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qu'on les considére respectivement entre eux, et non pas quand on les considère respectivement au défunt, par rapport auquel ils sont tous dans la ligne paternelle;

» Attendu que ces mêmes collatéraux ne doivent être considérés que dans leur rapport avec le défunt, puisque la parenté avec celui-ci est l'unique base du droit à sa Succession;

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» Attendu que, quand les législateurs ont dit, art. de la loi de nivóse: La représentation a lieu jusqu'à l'infini en ligne collatérale; ceux qui descendent des ascendans les plus proches du défunt, excluent ceux qui descendent des ascendans plus éloignés de la méme ligne, ils ont entendu parler de la même ligne avec le défunt, de la même ligne respectivement au défunt; et qu'ainsi, le jugement attaqué n'a fait que se conformer à cet article, en décidant que les demandeurs en cassation, descendans d'un trisaïeul du défunt dans sa ligne paternelle, étaient exclus de sa Succession par les descendans d'un bisaïeul dans la même ligne ».

La question s'est encore représentée, le 11 du même mois, à la même section. Il s'agissait de la Succession de M. de Trudaine, exconseiller d'état. Le sieur Pedillon qui prétendait y venir par droit de refente, attaquait un jugement du tribunal civil du département de Seine et Oise qui l'avait repoussé. Il traita la question comme si elle eût encore été entière, et il la traita avec une grande profon deur. Mais tous ses efforts furent inutiles; par arrêt du 11 nivóse an 9, sur les conclusions de M. Jourde, sa requête fut rejetée.

Cette longue suite d'arrêts uniformes n'a pas empêché la cour d'appel de Bruxelles d'en rendre un contraire, le 27 messidor an 10; mais il a été cassé le 4 ventose an 11, au rap. port de M. Cochard.

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S. IX. 1o L'exception apportée en faveur des tiers-acquéreurs, par la loi du 3 vendémaire an 4, à l'abrogation de l'effet rétroactif de la loi du 17 nivóse an 2 peut-elle être invoquée par un donataire universel de l'héritier en faveur duquel cette dernière loi avait disposé rétroactivement?

2o L'art. 60 de la loi du 17 nivóse an 2 est-il applicable à la donation que l'héritier rappelé par l'effet rétroactif de cette loi, mais réintégré de fait dans la possession de l'hérédité, en a faite par contrat de mariage avant l'abrogation de l'effet rétroactif même ?

30 La prescription annale établie par

l'art. 9 de la loi du 23 ventóse an 2, peut-elle étre suppléée par le juge, lorsque la partie intéressée à la faire valoir, ne l'oppose pas ?

4° A-t-elle couru contre un héritier réintégré de fait dans l'hérédité ?

V. l'article Effet rétroactif de la loi du 17 nivóse an 2.

S. X. 10 Le condamné à mort par un jugement révolutionnaire de 1794, a-t-il transmis sa Succession à celui qui était alors son héritier présomptif?

En conséquence, est-ce aux ayantdroits de celui-ci qu'a dú étre faite, en exécution de la loi du 21 prairial an 3 la restitution des biens confisqués momentanément sur le condamné ?

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Le bénéfice de cette restitution n'appartient-il pas plutôt à celui qui, à l'époque où elle a été ordonnée, se trouvait, parmi les du condamné, le plus parens proche et habile à lui succéder?

2° Quels sont, dans le sens de l'art. 2 de la loi du 5 décembre 1814, relative à la remise des biens confisqués pour cause d'émigration, les héritiers ou ayant-cuuse de l'ancien propriétaire, à qui ces biens doivent être rendus ?

La première question est traitée dans le plaidoyer et jugée par l'arrêt du 23 thermidor an 10, rapportés à l'article Confiscation, §. 1o. Sur la seconde, V. l'article Émigré, S. 17.

S. XI. Pour exclure des enfans de la Succession de leur père, sur le fondement qu'avant leur naissance, il était mort civilement par l'effet d'un jugement qui l'avait condamné par contumace à une peine emportant la mort civile, est-il nécessaire de représenter ce jugement et le procès-verbal de son exécution? Peuton, par des présomptions, par des actes énonciatifs, par les reconnaissances du prétendu condamné lui-même, par des arrêts rendus entre d'autres parties, et basés sur le fait de sa mort civile, suppléer à la représentation de ce jugement et de ce procès-verbal ?

