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fussent pas encore conçus au temps de ma mort; et c'est entre tous ses petits-neveux nés au moment de son décès et à naitre postérieurement, qu'il a ordonné que le partage se ferait à la majorité du plus jeune d'en

tre eux.

» Or, a-t-il pu disposer de cette manière, sans grever de substitution ceux de ses petits-neveux qui se trouveraient nés ou conçus à l'époque de l'ouverture de sa suceession?

» Il ne l'aurait pu qu'autant qu'il eût été en son pouvoir d'instituer directement ceux de ses petits-neveux qui ne seraient conçus que postérieurement à cette époque.

» Mais d'après l'art. 906 du Code civil, nul n'est capable de recevoir par testament, s'il n'est conçu lors du décès du testateur.

» Les petits-neveux du sieur de Lamberts ne pouvaient donc être, de sa part, l'objet d'aucune disposition directe. Il n'a donc pas pu les instituer directement.

» Et cependant il a voulu qu'ils vinssent au partage de ses biens concurremment avec leurs frères ou cousins germains conçus avant sa mort. Il a fait plus : il a voulu que, pour former leurs portions dans ce partage, on réduisit celles qu'y eussent prises leurs frères ou cousins-germains, si ceux-ci ne les avaient pas eus pour concurrens.

» C'est donc comme s'il eût dit en termes exprès: Je charge mes petits-neveux conçus au temps de ma mort, de conserver et de rendre à leurs frères ou cousins-germains qui ne seront conçus qu'après, la partie de mes biens qui sera nécessaire pour composer à ceux-ci des lots égaux aux leurs. C'est par conséquent comme s'il eût dit: Je substitue mes petitsneveux non encore conçus au moment de ma mort, à ceux qui le seront à cette époque, jusqu'à la concurrence de ce qu'il faudra détacher des lots des seconds, pour mettre les premiers de niveau avec eux.

» En effet, du moment que, ne pouvant pas instituer directement ses petits-neveux non encore conçus au moment de sa mort, il a cependant voulu qu'ils concourussent au partage de ses biens, il est imposible de ne pas considérer les petits-neveux conçus au moment de sa mort, comme les entrepositaires qui devaient faire arriver jusqu'à eux les parts qu'il leur assignait; il est impossible que les petits-neveux conçus après sa mort, reçoivent immédiatement leurs parts de ses mains propres ; il est impossible qu'ils reçoivent leurs parts d'autres mains que de celles de leurs frères ou cousins germains; et par une conséquence nécessaire, il est imposible que ceux-ci ne

soient pas grevés de substitution en faveur de ceux-là.

» Qu'importe, dès-lors, que le mot substiLution ne se trouve pas dans le testament? Il y a nécessairement substitution, toutes les fois qu'il y a, outre les donataires qui reçoivent directement des mains du donateur, d'autres donataires à qui, soit par la volonté expresse de celui-ci, soit par la nature des choses, la donation ne peut arriver que par l'intermédiaire des donataires directs; et telle est visiblement notre espèce.

» Mais voyons ce qu'oppose à des vérités aussi claires le jugement du tribunal de première instance.

» On y reconnaît d'abord le principe que la circonstance la plus caractéristique des substitutions consiste en ce que l'institué est, en même temps, chargé de conserver pour rendre; ce qui présuppose nécessairement un ordre successif de pleine jouissance entre les heritiers saisis en première ligne, et les autres héritiers appelés après eux.

Mais, ajoute-t-on aussitôt, dans l'espèce, le testateur a appelé directement dans le même ordre et sur la même ligne, tous les enfans de son neveu Lambrichs et de sa nièce Kessel; il n'a ordonné aucune chute ni transmission de l'un de ces neveux au profit des autres; au contraire, pour écarter toute idée d'ordre successif et de fideicommis réciproque entre eux, il a déclaré en termes exprès que les droits et parts de chacun d'eux dans La propriété et les revenus, ne seraient définitivement fixés et déterminés qu'à la majorité du plus jeune; de manière que ces petits-neveux n'étaient réellement appelés que sous la condition qu'ils existeraient à cette époque indéfinie. Ainsi, ceux qui alors se sont trou vés ne plus exister, ont été ou devaient étre censés n'avoir jamais été appelės, et, par suite, n'avoir rien eu à conserver pour rendre.

