 53.7. non plus qu'un Agneau qui demeure muët devant celuy qui

15.

13.

le tond; c'eft celuy qui n'a point criè, & dont la voix n'a point e faie. 42. 2. eftè entendue dans les places publiques; qui n'a point refiftè ftaie. 50. 5. lorfqu'on le flagelloit & le foufflettoit, ni tournè la tefte lorfqu'on luy crachoit au vifage. Enfin c'eft celuy qui ne répondit rien aux accufations des Preftres & des anciens, jusqu'à étonner Pilate par fon filence. C'eft luy qui s'estant tû au temps de fa Passion, ne fe taira pas au temps de la vengeance. C'est luy qui est noftre Dieu, c'est à dire le Dieu de ceux qui croyent & non le Dieu de tous, qui lorfqu'il paroistra publiquement ne gardera plus le filence, mais fe fera autant connoifre par fa puiffance qu'il eftoit auparavant demeurè inconnu par fon humilitè. Attendons-le, mes tres-chers Freres, luy qui doit eltre noftre juge, & qui vengera avec luy fon peuple & tous les juftes depuis le commencement du monde. Que ce luy qui court à la vengeance confidere que celuy qui vengera les autres n'eft pas encore vengè luy-méme. Dicu le Pere a commandè qu'on adorast son Fils; & l'Apoftre dans la veuë de ce commandement: Diens,dit-il, l'a élevè & luy a donnè un 9.

g Philipp. 2.

nom qui est au deffus de tous les noms, afin qu'au nom de Jesus tous fléchiffent le genouil au ciel, fur la terre, & dans les enfers. Et dans l'Apocalypfe l'Ange empefche faint Jean qui le vouApr.22.9. loit adorer, & luy dit:, Gardez-vous à en bien. Car je fuis fervi teur außi-bien que vous, & l'un de vos freres; adorez le Seigneur JESUS. Quelle eft donc la patience du Seigneur Jesus, que luy qu'on adore dans le Ciel ne foit pas encore vengè fur la terre? Pensons à fa patience, mes tres-chers freres, lors que nous fommes dans les perfecutions & dans les fouffrances. Rendons un hommage entier à fon avenement ; & que des ferviteurs ne foient pas fi hardis que de fe vouloir venger avant leur Maistre. Travaillons plutoft à conferver une patience invincible, afin que lorfque le jour de la colere & de la vengeance viendra,nous ne foyions pas punis avec les pecheurs, mais glorifiez avec ceux qui craignent. Dieu..

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

c'eft un Hegere peche d'envier, d'autruy; de paque y en a qui s'imaginent, mes tres-chers Freres, que legere pechè d'envier le bien d'autruy ; & parce qu'ils le croyent leger ils le méprifent & ne fe mettent pas en peine de l'eviter. Cependant Noftre Seigneur nous commande d'eftre prudens & vigilans, de crainte que noftre adverfaire qui veille toujours & nous dreffe continuellement des embufches ne fe gliffe adroittement dans noftre cœur, & d'une étincelle n'allume un grand embrafement: de crainte, je le repete, que tandis que nous repofans trop fur la bonace nous ne nous tenons pas fur nos gardes, il n'excite tout d'un coup une tempefte qui nous mette en danger de faire naufrage. Il faut donc veiller fur nous, mes tres-chers Freres, & employer tous nos efforts pour repouffer les fléches que l'ennemy lance contre nous de tous coftez, felon cet avis falutaire que l'Apoftre faint Pierre

nous donne dans fon Epiftre : Soyez a fobres & veillez, car le 3x.Pier. 5.*, demon voftre ennemy tourne au tour de vous comme un lion rugissant,

pre

cherche qui il pourra devorer. Il tourne au tour de chacun de nous comme un ennemy qui affiége une place pour reconnoître les endroits les plus foibles & tafcher d'entrer par-là. Il fente à nos yeux des objets agreables pour détruire la chastetè par la veuë. Il tente nos oreilles par des mufiques delicieuses, afin de relâcher nôtre courage & nôtre vigueur. Il porte nôtre langue à dire des injures, & nos mains à commettre des meurtres. Il nous prefente des gains injuftes & des voyes courtes de nous enrichir pour nous perdre par l'amour de l'argent. Il nous promet les honneurs de la terre pour nous ravir ceux du ciel. Il nous vente de faux biens pour nous arracher les veritables ; & lorfqu'il void qu'il ne nous fçauroit furprendre par fes artifices, il a recours aux menaces, & il tafche de nous effrayer par la crainte des perfecutions; toujours actif & inquiet pour perdre les ferviteurs de Dieu; rufè dans la paix, violent dans la perfecution. C'est pourquoy, mes tres-chers Freres, nous devons eftre également armez contre fes artifices & contre ses menaces, & toujours auffi prests à luy refifter qu'il est prest à nous attaquer. Mais parce qu'il nous combat plus fouvent par rufes qu'à force ouverte, & que les bleffures qu'il nous fait font d'autant plus dangereufes qu'elles font cachées, c'eft principalement à celles-là qu'il faut prendre garde. Or de ce nombre eft l'envie & la jaloufie. Car fi l'on confidere bien ce vice, l'on reconnoiftra qu'il n'y en a point qu'un Chreftien doive plus foigneusement éviter, parce qu'il n'y en a gueres de plus imperceptible ni qui nous faffe plûtoft perir fans que nous l'appercevions. Et afin que cela paroiffe plus evidemment, remontons à l'origine de l'envie & voyons quand & comment elle a commencè. Car il nous fera plus aifè de nous garentir d'un mal fi pernicieux lorfque nous en connoiftrons la naiffance & la grandeur. C'eft cette mal-heureuse passion qui dés le commencement du monde fut caufe que le diable fe perdit & qu'il perdit l'homme. Car cet efprit Angelique auparavant fi glorieux & fi cheri de Dieu, voyant l'homme créè à fon image en conceut une maligne jaloufie, & par-là il tomba luyméme avant que de le faire tomber, il devint captif avant que M-m-m iij