« Ces questions (ai-je dit à l'audience de la cour de cassation, section des requêtes, le 29 frimaire an 12), ces questions qui ont été agitées pendant six audiences au tribunal d'appel de Lyon, se reproduisent devant vous avec tout l'intérêt qu'elles ont excité devant ce tribunal; et vous avez à decider si, par la

manière dont il les a jugées, il à respecté ou enfreint les lois qui devaient lui servir de boussole.

» Vous connaissez les faits qui les ont amenées.

» Vous savez qu'Antoine Desverneys, ne à Lyon du mariage d'André Desverneys avec Angélique Baron, perdit son père en 1712, avant d'avoir atteint sa majorité ; que sa mère épousa en secondes noces Joseph NivelleDelachaussée; que ne pouvant ou ne voulant pas vivre avec son beau-père, il le quitta, se retira dans la ci-devant Bresse, y obtint, le 30 mai 1730, des lettres de bénéfice d'âge, et fit assigner son beau-père en reddition du compte de sa tutelle.

» Vous savez que, peu de temps après ( le 10 août 1732) il eut le malheur, dans une partie de chasse, de tuer Claude Perron, garde de la seigneurie de Montellier; que de là s'ensuivit, par contumace, un procès criminel dont le résultat, suivant les adversaires des demandeurs, fut un jugement de mort rendu par le présidial de Bourg, le 5 avril, et exécuté en effigie le 5 octobre 1735.

» Vous savez que, dans l'intervalle de l'une à l'autre de ces deux dernières époques, Antoine Desverneys, réfugié à Lyon, y épousa, le 28 avril 1735, Adrienne Decolony; et que, cinq mois et demi après la célébration de ce mariage, le 13 octobre 1735, Adrienne Decolony mit au monde une fille, nommée Étiennette, qui fut baptisée comme enfant légitime des deux époux, et mourut au mois d'octobre de l'année suivante.

>> Vous savez que, quatre mois après la naissance de cet enfant, le 16 février 1736, Antoine Desverneys, par le ministère d'un fondé de pouvoirs, vendit, devant un notaire de Lyon, à Joseph Bonamour, une maison située à la Croix-Rousse; et que, par une clause expresse du contrat, il chargea l'acquéreur d'en employer le prix au paiement des frais nécessaires pour parvenir à sa réhabilitation.

» Vous savez que, le lendemain, 17 février 1736, le chatelain de Fontellier, celui même qui avait fait les premiers actes de l'instruction criminelle contre Antoine Desverneys, homologua, sur les conclusions du procureur fiscal, un avis de parens qui autorisait le tuteur des mineurs Perron à se désister de toutes procédures extraordinaires faites, poursuivies et jugées contre ledit Antoine Desverneys, moyennant 1,500 livres de dommages-intérêts qui furent à l'instant payées par le fonde de pouvoirs de celui-ci.

» Vous savez qu'immédiatement après,

Antoine Desverneys passa en Amérique; et que, le 15 novembre de la même année, Nivelle, son beau-père, le considérant comme mort civilement, rendit son compte de tutelle à Angélique Baron et à Catherine Desverneys, mère et sœur d'Antoine Desverneys, et comme telles, suivant lui, ses héritières de droit.

» Vous savez qu'Antoine Desverneys, revint bientôt d'Amérique à Lyon ; et que, le 29 novembre 1739, Adrienne Decolony, Son épouse, accoucha d'un enfant, nomme JeanFrançois-Henry, qui fut baptisé comme leur fils légitime.

» Vous savez que, dans l'intervalle, un procès s'était élevé entre Adrienne Decolony, son épouse, d'une part; Nivelle, son beau-père, et Angelique Baron, sa mère, de l'autre; que, dans ce procès, Adrienne Decolony se présentait comme héritière d'Étiennette Desverneys, sa fille, morte en octobre 1736; et qu'elle réclamait, à ce titre, les biens dépendans de l'hérédité de son mari, attendu, disait-elle, que, par sa mort civile, il l'avait transmise à sa fille Étiennette.