» Tout cela serait bon, s'il n'y avait d'ap pelés que ceux qui existaient au moment du décès du testateur. Mais avec eux sont aussi appelés ceux qui naîtront après. Or, on l'a déjà dit, et on ne saurait trop le répéter, ceux qui sont nés après la mort du testateur, ne peuvent pas être appelés directement : ils sont incapables de recevoir, et le testateur ne peut pas les relever de cette incapacité. Cependant il les appelle par une disposition directe; il veut qu'ils concourent au partage. Il fait donc autre chose que ce qu'il dit réellement; il entend donc qu'ils recevront des mains de ceux qui sont nés avant sa mort, cè qu'ils ne peuvent pas recevoir des siennes;

il établit donc, des uns aux autres, un ordre successif, une chute, une transmission. Soutenir le contraire, c'est dire, en d'autres termes, qu'il veut que sa disposition reste sans effet à l'égard des petits-neveux qui naîtront après sa mort; car elle ne peut s'accomplir que par l'interposition des petits-neveux conçus auparavant.

» Ceux qui existaient à l'époque du décès (dit-on encore), sont censés, à l'égard de ceux qui pouvaient naitre postérieurement, n'avoir rien à restituer à ces derniers, vu qu'ils n'avaient pas été institués dans les quotités proportionnées au nombre de ceux des neveux qui avaient existé au décès du testateur, mais bien au nombre de ceux qui se sont trouvés ou se trouveraient exister au moment de la majorité du plus jeune d'entre eux.

"Non sans doute, il n'y aurait pas eu de restitution à faire, de la part des petits-neveux nés avant la mort du testateur aux petits-neveux nés depuis, si les seconds avaient été capables de recevoir directement du testateur. Mais cette capacité, ils ne l'avaient pas. Ils n'ont donc pu arriver aux biens du testateur, que par l'intermédiaire des premiers. Il faut donc bien que les premiers aient été chargés virtuellement par le testateur lui-même, de leur restituer les parts qu'il leur a assignées.

Supposons un cas qui n'est pas, à beau coup près, impossible. Supposons que tous les petits-neveux nés avant la mort du testateur, viennent à décéder avant que le plus jeune des enfans nés depuis, ait atteint sa najorité. A quel titre ces derniers viendront ils à la succession du testateur? Ce ne sera sûrement pas à titre d'institués, car leur institution est nulle. Ce ne sera donc qu'à titre de substitués. Il y a donc nécessaire ment substitution dans la disposition qui les appelle.

>> Nous reviendrons dans l'instant sur cette observation décisive. Quant à présent, suivons l'ordre des argumens du tribunal de première instance.

» Il est inexact de dire (ce sont ses termes) que, de cette manière, la propriété des biens serait restée en suspens, vu que, dans le fait, elle a résidé DANS LE CHEF de tous les ENFANS NÉS ET A NAITRE COLLECTIVEMENT, jusqu'à la majorité du plus jeune d'entr'eux, époque à laquelle elle s'est irrévocablement fixée et a du se diviser entre ceux qui alors se sont trouvés composer cette masse collective; de sorte que ces névèux et nièces alors existans ne recevront rien, ou plutôt n'ont rien reçu des prédécédés, mais sont censés avoir recueilli

la portion qui leur était attribuée par suite de la vocation directe et immédiate du tes.

tateur.

» C'est toujours, comme l'on voit, la même erreur qui sert de pivot aux raisonnemens du tribunal de première instance. Non, les petits-neveux qui étaient nés avant la mort du testateur, n'ont rien reçu de ceux de leurs frères ou cousins-germains qui, étant nés avant la même époque, étaient morts antérieurement à la majorité du plus jeune ; et la raison en est bien simple: c'est que, par l'accomplissement de la condition resolutoire sous laquelle ceux-ci avaient été institués, leur institution était réputée non-écrite ; et que par conséquent, ceux qui leur survivent, sont censés avoir reçu immédiatement des mains du testateur, les portions que les prédécédés n'ont réellement jamais atteintes. Mais les petits-neveux qui ne sont nés qu'après la mort du testateur, de qui recevrontils les parts qu'il leur a assignées ? A-coup-sûr, ce ne sera pas de ses mains : il n'a pu rien transmettre directement à des êtres qui, au moment de sa mort, étaient encore dans le néant. Ils ne pourront donc recevoir que des mains de ceux des petits neveux qui, nes avant la mort du testateur, existeront encore comment à l'époque du partage définitif. Or, recevraient-ils des mains de ces derniers, s'il n'y avait pas de substitution?

