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l'on aurait droit de recourir aux mesures qu'autorise le droit des gens, quand on enfreint un traité. >> Et M. de Marschal, en s'exprimant ainsi, avait en vue les puissances européennes en général, car il ajoutait « Quant à ce qui concerne les États de la future confédération germanique, ils devront s'adresser à la Diète. »

:

Les gouvernements de Turquie et d'Autriche se rendirent plus ou moins aux raisons exposées dans la note ci-dessus transcrite, ainsi que l'on peut en inférer des instructions adressées à ce sujet au premier drogman du divan impérial, le 29 décembre 1857, et comme semble l'indiquer cette double déclaration officielle du cabinet de Vienne; « que si l'on démontrait la moindre infraction au traité de Paris, il serait le premier à en demander le redressement (1) et qu'il soumettrait de nouvelles propositions sur le régime du Danube (2).

D'ailleurs le droit de contrôle et de révision des puissances étrangères avait été reconnu d'avance par le délégué bavarois dans la commission danubienne (3).

En fait, le règlement fluvial négocié à Vienne en 1857, et dûment ratifié par les souverains respectifs, n'a pu encore être mis à exécution.

Il résulterait de toute cette discussion que chacune des puissances qui ont souscrit ou adhéré aux

(1) Protocoles XIV, XVIII, de 1858.
(2) Conférence du 28 mars 1866.
(3) Protocole XXIII de 1857. Annexe A.

traités de 1815 et de 1856 est autorisée à réclamer et au besoin à exiger (1) la stricte application des principes destinés à régler la navigation des fleuves internationaux européens (2), au même titre que la France, l'Angleterre, la Suède, ont pu légitimement protester, comme elles l'ont fait en 1846, contre l'incorporation de Cracovie à l'Autriche, et de même que l'Angleterre et la France sont intervenues en 1863 dans les affaires de Pologne. Et afin d'assurer éventuellement une base pratique à cette mutuelle surveillance, il serait opportun, comme je le disais au début de cette étude, de convenir d'une interprétation formelle du droit fluvial qui manque de précision et le plus souvent d'autorité. La nouvelle convention par laquelle l'acte final du congrès de 1815 serait ainsi révisé, devrait être explicitement placée sous la garantie de ses cosignataires, comme l'article 15 du traité de Paris de 1856.

(1) M. Wurm, dans ses cinq lettres sur la liberté fluviale, dit à ce sujet, page 17 : « die Fremden müssten grosse Thoren sein, wenn sie in vorkommenden Fällen ihr Recht nicht geltend machten. >>

(2) Voir art. 16, 17 du projet du duc de Dalberg énumérant les fleuves communs du continent.

XIII

SUPPRESSION DES DROITS DE NAVIGATION

Le congrès de Vienne a rendu un incontestable service à la navigation intérieure en posant des bornes désormais infranchissables à l'autonomie fiscale des puissances riveraines, c'est-à-dire en substituant aux réquisitions diverses et souvent arbitraires des autorités locales un tarif invariable et uniforme.

Cependant ce bienfait était relatif, et il devait arriver plus tard que la batellerie le jugerait insuffisant et que même à la longue il lui serait funeste.

On avait cru équitable, en 1815, de conserver les anciens droits de 1804, c'est-à-dire ceux d'une époque où les prix du fret étaient encore très élevés, en sorte que, à la faveur d'une activité croissante de la navigation, l'octroi avait fourni un revenu disproportionné aux besoins réels des administrations et de beaucoup supérieur à celui qu'il était permis de prévoir dans les premières années de la réforme.

D'un autre côté, en définissant le caractère, en

délimitant le taux et en régularisant le prélèvement des taxes de navigation, la haute assemblée de Vienne avait en quelque sorte sanctionné le principe de l'impôt fluvial et mis ainsi entre les mains des États respectifs une arme dont quelques-uns d'entre eux devaient abuser. Certes si l'ancien royaume de Hanovre et le Mecklembourg n'avaient pu se prévaloir d'un acte européen pour justifier le maintien d'errements surannés, ils n'auraient pas réussi à paralyser pendant près d'un demi-siècle les mesures d'allégements, voire même les projets de délivrance dont leurs coriverains réclamaient périodiquement l'adoption.

Les conditions de la navigation intérieure ont bien changé depuis 1815. Mais quel contraste n'offrent-elles point avec la situation de la batellerie aux temps à demi barbares auxquels remonte l'origine des stations et des relâches forcées. Les gouvernements de cette époque se préoccupaient fort peu de la nature et des causes de la richesse publique; leurs lois commerciales et financières dénotaient souvent une ignorance complète des données élémentaires de l'économie politique. D'ailleurs leur autorité s'exerçait sans partage et l'industrie des transports par eau se prêtait plus aisément aux exigences d'un despotisme avide, parce que la viabilité terrestre était encore imparfaite et que, sous l'empire des monopoles, le commerce local pouvait se dédommager de ses frais sur le

consommateur.

Aujourd'hui les voies de communication se sont multipliées et perfectionnées et le négoce est livré partout aux rivalités de la libre concurrence. Un immense réseau de routes et de chemins de fer enveloppe le continent européen et y entretient un trafic ininterrompu. L'on abandonnerait sans aucun doute celles des voies naturelles qui subiraient encore les anciens tarifs; leur prospérité décherrait promptement,si une administration prévoyante ne les émancipait graduellement par des dégrèvements systématiques. Si l'expérience ordinaire, aidée du plus simple bon sens, ne démontrait cette vérité, lest annales des commissions préposées à la navigation des principaux fleuves occidentaux en établiraient l'évidence. L'on retrouverait dans le recueil de leurs protocoles annuels les preuves individuelles ou collectives de cette double observation: « Le mouvement de telles marchandises a été d'autant plus actif que le tarif commun les a plus épargnées; une réduction générale de l'octroi, loin de porter atteinte aux intérêts des trésors riverains, contribuerait à en augmenter les revenus. >>

La logique et l'étude impartiale des diverses. transformations qu'a éprouvées le régime fiscal des grands cours d'eau conduit à une conclusion d'une plus large portée, c'est-à-dire à l'abolition des octrois fluviaux uniquement basés sur le fait de la navigation. Une pareille mesure peut paraître de prime abord excessive ou inconsidérée; les médiateurs français aux conférences de Ratisbonne

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