24.

de le reduire en captivitè, & il ne le fit déchoir de fon immortalitè qu'aprés eftre décheu luy-méme de fa gloire. Combien grand eft ce crime, mes tres-chers Freres, qui a pu precipiter l'Ange du haut du ciel, qui a renverfè une creature fi noble & fi excellente, qui a trompè celuy qui trompe les autres ? C'est delà que l'envie eft venuë fur la terre, & qu'elle tuë tous ceux qui se rendent en cela les imitateurs du diable, a Sagesse. 2. fuivant cette parole de l'Ecriture: La a mort est entrée dans le monde par l'envie du diable, & ceux qui font de fon party l'imitent. C'eft-là la fource de la haine que conceut autrefois un frere contre fon frere qui fut fuivie d'un execrable parricide, tandis que Cain eft animè de jaloufie contre le jufte Abel, tandis qu'un mechant homme poffedè de cette paffion forme un deffein criminel contre un homme de bien. La fureur de l'envie le transporta de telle forte qu'il ne put eftre arrestè ni par l'amour fraternel, ni par la crainte de Dieu, ni par l'enormitè du crime, ni par la punition qu'il en devoit attendre. Celuy qui le premier avoit montre le chemin de la justice eft injustement meurtri; celuy qui ne fçavoit ce que c'eftoit que de haine en reffent la cruauté ; & l'on maffacre barbarement celuy qui fe laiffe égorger comme un agneau. C'est l'envie auffi qui fut caufe de l'inimitiè d'Efaii contre Jacob, & il ne le perfecuta que parce qu'il eftoit envieux de la benediction qu'il avoit receuë de fon pere. Les freres de Jofeph de méme ne le vendirent que par une envie qu'ils conceurent contre luy, à caufe qu'il leur avoit rapportè fimplement quelques vifions qui luy prefageoient du bon-heur. Qu'est-ce qui porta Saul à haïr fi cruellement David le plus doux & le meilleur de tous les hommes, à le perfecuter, à le chercher tant de fois pour le faire mourir, finon une violente jalousic, de ce qu'ayant tuè Goliath, le peuple luy donnoit mille louanges? pour n'eftre pas obligé de rapporter en détail les exemples de tous ceux que l'envie a perdus, voyons feulement les maux qu'elle a caufez à un peuple entier. N'eft-ce pas elle qui a eftè caufe de la perte des Juifs, pendant que remplis de jaloufie contre JESUS-CHRIST ils ne voulurent point ajouter foy à ce qu'il leur difoit? Car eftant aveuglez de cette paflion, ils tafchoient de décrier fes plus grands miracles, & n'avoient

Et

[ocr errors]

point d'yeux pour voir les chofes divines qu'il operoit. Confiderant donc toutes ces chofes, mes tres-chers Freres, travaillons de tout noftre pouvoir à deffendre de cette pefte, des cours dévouez à Dieu. Profitons du mal-heur des autres, & devenons fages à leurs dépens. Et que perfonne ne s'imagine que ce vice fe renferme en des limites fort étroittes, il s'étend extrémement loin, & il n'eft pas moins fecond que pernicieux. C'eft la racine de tous les maux la fource de toute forte de calamitez, la pepiniere des crimes, & la matiere de tous les pechez. Delà naiffent la haine & l'animofitè. Delà vient l'avarice, lorfqu'on ne fçauroit fouffrir qu'un autre foit plus riche que nous. Delà l'ambition, tandis que pour s'élever plus haut que les autres on méprife la cainte de Dicu, on neglige les enfeignemens de JESUS-CHRIST, on ne prevoit point le jour du jugement, on eft orgueilleux, cruel, perfide, impatient, colere, querelleur, fans qu'on fe puiffe jamais retenir depuis qu'on a une fois lafchè la bride à cette paffion. C'eft l'envie qui eft caufe qu'on rompt le lien de la paix, qu'on viole la charitè fraternelle, qu'on corrompt la veritè, qu'on déchire l'unité pour former des fchifmes & des herefies, pendant qu'on se plaint de n'avoir pas eftè ordonne Evefque, ou qu'on ne veut pas obeir à celuy qui nous a eftè preferè. C'eft ce qui fait revolter un orgueilleux & le rend plûtoft ennemy de la dignitè que de la perfonne. D'ailleurs, quelle pitiè eft-ce d'envier la vertu d'autruy ou fa felicitè, c'est à dire, de hair en luy ou fes propres merites ou les graces de Dieu; de faire fon mal-heur du bon-heur des autres d'eftre tourmentè de leur profperitè, de s'affliger de leur gloire, & de nourrir fans ceffe dans fon cœur ces chagrins qui font comme autant de bourreaux qui le déchirent? Quelle joye un homme de la forte peut-il avoir au monde ? Il foupire & fe plaint continuellement, & la jaloufie ne le laifse reposer ni nuit ni jour. Tous les autres crimes ont une fin & fe terminent par l'accompliffement. Un adultere eft content quand il a jouï de la perfonne qu'il aime. Un voleur fe tient en repos quand il a fait fon vol. Un fauffaire eft fatisfait lors qu'il a commis une fauffetè : mais l'envie ne s'arreste jamais, c'eft un pechè toujours fubfiftant, & plus celuy à qui elle s'at

« PreviousContinue »