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leur sont applicables prescrivent la création de ports francs dans chaque État riverain.

L'article suivant ne fait donc que consacrer un usage général.

ARTICLE PREMIER.

Il sera créé un ou plusieurs ports francs ou entrepôts libres dans chaque État riverain.

VIII

DES QUARANTAINES

De tout temps les nations se sont réciproquement reconnu le droit de prendre sur leurs frontières maritimes et terrestres certaines mesures de précaution destinées à les préserver des maladies épidémiques réputées contagieuses. Inspiré par la terreur ou fondé sur des hypothèses plus ou moins gratuites, le système des quarantaines était autrefois aussi redoutable pour les personnes que préjudiciable aux transactions commerciales. Depuis un certain nombre d'années, la discussion des faits a généralement démontré ce qu'il avait d'excessif et parfois même de contradictoire et l'on semble disposé aujourd'hui, sinon à supprimer toute surveillance sanitaire, du moins à renoncer à cette procédure minutieuse qui constitue la quarantaine de rigueur par opposition à la quarantaine de simple observation.

Bien des savants nient le caractère contagieux des maladies dont on prétend empêcher la propa

gation; ils nient surtout l'efficacité des moyens prophylactiques employés contre elles, et c'est en Angleterre, première puissance maritime, si cruellement éprouvée elle-même par les ravages de la peste, que cette opinion a trouvé ses défenseurs les plus nombreux et les plus convaincus.

Il est constant que depuis que la police sanitaire s'est montrée plus tolérante, les épidémies n'ont point été plus fréquentes en Europe, et que, de jour en jour, le fait de l'importation devient de plus en plus problématique.

C'est la navigation fluviale surtout qui bénéficiera de cette expérience, en voyant désormais se restreindre aux seules embouchures le contrôle qu'elle subissait autrefois dans les ports intérieurs; elle s'exerce en effet dans des conditions particulières qui ne permettent point de l'assimiler à la navigation maritime, qui tendent au contraire à lui assurer le traitement dont jouissent toutes les industries de transport sur les voies de communication terrestres, telles que chaussées et chemins de fer.

Le Danube, qui, par la direction orientale de son cours, semble plus exposé que tout autre fleuve européen aux invasions épidémiques, offre l'exemple le plus curieux de l'aveugle préoccupation qui présidait autrefois aux pratiques quarantenaires. Il y

peu d'années encore, la Turquie, la Moldavie, la Valachie, la Servie et même la Russie prétendaient l'isoler par des cordons riverains qui reliaient entre

elles les principales localités limitrophes. La Moldavie et la Valachie seules comptaient le long de la rive gauche, indépendamment de douze lazarets pourvus chacun d'un directeur, d'un médecin, d'une sage-femme et d'un interprète, deux cent trentedeux piquets desservis par 464 soldats et 1400 paysans. Ce service, dont un chapitre du statut de 1831 réglait en détail l'organisation, constituait l'une des branches les plus importantes de l'administration publique; il avait à sa tête un comité dirigeant composé du ministre de l'intérieur, d'un inspecteur général, de l'aga de la police et d'un médecin en chef.

En aval, la Russie occupait la rive gauche de la Soulina par des postes répartis de kilomètre en kilomètre, et, de son côté, la Turquie surveillait par des dispositions analogues toute la rive droite depuis Toultcha jusqu'à la frontière de Servie.

Ce régime, source d'arbitraire et de vexations continuelles, était devenu tellement intolérable qu'en 1855, lors des conférences de Vienne, l'une des premières conditions posées à la Russie par les puissances alliées eut pour objet la suppression du cordon quarantenaire de la Soulina, établissement jugé incompatible avec la libre navigation (1).. Cette mesure spéciale devait naturellement entraîner la désorganisation de tout l'appareil sanitaire moldo-valaque et c'est ainsi qu'aujourd'hui la plu

(1) Protocoles IV, V de Vienne de 1855.

part des lazarets danubiens sont en ruine, sans que la santé publique paraisse avoir souffert de leur abandon.

S'imagine-t-on en effet qu'il soit possible, en temps d'épidémie, d'empêcher toute communication d'un navire avec la terre, d'un port fluvial à l'autre, de la rive droite avec la rive gauche et l'isolement complet, en supposant qu'il soit praticable le long d'un cours d'eau intérieur, serait-il une garantie sérieuse contre la propagation du fléau? Il est permis de douter de son efficacité contre le choléra. Que cette maladie soit contagieuse ou non et les contagionnistes sont obligés de convenir qu'elle n'a cette propriété qu'à un très faible degré, il est reconnu que sa marche est essentiellement irrégulière et que loin de se développer de proche en proche comme une affection essentiellement transmissible, elle apparaît dans une localité, puis dans une autre, en épargnant dans l'intervalle des populations entières. Si les montagnes, les forêts, les steppes, n'en arrêtent pas les progrès, comment supposer qu'elle respecte les quarantaines les plus vigilantes établies sur les rives d'un fleuve ou sur toute autre frontière naturelle ou convenue?

Quant à la fièvre jaune, qui, en général, meurt là où elle est née, elle n'appartient presque exclusivement qu'au continent américain et à quelques points de la côte occidentale d'Afrique. L'on s'accorde d'ailleurs à la ranger dans la catégorie des épidémies non contagieuses.

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