» Au surplus, nous prenons acte de l'aveu du tribunal de première instance, que, jusqu'à la majorité du plus jeune des petits-neveux, la propriété doit résider dans le chef d'eux tous collectivement, et que c'est cette masse collective qui est propriétaire. Cet aveu qui n'est qu'un hommage rendu à une vérité incontestable, ne laisse pourtant pas d'être ici de quelque importance; car il en résulte clairement que, quoique ceux des petits-nevenx nés avant la mort du testateur, qui sont aujourd'hui décédés, ne puissent pas être considérés comme ayant été grevés de substitution en faveur des petits-neveux nés depuis, il n'en est pas de même de la masse collective des premiers, et que c'est à cette masse que les seconds se trouvent substitués. » Mais, dit le tribunal de première instance, y aurait-il substitution au profit des enfans à naître après la mort du testateur, si ceux-ci avaient été capables d'être institués directement? Non certes, et l'arrêt du con seil de Brabant du 26 février 1650, rapporté par Stockmans, §. 26, nous en offre la preuve: car là, comme ici, un testateur avait institué collectivement ses neveux qui cxisteraient à sa mort et ses neveux qui naîtraient posté

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rieurement; et cependant ce n'est pas comme substitués, c'est comme institués, que cet arrêt a fait concourir, avec les neveux existans à la mort du testateur, les neveux conçus et nés depuis.

» Oui, sans doute, c'est comme institués, et non comme substitués, que, dans cette éspèce, les neveux conçus et nés après la mort de leur oucle, sont venus à sa succession; mais pourquoi ? Parcequ'alors on pouvait, par testament, disposer au profit d'enfans à naître après la mort du testateur, non seulement par simple legs, comme le prouvent une foule de textes du droit romain (1), mais encore par institution d'héritier proprement dite, comme il résulte notamment de la loi 94, D. de heredibus instituendis.

» En est-il encore de même aujourd'hui? L'art. 906 du code civil décide nettement que non. La première qualité requise aujourd'hui pour être habile à recevoir par testament, c'est d'exister au moment de la mort du testateur; et de là il suit nécessairement que les petits-neveux du sieur de Lamberts qui n'ont été conçus qu'après sa mort, n'ont pas pu être institués par lui. Mais s'ils ne peuvent pas venir à sa succession comme institués, à quel titre y viendront-ils donc? Ce sera indubitablement comme substitués.

» Point du tout (répond le tribunal de première instance), ils n'y viendront, si leurs coinstitués le veulent, à aucun titre. Tout ce qui résulte de leur incapacité de venir comme institués, c'est que leur institution est nulle. Mais cette nullité, ce n'est qu'à leurs co-institués qu'appartient le droit de la faire valoir.

"

» Voilà donc la dernière ressource du tribunal de première instance: c'est de dire que l'institution des petits-neveux à naître après la mort du testateur, ne peut pas, par cela seul qu'elle est nulle comme telle, être convertie en substitution.

» Mais vaine et frivole défaite!

» Que dirait-on de la clause d'une donation entre-vifs, par laquelle le donateur, au lieu d'user de la faculté que lui laisse l'art. 951 du Code civil, de stipuler le retour à son profit, en cas de prédécès du donataire, le stipulerait au profit d'un tiers? Et que répondrait-on l'héritier du donateur qui viendrait soutenir que la donation est nulle, parcequ'elle renferme virtuellement une substitution au profit du tiers appelé illégalement au droit de retour?

