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de 1803 l'avaient cependant proposée, comme plus tard, en 1848, le comité économique de l'assemblée nationale de Francfort; elle a été adoptée dans la suite et par voie conventionnelle sur le Weser, sur le Danube et sur le Rhin, et depuis de longues années déjà, sur d'autres fleuves, plusieurs États ont spontanément renoncé à toutes perceptions. « Les droits de l'Elbe, tant qu'ils subsisteront, disait en 1857 la chambre de commerce de Magdebourg, seront notre ceterum censeo. » Les chambres de commerce de Hall, de Breslau, de Prague, se sont constamment exprimées dans le même sens, invitant les gouvernements à affranchir la navigation intérieure, afin que les contrées qui en ont le privilège, ne soient point frustrées des avantages inhérents à leur situation.

Quelles que puissent être les résistances individuelles opposées à cette émancipation, il est vraisemblable que les octrois de navigation disparaîtront un jour et que les fleuves internationaux jouiront des mêmes franchises que les routes ordinaires. Une seule réserve paraîtrait justifiée dans ces conditions nouvelles, c'est celle qui aurait pour objet le remboursement effectif des capitaux employés à l'exécution de travaux d'art d'une importance exceptionnelle et de longue durée. Qui n'admettrait, par exemple, la légitimité des taxes prélevées pour couvrir les frais d'entreprises telles que l'ouverture permanente de la passe de Soulina ou celle des Portes de Fer? La navigation et le

commerce se prêteraient d'autant plus volontiers à ces impositions essentiellement locales, qu'elles correspondraient à un bénéfice direct absolument certain et qu'elles seraient d'ailleurs indépendantes de la nature des chargements, de la distance parcourue ou de l'éloignement du port de destination.

XIV

DE LA LIBERTÉ DE NAVIGATION

SUR LES FLEUVES, RIVIÈRES ET CANAUX APPARTENANT A UN SEUL ÉTAT.

En discutant au point de vue théorique le principe de l'affranchissement des fleuves possédés en commun par plusieurs puissances, j'ai incidemment émis l'opinion que les fleuves dépendant d'une seule et même souveraineté devraient également s'ouvrir à la marine universelle et partager la liberté des mers auxquelles ils s'associent par leur embouchure. La logique, le droit naturel, l'utilité publique, les tendances générales justifieraient sans doute cette assimilation.

Il est permis, je pense, d'ajouter à ces raisons. d'un ordre plutôt moral que pratique, un dernier argument basé sur les intérêts matériels que la navigation est plus particulièrement appelée à satisfaire.

Que les grands cours d'eau n'aient plus leur an

tique importance, qu'ils ne soient plus, sur l'ancien continent du moins, ce qu'étaient le Gange, le Tigre et l'Euphrate pour les tribus asiatiques, ou le Nil inférieur pour les Égyptiens, leur rôle n'en est pas moins resté essentiel dans l'œuvre que la Providence a assigné à l'humanité. L'homme, sans doute, n'est plus esclave de la nature et il se crée des routes nouvelles plus courtes et plus sûres; mais l'expérience démontre que les chemins artificiels, si perfectionnés qu'ils soient, ne pourront jamais remplacer les courants naturels comme agents mis au service de l'activité sociale dans le domaine de la production et des échanges, c'est-à-dire comme auxiliaires de l'agriculture, du commerce et de l'industrie.

Si par l'usage de la vapeur, ils offrent les avantages de la célérité aux personnes et aux choses susceptibles de payer des frais élevés de traction, la navigation, lorsque le privilège ou toute autre restriction n'en entrave point l'essor, facilite la circulation économique des éléments du travail, c'està-dire des matières premières qui ne peuvent être déplacées qu'à prix réduit et que tout tarif doit nécessairement épargner.

Cette propriété particulière tient à deux causes principales qu'il est à peine besoin de relever. Les transports qui s'effectuent par une voie ferrée ne peuvent dépasser un certain maximum proportionné au matériel roulant que cette voie comporte; unc telle limite existe à peine sur les fleuves, les rivières et les canaux.

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