» Vous savez que Nivelle et Angélique Baron étant décédes, l'un, en 1742, l'autre, en 1744, Louise-Angélique Nivelle leur fille, mariée à Gabriel Cheissac, reprit l'instance, et prétendit qu'Antoine Desverneys n'avait pas eu d'autre héritier que sa mère, que son mariage ayant été contracté postérieurement à sa condamnation par contumace, n'avait pu produire aucun effet civil; que consé→ quemment sa fille Étiennette n'avait pas joui des avantages de la légitimité; et que, par une conséquence ultérieure, il n'avait pas pu lui transmettre sa Succession.

» Vous savez qu'Adrienne Decolony opposait à ces raisonnemens l'antériorité de son mariage et de la conception de sa fille Étiennette à l'exécution en effigie du jugement qui avait condamné son mari à mort, et que de ce fait, non conteste par son adversaire, elle concluait que la mort civile de son mari ne devait dater que du 5 octobre 1735; que la femme Cheissac, au contraire, soutenait que la mort civile d'Antoine Desverneys devait dater du 5 avril 1735, jour de sa condamnation, et par suite de vingt-trois jours avant la célébration de son mariage; que d'ailleurs elle attaqua incidemment ce mariage par appel comme d'abus; et que, par arrêt rendu à la grand'chambre du parlement de Paris, le 5 juillet 1746, il fut prononcé en ces termes : La cour, faisant droit sur l'appel comme d'abus interjeté par les parties de Daugy (Cheissac et sa femme ), dit qu'il n'y a abus, con

damne les appelans à l'amende ; en tant que touche l'appel simple interjeté par les parties de Daugy des sentences et ordonnances de la sénéchaussée de Lyon, sans s'arrêter à leur requête, a mis et met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, évoquant le principal et y faisant droit, condamne les parties de Daugy à rendre compte à la pars tie de Simon (Adrienne Decolony), pardevant le lieutenant-général de la sénéchaussée de Lyon, des biens de la Succession d'Antoine Desverney's, à l'affirmer véritable par devant ledit juge et à en payer le reliquat, ensemble les intérêts et intérêts des intérêts comme deniers pupillaires; condamne lesdites parties de Daugy à remettre à ladite partie de Simon tous les papiers et titres de ladite Succession, et à lui laisser la libre jouissance de la propriété des biens meubles et immeubles, en quelques lieux qu'ils soient si tués ; à lui rendre et restituer tous les fruits sur le pied des baux, sinon, suivant l'estima. tion à dire d'experts, dont les parties conviendront pardevant ledit lieutenant-général de Lyon, sinon par lui pris et nommés d'office; condamne les parties de Daugy en tous les dépens, tant des causes principales que d'appel et demandes.

w Vous savez que, dans le vu de cet arrêt, il n'est fait mention ni du jugement de com. damnation d'Antoine Desverneys à la peine de mort, ni du procès-verbal d'exécution de ce jugement en effigie; que seulement on y voit les deux parties s'accorder, par leurs conclusions, à qualifier Antoine Desverneys de mort civilement.

» Vous savez que, dans l'année qui a suivi la prononciation de cet arrêt, le 30 novembre 1747, il fut baptisé à Lyon un troisième enfant d'Antoine Desverneys et d'Adrienne Decolony; qu'il fut nomme Jean-Baptiste et qualifié de fils légitime ; que, le 23 avril 1752, Antoine Desverneys mourut et fat enterré à la Croix-Roussse, dans le tombeau réservé à sa famille ; que, le 26 octobre suivant, sa veuve accoucha d'une fille, nommée Marie-Anne-Charlotte, qui fut baptisée comme fruit posthume du mariage d'Antoine Desverneys et d'Adrienne Decolony; et que, le 22 avril 1754, elle se remaria à Jacques Prades.

» Vous savez que, dans le compte rendu par la femme Cheissac à Adrienne Decolony, il s'éleva des contestations sur lesquelles il fut prononcé, le 14 avril 1767, par une sentence de la sénéchaussée de Lyon, dans laquelle est visé, entre autres pièces, un certificat délivré par Perrier, greffier civil et

criminel au bailliage et siège présidial de Bourg, contenant que, par sentence rendue en la chambre du conseil, le 5 avril 1735, le nommé Antoine Desverneys, bourgeois de la Croix-Rousse, faubourg de Lyon, aurait été déclaré atteint et convaincu d'avoir assassiné Claude Perron, laboureur de Montellier; pour raison de quoi il aurait été condamné à étre pendu, et ce par effigie; et que cette sentence fut exécutée suivant sa forme et teneur, le 5 octobre 1735.

