Page images
PDF
EPUB

Commission européenne siégeant à Galatz stipula avec plus de précision dans son Acte Public du 2 novembre 1865, que la compétence des autorités fluviales s'exercerait sur les eaux de la mer dans un rayon de deux milles nautiques à partir du musoir de la digue-nord de Soulina.

L'expression du traité de 1815 jusqu'à la mer est donc généralement considérée comme synonyme de celle «jusque dans la mer» et cette interprétation est aussi conforme au bon sens qu'à l'équité (1).

Quant à l'explication hollandaise du mot «<embouchure» qui tendrait à faire remonter la région. maritime bien avant dans les terres, de telle sorte que la Mervede et la nouvelle Meuse se trouveraient en dehors du régime fluvial proprement dit, elle est contraire à l'opinion de la plupart des auteurs qui ont écrit sur cette matière (2). D'après eux, le cours d'un fleuve s'étend «jusqu'aux parties extrêmes des rivages où ses eaux quittent le territoire, dussent-elles se confondre déjà d'avance avec

(1) La formule « jusqu'à la mer » était usitée depuis des siècles sans que personne eût jamais songé à en discuter le sens. Un édit royal, daté de Paris 29 mars 1515, portait : « Receue avons l'humble supplication de nostre procureur général et du procureur général des marchans fréquentans et marchandans en nostre rivière de Loire depuis le commencement que la dite rivière est navigable jusques à la mer.»

Aussi Wurm dit-il plaisamment, en qualifiant l'objection du commissaire néerlandais de « coup de maître »: « In hundert Jahren wird schwerlich ein Mensch geboren dem bei lebenslangem Nachdenken so was einfiele. Ve lettre, p. 31.

(2) Heffter, Jacobsen, Phillimore, Wheaton, etc.

celles de la mer dans un bassin plus vaste

qui est propre à la nature du fleuve (1). »

$2

que celui

La délimitation supérieure du domaine fluvial commun dépend tout à la fois de l'état normal du cours d'eau et de l'accord des intéressés, c'est-àdire qu'elle est indiquée soit par la localité, soit par la frontière riveraine à partir de laquelle la navigation s'exerce plus ou moins régulièrement (2).

C'est ainsi que le Rhin conventionnel ne dépasse par les confins du canton de Bâle et que par suite la Suisse n'envoie pas de délégué aux conférences de Mannheim.

Sur le Danube, c'est le port d'Ulm que l'on regarde comme le point extrême du grand trafic fluvial et le Würtemberg est représenté dans la commission de Vienne, tandis que le duché de Bade en est exclu.

La communauté du Weser ne comprend que les États situés en aval du confluent de la Werra et de la Fulda.

(1) Heffter, Droit international d'Europe, p. 154.

(2) Pour juger si un fleuve doit être réputé navigable ou non sur telle région de son parcours, le point à établir n'est pas celui de la capacité des bateaux qu'il peut transporter, mais simplement celui du fait de la navigation, de son degré d'activité et de régularité. C'est à peu près dans ces termes que s'exprime un arrêt en conseil rendu à Versailles le 9 novembre 1694 en réponse à plusieurs propriétaires riverains qui entendaient échapper aux péages sur certaines voies considérées par eux comme non navigables.

L'on ne sache pas qu'aucune difficulté sérieuse se soit jamais élevée au sujet de la règle en vertu de laquelle un fleuve n'est soumis à la communauté que depuis le point où il devient navigable.

§ 3.

La plupart des grands cours d'eau, avant d'atteindre la mer, se divisent en deux ou plusieurs embranchements qui décrivent avec la ligne cotière un triangle ou delta.

Ainsi sans parler du Nil, du Gange, du Mississipi et d'autres fleuves non européens, le Danube s'écoule dans l'Euxin par trois émissaires princila Kilia, la Soulina et le Saint-Georges.

paux,

De même le Rhin se bifurque en aval d'Emmerich, donne naissance à un troisième courant audessus d'Arnheim et gagne la mer par cinq embouchures.

Le Pô a deux grandes issues, le Pò di Maestra et le Pô di Goro.

D'ordinaire ces ramifications inférieures prennent une dénomination particulière et tant il est vrai que les désignations géographiques sont parfois arbitraires, la seule dérivation terminale du bassin rhénan qui ait conservé le nom de la maîtresse branche, n'est qu'un mince filet d'eau qui se détache du Leck à Wyk et va se perdre dans les dunes à Kulwyk.

Il n'est pas indifférent de se demander si tous les embranchements maritimes d'un fleuve interna

tional sont nécessairement à la disposition des riverains supérieurs et si par conséquent c'est la loi de la communauté qui en régit l'usage.

Lorsque s'éleva par le fait du gouvernement néerlandais la polémique dont j'ai rendu compte dans les pages précédentes, trois États allemands, la Prusse, la Bavière et la Hesse grand-ducale revendiquèrent le droit absolu d'utiliser les eaux diverses qui unissent le Rhin à la mer, et même celles qui mettent le fleuve en communication avec l'Escaut. A leurs yeux, le condominium riverain devait comprendre tous les émissaires fluviaux sans aucune exception.

Cependant les négociations de 1815 ne justifiaient point une pareille prétention. Il est vrai que le projet de règlement présenté par le duc de Dalberg dans la conférence du 2 février faisait mention des trois débouchés hollandais, le Waal, le Leck et l'Yssel; mais dans une séance postérieure le Waal et le Leck seuls furent classés « parmi les points à trancher dans le traité général » et finalement le 14 mars suivant, le plénipotentiaire des Pays-Bas ayant réclamé un plus grand nombre de voix fictives dans la future commission centrale de Mayence en proportion de l'étendue des deux branches attribuées à la communauté, il fut convenu que le Leck seul serait considéré comme la continuation du Rhin « et que le Waal dont le cours se mêle à celui de la Meuse à Saint-André entrerait dans le règlement de cette dernière rivière. »

Néanmoins l'acte du 31 mars 1831 livra les deux voies aux États rhénans, mais sans imposer à la Hollande l'obligation stricte de pourvoir à la navigabilité du Leck. L'on fut sans doute d'avis, comme l'avait fait remarquer le baron de Spaen au congrès de Vienne, qu'il pouvait n'être point équitable de mettre à la charge du riverain inférieur, s'il s'y opposait, un surcroît de frais d'entretien, de surveillance de police et de contrôle douanier.

En principe et sauf convention contraire, il semble juste de réserver à l'usage de tous l'embranchement fluvial qui se prête le mieux à la communication avec la mer, c'est-à-dire, celui qui offre, tant par l'orientation et la régularité de son cours que par les conditions naturelles de son embouchure, les plus grandes facilités à la navigation. Il peut convenir au riverain d'aval de donner à d'autres voies secondaires la même destination; mais on ne saurait l'exiger de lui comme un droit, car ce serait vouloir sans raison majeure qu'un État fit à la communauté plus de sacrifices proportionnels que les autres.

L'observation du régime naturel des voies fluviales contredirait d'ailleurs le plus souvent l'objection qui consisterait à dire que la circulation doit nécessairement être plus gênée sur un courant secondaire que dans la branche principale et qu'à ce point de vue, il y aurait intérêt pour les riverains de l'amont à pouvoir répartir le mouvement

« PreviousContinue »