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» En serait on quitte pour dire que la sti

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Legataire, S. 2, no 4.

pulation du droit de retour est nulle, mais que la donation n'en demeure pas moins valable, parceque le donateur n'ayant pas exprimé littéralement la volonté de faire une substitution, l'on ne peut pas réputer telle une simple clause de retour?

>> Non certes, et l'héritier du donateur répliquerait victorieusement, avec l'arrêt de la cour de cassation, du 22 juin 1812, que, si la clause de retour ne contient pas le mot Substitution, elle en renferme au moins la substance (1).

de

» Eh bien! Il en est de même ici. Le sieur de Lamberts n'a pas dit expressément : Je charge la masse collective de mes petits-neveux existans à l'époque de mon décès, conserver et de rendre à mes petits-neveux qui naîtront après, une portion de mes biens, ou même le tout, s'ils viennent à mourir avant

la majorité du plus jeune de ceux-ci; mais il l'a dit en termes équipollens; et il est nécessairement censé l'avoir dit, puisque ce n'est que par voie de substitution, que peut être exécutée l'institution qu'il a faite de ceux de ses petits-neveux qui ne seraient conçus qu'après sa mort.

on

» Que, lorsqu'une clause est susceptible de deux interprétations, dont l'une lui donnerait l'effet d'une substitution, tandis que l'autre aboutirait à un tout autre résultat, préfère la seconde interprétation à la première, rien de plus conforme aux principes qui veulent que, dans le doute, on entende toujours les actes dans le sens qui en assure la validité.

» Mais ici que prétend-on ? Interprêter l'institution des petits-neveux à naître, dans un sens qui exclue l'idée d'une substitution? Non, ce n'est point là qu'en dernière analyse on veut en venir. Il est trop évident que cette institution ne peut être exécutée qu'en la convertissant en substitution, et que par conséquent elle équipolle à une substitution expresse. Mais on veut considérer l'institution comme non écrite; on veut l'effacer du testament; on veut exécuter le testament, comme si elle n'y était pas.

"Oh! Cela est impossible. Interpretez, tant qu'il vous plaira et comme il vous plaira, ce qui est écrit; mais ne le supprimez pas. Le testateur n'a écrit l'institution, que parce

qu'il la voulait ; et vous ne pouvez pas

divi

ser sa volonté : ou abandonnez-la tout-à-fait, ou prenez-la telle qu'elle est; il n'y a point

(1). le no suivant.

de milieu pour vous: or, telle qu'elle est, elle renferme essentiellement une substitution; c'est donc comme substitution qu'il a voulu qu'elle fût exécutée; et vous n'échapperez pas à cette conséquence irrésistible, en disant que l'institution est nulle, parceque ce serait, en d'autres termes, soutenir qu'elle n'est pas écrite dans le testament; parceque, dès qu'elle est écrite dans le testament, il faut qu'elle y reste, sans qu'aucune puissance humaine ait le droit de l'en retirer; parceque, dès qu'elle y reste, il faut que, malgré tous vos efforts, la nullité qui la vicie, se communique à toute la disposition dont elle forme une partie intégrante.

» Il serait vraiment bien commode à des institués sous la charge d'une substitution, de pouvoir dire à l'héritier AB INTESTAT : La charge que nous a imposée le testateur, est nulle; eh! Que nous importe? Nous n'en demeurons pas moins institués.

» Mais ce n'est point ainsi que l'entend la loi : Il y a substitution (répond-elle), donc l'institution est nulle; vous ne pouvez pas séparer ce qui, de la part du testateur, ne forme qu'un tout indivisible.

» Encore un mot.

» Le tribunal de première instance finit par dire, dans son dernier attendu, qu'il ne peut y avoir substitution dans un acte, que Lorsque la volonté en est clairement manifespar des termes clairs et précis.

tée

» Eh bien! Cette volonté ne résulte pas seu lement ici de ce que le testateur a fait, a écrit, a voulu une institution qui ne pourrait être exécutée que comme substitution: elle résulte encore de ce qu'il a, en termes clairs et précis, déclaré que les parts des petits-neveux nés avant sa mort, seraient soumises à réductibilité en faveur des enfans à naître ; ce qui signifie manifestement que ceux-là se dessaisiront, au profit de ceux-ci, d'une portion des biens qu'ils auront recueillis à l'ouverture de sa succession ; ce qui par conséquent établit, pour cette portion, une véritable transmission des enfans nes avant, aux enfans nés après le décès du testateur; ce qui, par conséquent encore, constitue, avec la plus grande évidence, l'ordre successif de vocation qui forme le caractère distinctif et essentiel de la substitution ».