» Vous savez que, sur l'appel de cette sen. tence porté au parlement de Paris, la femme Cheissac fit signifier à Adrienne Decolony, le 25 mai 1777, une requête dans laquelle il était dit : La trente-deuxième pièce du QUINZE avril 1735, est emploi de la sentence du quinze avril 1735 qui condamne Antoine Desverneys à étre pendu ; la trente-troisième est EMPLOI de l'exécution de cette sentence qui se fit par effigie, le 5 octobre suivant.

» Vous savez que, par arrêt rendu à la troisième chambre des enquêtes, le 23 juillet 1779, il fut donné acte à la femme Cheissac de l'emploi qu'elle faisait du compte rendu par son père, le 15 novembre 1736, de la gestion et administration qu'il avait eue de la personne et des biens d'Antoine Desverneys, condamné à mort par sentence de Bourg-enBresse du QUINZE Avril 1735, et exécuté en effigie, le 5 octobre suivant ; que, par le même arrêt, la dépense du compte est calculée depuis la sortie d'Antoine Desverneys de la maison de Nivelle, son beau-père, jusqu'au dit jour quinze avril 1735; et que l'on fait pareillement courir jusqu'audit jour quinze avril 1735, les intérêts d'une partie de cette dépense, ainsi que les prestations du douaire d'Angelique Baron.

» Vous savez qu'Adrienne Decolony mourut le 16 mai 1780; que, quelque temps auparavant, et dés le 15 avril 1776, Jean-Baptiste Desverneys, troisième enfant de son premier mariage, s'était marié à Lyon, comme fils légitime de défunt Antoine Desverneys écuyer, et d'Adrienne Decolony; que précédemment encore, ce même Jean-Baptiste Desverneys s'etant enrólé dans un régiment d'infanterie, avait obtenu, comme noble, l'annullation de son enrólement.

» Vous savez que, le 21 pluviose an 6, les enfans de ce même Jean-Baptiste Desverneys et les autres descendans d'Antoine Desverneys ont fait assigner en délaissement d'une maison située à la Croix-Rousse, appelée le Chariot d'or, et dépendante, suivant eux, de la Succession de celui-ci, Françoise Desplante, femme Gleyze, qui la possédait comme

fille, décédée en pupillarité, d'Antoine Desverneys, mort civilement.

» Vous savez que les enfans Desverneys ont appelé de ce jugement au tribunal d'appel tierce-opposition, tant à l'arrêt du 5 juillet de Lyon; qu'ils ont joint à leur appel une

héritière de Nicolas Vernier, son premier mari, à qui la femme Cheissac en avait fait donation par acte notarié du 3 mars 1781. » Vous savez qu'à cette demande, la femme Gleyze et son mari ont opposé trois moyens différens le premier, que les demandeurs n'étaient ni ne pouvaient être héritiers d'An-746, qui avait adjugé à Adrienne Decolony, toine Desverneys, puisqu'il était mort civilement avant leur naissance ou celle de leurs auteurs; le second, que rien ne prouvait que

la maison réclamée par cux, fit partie de la Succession d'Antoine Desverneys; le troisième, qu'en tout cas, il s'était écoulé, depuis le commencement de la possession de la femme Cheissac, donatrice de Nicolas Vernier, un temps plus que suffisant pour opérer la prescription pleine et entière de leur action.

» Vous savez que, contre le premier de ces moyens, les enfans Desverneys ont fait valoir le défaut de représentation, tant du prétendu jugement de condamnation de leur père, que du procès-verbal de son exécution; qu'ils ont combattu les deux autres par des pièces et par des circonstances qui paraissaient devoir les écarter, au moins pour une portion considérable de l'immeuble litigieux; et que, pour justifier d'autant mieux leur réponse au premier, ils ont produit deux certificats du greffier du tribunal civil du département de l'Ain, séant à Bourg, l'un du 16 germinal an 7, l'autre du 14 fructidor de la même année, et portant que, vérification faite des minutes des procédures criminelles instruites au ci-devant bailliage et présidial de Bourg, il ne s'est trouvé dans les liasses de procédures de l'année 1735, aucune procédure instruite ni jugement rendu contre Antoine Desverney's; que (d'ailleurs) depuis l'année 1779 qu'il est greffier du ci-devant bailliage et présidial de Bourg, et successivement du tribunal de district de Bourg, il n'a été fait aucun déplacement des minutes déposées au greffe du bailliage de Bourg, et qu'elles sont constamment restées au même dépôt.

