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maisons et héritages de mainferme, c'est-àdire, des biens-fonds tenus en censive, des immeubles réels qui n'étaient ni francs-alleux ni fiefs. Et certainement une rente constituée n'est ni une terre, ni une maison, ni un heri. tage; c'est encore moins une censive. Ce n'est même pas, dans la coutume de Cambrai, un immeuble incorporel : c'est un simple effet mobilier, et la coutume elle-même le dit expressément : rentes héritières constituées par vendition à prix d'argent et à rachat sur hypothèque d'héritages, sont réputées meubles, et tiennent nature de meubles; ce sont les termes de l'art. 1 du tit. 16.

>> Qu'importe, au surplus, que, par le premier contrat de mariage d'Amé Bourdon, les rentes apportées par chacun des époux, soient stipulées propres à chacun d'eux? Une pareille stipulation n'a pu imprimer à leurs rentes respectives, la qualité d'héritages réels, encore moins la qualité de mainfermes plutôt que celle de fiefs ou de francs-alleux, encore moins les assujétir au préciput établi en faveur des enfans du premier lit, par

l'art. 20 du tit. 22 de la coutume. Et elle la leur a d'autant moins imprimée dans l'espèce, que le contrat de mariage d'Amé Bourdon limite lui-même l'effet de cette stipulation de propres à empêcher que le survivant ne puisse succéder, jouir ni profiter des rentes que délaissera le premier mourant, ni même devenir héritier de ses enfans, quant à ce.

» Tout se réunit donc pour repousser le recours de la veuve Bourdon, contre la dispo sition du jugement du tribunal d'appel de Douai, qui rejette sa prétention relative aux 10,000 florins dont il s'agit ».

Sur ces conclusions, arrêt du 11 ventôse an 11, au rapport de M. Lombard, par lequel,

« Attendu que le tribunal d'appel, en jugeant que le testament de Jean - Jérome Bourdon, du 31 janvier 1742, renferme une substitution réciproque entre les enfans du premier et du second lit d'Amé, son fils, n'a fait qu'interpréter des clauses susceptibles de difficulté; d'où il suit que, de quelque manière qu'il ait décidé, il n'a contrevenu à aucune loi;

» Qu'au surplus, le tribunal d'appel, en refusant d'accorder à titre de prélèvement, la moitié des 10,000 florins que Jean-Jérôme Bourdon avait promis de payer à Amé, son fils, dans son contrat de mariage du 7 février 1722, et un tiers sur l'autre moitié de cette somme, n'aurait pas contrevenu à l'art. 20 du tit. 22 de la coutume de Cambrai, qui, s'il

comprend les rentes constituées, n'embrasse pas la créance d'un simple capital;

» Le tribunal rejette la requête................ ». V. encore le paragraphe suivant.

S. III. 1° Sous l'ancienne législation, cette clause, je donne à un tel ET à ses enfans à naître, formait-elle, dans une donation entre-vifs, un fidéicommis en faveur des enfans que le donataire pourrait avoir dans la suite?

2o. Si, sous l'ancienne législation, le donateur avait dit, je donne à un tel ou à ses enfans à naître, y aurait-il eu Substitution fideicommissaire?

30. Sous la législation actuelle,. yaurait-il Substitution fidéicommissaire, soit dans l'un, soit dans l'autre cas ?

I. La seconde de ces questions s'est présentée, et je l'ai discutée en même temps que la première, dans l'espèce suivante.

Le 23 février 1737, contrat de mariage passé au Puy, entre Jean-Gabriel Jouve et

Marie-Gabrielle Laurenson.

Par cet acte, Charles Jouve-Ladevèze, chanoine, oncle de l'époux, lui donne et cède dès-à-present, par donation entre-vifs, tous les droits et prétentions qu'il peut avoir sur les biens de son père et de sa mère.

son

Par une seconde disposition de ce contrat, il est dit : « De plus, en faveur du présent >> mariage, ledit Charles Jouve-Ladevèze a » aussi donné, par même donation que dessus, » audit Jean-Gabriel Jouve-Ladevèze, » neveu, acceptant, ou à un ou plusieurs en» fans qui seront procréés du présent mariage, » toutefois au choix dudit Charles Jouve» Ladevèze, prêtre, la moitié du jardin planté » en verger qu'il a......... en cette ville......, » sous la réserve de l'usufruit pendant sa vie ». De ce mariage est né seulement un fils nommé Pierre-François.

Jean Gabriel Jouve Ladevèze, son père, s'est remarié avec Jeanne Pichot, et a laissé de ce second mariage un fils nommé Charles. Louis, qu'il a institué son héritier universel. Il est mort le 21 avril 1773.

