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ainsi

par ses concessions le droit au traitement de la nation la plus favorisée.

Cette raison était de nature à causer quelque surprise en tant qu'elle visait la France, qui, bien antérieurement à l'Ordre du cabinet de Berlin, avait supprimé son octroi depuis l'embouchure de la Lauter jusqu'à Strasbourg, en faveur de toute marchandise d'importation et d'exportation et au profit de tous les États rhénans.

Cependant, en 1868, par l'article 3 de la convention révisée du Rhin, le gouvernement prussien souscrivit au principe de l'égalité des pavillons riverains, mais il ne manqua pas de rappeler que cette disposition, en ce qui concernait la France et les Pays-Bas, se rattachait aux traités commerciaux conclus séparément avec ces deux puissances.

L'Autriche témoigna d'un esprit moins calculateur, lorsque après la paix de Paris de 1856, elle eut à traiter ce point de réglementation au sein de la commission danubienne. L'article 10 de la convention viennoise de 1857 porte en effet : « Tous les avantages concédés dans un pays riverain aux bâtiments d'une nation quelconque sous le rapport de la navigation, seront également concédés aux bâtiments de tous les riverains. » Cette assimilation n'est pas subordonnée à des traités particuliers.

La doctrine prussienne appliquée dans toute sa rigueur pourrait rendre illusoire la liberté de navigation que le congrès de 1815 a du moins entendu assurer dans les limites les plus larges aux co-pos

sesseurs d'une même voie fluviale (1); elle légitimerait à l'égard des États moins favorablement situés des distinctions fiscales qui équivaudraient pour eux à une sorte de blocus et les mettrait à la merci des autres, situation dont la Prusse elle-même a démontré toute l'injustice par les prétentions exorbitantes qu'elles a opposées aux réclamations du gouvernement français (2).

Il semble que la déclaration badoise, plus conforme à l'esprit et même à la lettre des stipulations qui régissent les communautés fluviales, donne la vraie mesure de l'indépendance fiscale des États co-riverains et qu'à ce titre elle doive être adoptée comme l'exacte interprétation de l'article 108 du traité de 1815, en tant qu'il s'agit du système de l'octroi fluvial.

§ 6.

En consultant les différents tarifs successivement appliqués sur les fleuves internationaux à la suite du congrès de Vienne, l'on constate qu'en général leur économie reposait sur la triple base de la capacité des navires, de la nature des cargaisons et de la distance à parcourir.

(1) C'est toujours le même système différentiel que nous avons vu opposé par la Prusse aux étrangers dans l'acte de navigation de 1868.

(2) Le commissaire prussien à Mayence a cru pouvoir réclamer, à titre de minimum, indépendamment des franchises déjà existantes sur le Rhin français, l'admission des pavillons allemands sur le canal d'Alsace entre Strasbourg et Huningue.

Le droit prélevé sur le corps du navire et que plusieurs conventions qualifiaient de droit de reconnaissance, était évalué en poids, suivant certaines catégories graduées qui établissaient chacune une limite maxima et minima. Celui qui affectait le chargement était également calculé en poids et variait suivant l'espèce de marchandise relevée dans le manifeste; tels articles étaient passibles de la taxe entière, tels autres du quart, ou du cinquième, ou du dixième, etc. L'on payait d'ordinaire pour le trajet projeté, c'est-à-dire, d'avance et celui-ci était déterminé soit d'un bureau de perception à l'autre, soit d'après une mesure itinéraire convenue.

En principe, le système des trois facteurs paraît le plus juste, car il atteint l'instrument de transport en proportion de sa faculté productive, la marchandise en raison de sa valeur, tout en tenant compte de la mesure dans laquelle le navire et la cargaison profitent de la voie d'eau. Mais dans la pratique, il présente des inconvénients de plus d'une sorte compliqué par lui-même, il occasionne des lenteurs, provoque à la fraude et nécessite un contrôle plus ou moins inquisitorial qui, sur les courants ouverts aux pavillons de nations différentes, peut souvent dégénérer en abus.

L'on objecte, il est vrai, non sans quelque raison, que la simplification du tarif en ce qui concerne les marchandises, c'est-à-dire la suppression de toute distinction fiscale, aurait pour effet de surcharger les matières de peu de valeur et de pre

mière nécessité et d'épargner les articles précieux et les objets de luxe, traitement d'autant plus inégal que les marchandises pauvres sont ordinaire ment encombrantes, tandis que les autres ont le plus souvent un volume réduit. Est-il admissible, ajoute-t-on sous forme d'exemple, de percevoir le même droit sur un chargement de houille ou de fruits communs et sur une cargaison d'indigo ou de thé?

Cependant, à part l'impossibilité de réaliser la justice absolue en matière d'impôt, l'on ne saurait oublier que le négociant, comme l'expéditeur et le batelier, a le plus grand intérêt à ce que l'application des tarifs qui servent à ses calculs, soit aussi simple que possible et n'expose pas ses envois à de trop longs et de trop fréquents retards. Cette dernière considération a surtout du poids, quand il s'agit de navigation fluviale, c'est-à-dire d'un mode de transport qui n'est déjà que trop sujet aux chances variables du temps et de l'état des eaux. A ce point de vue, il semble évident que la taxation de l'industrie fluviale a été et est encore sur quelques cours d'eau trop minutieuse et trop formaliste. Sur l'Elbe, le tarif de l'octroi, sans parler de celui des droits de reconnaissance, comprend six classes avec désignation de plus de cent cinquante articles répartis entre elles; l'on distingue même pour quelques marchandises entre la remonte et la descente. Jusqu'en 1868, l'octroi rhénan comportait quatre classes avec environ cent quatre-vingts articles dénommés.

Ces divisions multiples et ces spécifications peuvent être critiquées comme des déviations de la règle posée par l'article 111 de 1815 et suivant laquelle les droits de navigation devaient être aussi indépendants que possible de la qualité des marchandises composant les cargaisons.

L'unification de l'octroi fluvial proprement dit blesserait d'autant moins l'équité que le droit fixe, substitué désormais aux droits différentiels, serait réduit à un taux minime. Cet octroi prélevé sur le contenu pourrait se confondre avec le droit de reconnaissance qui, prélevé sur le contenant, n'en pèse pas moins sous forme de fret sur la marchandise transportée, de telle sorte qu'un navire serait simplement taxé d'après sa capacité utile, sans préjudice d'une réduction en cas de charge partielle.

Cette procédure sommaire, déjà recommandée à différentes époques dans les commissions de l'Elbe, du Danube et du Rhin, a successivement passé dans la pratique sur plusieurs fleuves communs et il est vraisemblable qu'elle fera loi partout où des droits de navigation continueront à être perçus.

Sa mise en vigueur dans les eaux internationales conduira nécessairement à l'adoption de méthodes identiques ayant pour objet le mesurage des bâtiments fluviaux et maritimes, réforme importante qu'il convient d'examiner dans ses détails pratiques et à laquelle plusieurs États se montrent déjà disposés.

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