» Vous savez que, par jugement du 14 fractidor an 8, le tribunal civil de l'arrondissement de Lyon, s'attachant au premier moyen de la dame Gleyze, et sans statuer sur les deux autres, a déclaré les demandeurs sans droit et sans qualité, attendu 1o que, par l'ar rét du 5 juillet 1746, la Succession d'Antoine Desverneys a été réglée définitivement et en dernier ressort; 2o que, d'après cet arrét, la Succession d'Antoine Desverney's a été déférée à Adrienne Decolony, femme Desverneys, comme héritière d'Etiennette Desverneys,

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leur mère, la Succession d'Antoine Desver

neys, leur père, encore vivant à cette époque, qu'à la sentence de la sénéchaussée de

Lyon, du 14 avril 1767, et que, sur cette tierce opposition, ils ont fait citer le préfet du département du Rhône, comme devant, selon eux, représenter, pour le compte de l'Etat et par droit de déshérence, Adrienne Decolony, dont ils avaient répudié l'hé

rédité.

» Enfin, vous connaissez le jugement rendu sur le tout par le tribunal d'appel de Lyon, le 6 floréal an 11 Considérant (porte-t-il) qu'il résulte des dispositions de l'arrêt du parlement de Paris, du 5 juillet 1746, de celles de la sentence de la sénéchaussée de Lyon, du 14 avril 1767, de celles de l'acte SIGNIFIÉ PAR ADRIENNE DECOLONY, LE 22 MAI 1770, et du dispositif de l'arrét du 23 juillet 1779, qu'Antoine Desverneys est mort dans un état de mort civile; le tribunal dit qu'il a été bien jugé, mal appelé, et que ce dont est appel sortira son plein et entier effet.

» Qu'est-ce que l'acte signifié par Adrienne Decolony, le 22 mai 1770, dont il est parlé dans ce jugement? Nous n'en avons jusqu'à present trouvé aucune trace dans les pièces que nous avons parcourues, et les demandeurs ne l'ont pas produit; mais il en est fait mention dans la partie de l'arrêt même qui retrace sommairement la plaidoirie de la dame Gleyze et de son mari : Dans une signification faite le 22 mai 1770 (y est-il dit), non seulement cette femme (Adrienne Decolony) prend le titre d'héritière médiate d'Antoine Desverneys, mort civilement, mais elle déclare qu'elle a donné copie du jugement portant condamnation à mort de son époux et du certificat du greffier attestant l'exécution.

» Vous remarquez, au surplus, que le tribunal d'appel de Lyon ne statue en aucune manière sur la tierce-opposition formée par les demandeurs à l'arrêt du parlement de Paris, du 4 juillet 1746, et à la sentence de la sénéchaussée de Lyon, du 14 avril 1767. C'est assurément un vice de redaction, et les demandeurs ne manquent pas de s'en prévaloir; mais en résulte-t-il pour eux un moyen de cassation? Nous ne le pensons pas. Une omission de prononcer ne peut donner ouverture qu'à la requête civile; et dès qu'elle

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donne ouverture à la requête civile, elle ne peut pas servir de motif pour casser un juge

ment.

» Par là tombent les moyens que tirent les demandeurs, et de ce que le tribunal d'appel de Lyon n'a rien statué à l'égard du préfet du département du Rhône, et de ce qu'il n'a pas jugé toutes les questions qu'il avait posées dans la troisième partie de son jugement.

» Ce n'est pas avec plus de fondement qu'ils emploient pour moyen de cassation, la circonstance que le jugement attaqué a été rendu sections réunies. Déjà plusieurs fois nous avons eu occasion de vous parler d'un réglement fait par le tribunal d'appel de Lyon, en exécution de l'art. 27 de la loi du 27 ventóse an 8, et provisoirement approuvé, au nom du gouvernement, par le ministre de la justice. Vous y avez remarqué un article portant que le tribunal jugera, sections réunies, les questions d'état et celles qui intéresseront la ré. publique; et par cette raison, la section des requêtes a rejeté, le 18 brumaire an 11, au rapport de M. Vasse, le recours de la commune de Jasseron, contre un jugement du tribunal d'appel de Lyon rendu sections réunies, entre la république et cette commune.