En répondant à ces moyens d'appel de la dame Wertz, ses adversaires se sont attachés surtout, parceque c'était là le véritable nœud de la cause, à combattre l'argument que l'on tirait contre cux de la disposition de l'art. 906 du Code civil:

« On sait (ont-ils dit) qu'avant le Code civil, et aux termes de l'art. 12 de l'ordonnance de 1731, une donation ordinaire, ou hors contrat de mariage, faite par un collateral ou par un étranger en faveur des enfans nés et à naitre d'un individu désigné, et acceptée par les enfans déjà nés, était valable même en France, à l'égard des enfans nés et conçus dans la suite, quoique personne ne l'eût acceptée pour eux; qu'elle était valable à leur égard, non pas ordine successivo, mais par concours avec les enfans déjà nés; de sorte que l'objet donné se partageait entre ceux-ci et ceux-là, à mesure qu'il survenait des nais

sances.

» On sait encore, et Furgole prouve clairement dans son Traité des testamens, chap. 6, sect. 1, no 6, qu'en France, avant l'ordonnance de 1735, l'institution d'héritier faite par testament en faveur d'enfans à naître, était valable (comme elle l'a été bien constamment dans la Belgique, jusqu'à la publication du Code civil), quoique, lors du décès du testateur, il n'y eût pas encore d'enfans nés ou conçus; mais que ce point de jurisprudence fut abrogé par l'art. 49 de cette ordonnance, qui voulut qu'une institution d'héritier ne put valoir en aucun cas, si celui ou ceux qu profit de qui elle aurait été faite, n'étaient ni nés ni conçus au moment de la mort du tes

tateur.

>> On sait enfin, et Furgole, à l'endroit cité, no 11, en fait expressément l'observation, que la nullité prononcée par cet article, s'étendait au cas où l'institution, outre la con. dition tacite, sSI NASCATUR, serait faite sous une condition expresse qui aurait trait de temps après la mort du testateur; ce qui (ajoutait-il) résulte clairement des mots, NE

POURRA VALOIR EN AUCUN CAS: car ils ont été

ajoutés pour assujétir à la nullité les institutions conditionnelles par disposition expresse.

» De cette observation de Furgole, il résulte bien qu'une institution d'héritier faite par testament en faveur des enfans à naître d'une personne désignée, aurait été entièrement nulle, si au décès du testateur, il ne s'était trouve aucun enfant né ou conçu.

» Mais peut-il en résulter que, dans l'hypothèse d'une institution testamentaire faite en faveur d'enfans nés et à naître et littéra lement étendue aux enfans qui ne seraient conçus qu'après le décès du testateur, celte institution, valable à l'égard des enfans nes ou conçus lors de ce décès, cût été de nature à être regardée comme fideicommissaire à l'égard des enfans conçus postérieurement ?

Non, sans doute, puisque, selon Furgole, il était dans l'esprit de la loi, que l'institution de celui ou de ceux qui ne seraient ni nés ni conçus à l'époque de la mort du testateur, alors même qu'ils auraient été expressément institues pour le cas où ils ne seraient conçus qu'après cette époque. Comment d'ailleurs, le même législateur qui rédigea et l'ordonnance de 1731 et l'ordonnance de 1735, aurait-il pa entendre que l'art. 49 de celle-ci comportat la faculté de supposer un ordre successif dans une telle institution, quand il laissait subsister l'art. 12 de celle-là, d'après lequel, et dans l'hypothèse d'une donation même faite à des enfans nés et à naître, l'ac. ceptation faite par les enfans nés lors de la donation, devait profiter par concours, et non par ordre successif, aux enfans à naitre dans ła suite.

» Cependant Furgole pensait avec M. le chancelier d'Aguesseau, dans sa lettre du 23 novembre 1737, adressée au parlement de Provence, qu'il était entré dans l'objet de l'art. 49 de l'ordonnance de 1735 de ne pas laisser de successions en suspens.