» Il ne reste donc plus aux demandeurs que les moyens qu'ils puisent dans le fond de la cause; et, à cet égard, nous n'avons à examiner qu'une seule question, celle de savoir si le tribunal d'appel de Lyon a violé quelque loi en jugeant à la fois, et qu'Antoine Desverneys était décédé en état de mort civile, et que, par cela seul qu'il était décédé en état de mort civile, ses enfans étaient inhabiles à lui succéder.

» Il semble, au premier abord, que, par cette manière de prononcer, il ait contrevenu à la loi générale qui appelle les enfans à la Succession de leur père même décédé en état de mort civile, à moins qu'on ne prouve qu'ils n'ont été conçus que postérieurement à sa mort civile elle-même; car le tribunal d'appel n'a point déterminé par son jugement l'époque à laquelle Antoine Desverneys était, suivant lui, mort civilement; il serait donc possible, d'après son jugement, qu'Antoine Desverneys ne fût mort civilement qu'après la conception ou la naissance, sinon de tous les demandeurs, au moins de quelques uns d'entre eux.

» Mais cette difficulté s'évanouira bientôt, si l'on rapproche du jugement du tribunal d'appel, les actes de naissance des enfans d'Antoine Desverneys. Le jugement du tribunal d'appel donne pour première preuve de la mort civile d'Antoine Desverneys, l'arrêt

du parlement de Paris du 5 juillet 1746, quí adjuge sa Succession à Adrienne Decolony, comme confondue dans celle d'Étiennette Desverneys, leur fille legitime, morte en 1736. Il décide donc qu'Antoine Desverneys était mort civilement dès l'année 1736. Or, c'est depuis l'année 1736 que sont nées tous ceux des enfans qui réclament aujourd'hui sa Succession: la naissance du plus åge ne remonte qu'au 29 novembre 1739. L'arrêt de la cour d'appel décide donc que tous les demandeurs sont nés pendant la mort civile de leur père; il est donc inattaquable sous le rapport qui, au premier aperçu, semblait devoir en nécessiter la cassation.

» Mais a-t-il pu juger Antoine Desverneys mort civilement, sans que la sentence de sa prétendue condamnation par contumace, sans que le procès-verbal de l'exécution de cette sentence, fussent rapportés? A-t-il pu admettre comme pièces équipollentes à ces deux actes, l'arrêt du 5 juillet 1746, la sentence du 14 avril 1767, l'acte signifié à la requête d'Adrienne Decolony, le 22 mai 1770, et l'arrêt du 23 juillet 1779? Voilà ce que nous avons à examiner, voilà ce qui doit fixer toute notre attention.

» Et d'abord, peut-on, relativement aux effets qui peuvent résulter d'un jugement de condamnation, remplacer ce jugement même par la preuve, soit testimoniale, soit littérale, soit confessionnelle, qu'il a existe?

>> Cette question importante a occupé nos législateurs, et ils l'ont décidée négativement pour le cas où il ne serait pas constant que le jugement prétendu adiré a reçu son exécution. L'art. 9 de la loi du 29 floréal an 2 et le Code des délits et des peines du 3 brumaire an 4, liv. 2, tit. 15, art. 554, portent que, dans tous les cas et Pour tous effets, le jugement de condamnation non-exécuté, qui n'est représenté, ni en minute, ni en expédition ou copie authentique, est considéré comme n'ayant jamais existé. Et il ne faut pas croire que la disposition de ces lois n'ait pour objet que les jugemens rendus sur déclaration de jures: elle est générale, elle n'est limitée par aucune exception; et ce qui prouve d'ailleurs qu'elle s'applique aux jugemens rendus avant, comme aux jugemens rendus depuis l'institution du jury, c'est que l'art. 7 de la première de ces lois déclare que, si la procédure égarée en tout ou en partie avait été instruite dans la forme qui avait lieu AVANT L'INSTITUTION DES JURÉS, elle sera recommencée en entier dans la forme prescrite dans les lois relatives à celte institution; et ce qui pourra rester de la

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