» Et certes, M. le chancelier, dans cette lettre, ainsi que Furgole, dans ses traités, n'en étaient pas pour cela moins éloignés d'imaginer qu'une institution d'héritier en faveur d'enfans nés et à naitre, y compris expressément ceux qui seraient conçus après la mort du testateur, susceptible d'être considérée comme renfermant une substitution à l'égard de ces derniers.

» Furgole supposait, au contraire, que le mode de partage qu'il avait indiqué en expliquant l'art. 12 de l'ordonnance de 1731 relativement à une donation faite à des enfans nés et à naître, pouvait s'appliquer à l'institution testamentaire d'héritier dans un cas qui a quelque analogie avec celui dont il s'agit car, sur l'art. 19 du tit. 1er de l'ordonnance de 1747, après avoir dit que, si la disposition a été faite en faveur d'un individu et de ses enfans, et que, lors de son ouverture, il n'y ait pas d'enfans nés ou conçus qui puissent concourir avec leur père, les enfans conçus après ce décès, doivent être considérés comme appeles fideicommissairement, afin que la disposition qui les regarde, ne soit pas inutile; il se réfère au sentiment de Ricard ( Traité des substitutions, part. 1re, no 542), pour le cas où, lors de l'ouverture de la disposition, il existe des enfans qui peuvent concourir avec leur père, en attendant qu'il en survienne d'autres.

» Et quel est le sentiment de Ricard en eet endroit? Ricard y suppose qu'un testa

teur a institué le père et tous les enfuns qui en doivent naître, il suppose aussi que tous les enfans compris en la disposition ne fussent pas nés au jour du décès du testateur. Et néanmoins, il rejette l'idée d'induire de là une Substitution fideicommissaire, vu que rien n'empêche qu'une institution ne soit pure et simple à l'égard des uns, et conditionnelle à l'égard des autres. Et ainsi, dans cette espèce (ajoute-t-il immédiatement), le père et les enfans qui se trouveront au monde lors de l'ouverture du testament, partageront entre eux la succession; de sorte que le père en prendra incommutablement la moitié; et l'au tre moitié sera destinée tant pour les enfans nés qu'à naître. Et à l'égard de ceux-ci, à mesure que la condition écherra, qui est attachée à leur naissance, ils prendront leur part avec les fruits, du jour du décès du testateur; attendu qu'en matière d'institution, les conditions sous lesquelles elles sont faites, soit expresses, soit tacites, ont un effet rétroactif.

» Nous n'insisterons pourtant pas sur cette opinion de Ricard, quoique approuvée par Furgole plus de quinze ans après la publication de l'ordonnance de 1735.

» Et nous nous bornerons à inférer des principes et des observations ci-dessus, que, d'après l'art. 49 de cette ordonnance, et dans l'hypothèse où un testateur aurait institué les enfans nés et à naître d'une ou de deux personnes désignées, en y comprenant expressément les enfans qui ne seraient conçus qu'après l'époque de son décès, cette institution, valable, à l'égard des enfans nés ou conçus à cette époque, aurait été purement et simplement nulle à l'égard des enfans conçus à une époque postérieure, sans qu'il eût été aucunement possible de les considérer comme appelés en second rang après les enfans nés ou conçus antérieurement.

» Or, qu'a fait le Code civil, en déclarant, art. 906, que, pour étre capable de recevoir par testament, il suffit d'être conçu à l'époque du décès du testateur, et en ajoutant, art. 911, que toute disposition au profit d'un incapable sera nulle? Il n'a évidemment fait qu'adopter, tout au plus, l'art. 49 de l'ordonnance de 1735.

» Si donc d'une institution d'héritier faite en France sous l'empire de l'art. 49 de cette ordonnance et conçue dans les mêmes termes que celle dont il s'agit dans l'espèce actuelle, il n'eût pu résulter qu'une nullité, et non une Substitution fideicommissaire, à l'égard des enfans conçus après le décès du testateur, il est évident qu'il ne peut pas résulter autre chose d'une institution pareille faite sous

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