Le 28 juin 1774, Pierre-François Jouve-Ladevèze forme contre Charles-Louis, son frère, une demande en désistement de la moitié du jardin comprise dans la donation contractuelle du 23 février 1737. Il soutient que cet immeuble lui appartient exclusivement, attendu le fideicommis dont le donateur avait, à cet égard, grevé leur père commun, et la par raison qu'il s'y trouvait seul appelé, à défaut d'autres enfans du premier mariage.

Charles-Louis Jouve-Ladevèze prétend, de son côté, que le contrat de mariage du 23 février 1737 ne renferme point de fideicommis; que la clause, ou à un ou plusieurs enfans qui seront procréés du présent mariage, ne confère à l'enfant du premier lit aucun droit à exercer sur l'immeuble donné, après que le père commun des parties l'a recueilli comme donataire, et en a joui comme tel.

Sur cette contestation, sentence de la sénéchaussée du Puy, qui appointe les parties en droit.

Le demandeur étant décédé, ses enfans reprennent l'instance; et le 28 pluviose an 7, jugement contradictoire du tribunal civil du département de la Haute-Loire, qui,

« Attendu que le contrat de mariage de Jean-Gabriel Jouve-Ladevèze, du 23 février 1737, contient deux donations bien distinctes de la part de Charles Jouve-Ladevèze ;

» Que la première comprend, avec dessaisissement actuel et acceptation particulière, tous les droits et prétentions que pouvait avoir le donateur sur les biens des père et mère du futur époux;

» Que la seconde comprend la moitié du jardin planté en verger, dont Charles JouveLadevèze fait donation à son neveu, acceptant comme dessus, ou à un ou plusieurs enfans qui seront procréés du présent mariage, toutefois au choix dudit Charles Ladevèze, prêtre, sous la réserve de l'usufruit pendant sa vie;

» Que cette seconde donation a fait naître la difficulté de savoir si, d'après le mot ou, dont s'est servi le notaire, en exprimant la volonté du donateur, l'effet de cette seconde donation doit tourner au profit du donataire seul, ou bien à son profit et à celui de ses enfans qui seront procréés du présent mariage; ce qui opérerait une Substitution fidéicommissaire;

» Qu'en comparant les termes de la première donation avec ceux de la seconde, on trouve une grande différence dans la volonté du donateur; puisque, dans la première, il dit seulement qu'il donne à Jean-Gabriel Jouve, son neveu, sans y appeler les enfans qu'il pourra avoir du présent mariage; tandis que, dans la seconde donation, il est expressément dit qu'il donne à Jean Gabriel JouveLadevèze, son neveu, ou à un ou à plusieurs enfans qui seront procréés du présent mariage;

» Que, si le donateur n'eût eu en vue que son neveu seul, il n'aurait pas fait dans le même acte deux donations, et que tous les objets donnés eussent été compris dans la

même clause; que la loi 4, C. de verborum et rerum significatione, est la seule qui doive servir de base à la décision de la question; que, d'après les termes de cette loi, la donation de la moitié du jardin aujourd'hui réclamée par les enfans Ladevèze, doit être regardée comme faite à Jean-Gabriel JouveLadevèze, et à un ou à plusieurs enfans qui seront procréés de son mariage;

» Qu'une pareille donation ne peut être regardée que comme une Substitution fideicommissaire, et non comme une substitution vulgaire ;

» Qu'il n'est provenu qu'un seul enfant du mariage du donataire avec Gabrielle Laurenson; que, dès-lors, Charles Jouve-Ladevèze, prêtre, n'avait pas de choix à faire;

» Faisant droit sur la demande en desistement de la moitié de jardin, condamne Charles-Louis Jouve-Ladevèze, oncle, à se désister en faveur de ses neveux, de la moitié de ce jardin, à restituer les jouissances... et aux dépens ».

Appel de ce jugement à la cour de Riom, qui en adopte les motifs et le confirme, le 28 prairial an 9.

Recours en cassation contre l'arrêt confirmatif.

A cette époque, rendu momentanément à la vie privée, j'ai été consulté par les enfans et héritiers de Pierre-François Jouve-Ladevèze, sur le résultat que pouvait avoir ce re

cours.

J'ai répondu, le 30 frimaire an 10, que ce résultat n'était nullement à craindre pour eux; et voici comment j'ai développé mon opinion:

« Le tribunal d'appel de Riom a décidé, en confirmant le prononcé des premiers juges, que la donation de la moitié de jardin dont il s'agit, n'avait été faite à Jean-Gabriel Jouve-Ladevèze, qu'à la charge d'un fideicommis en faveur des enfans à naître de son mariage avec Marie-Gabrielle Laurenson.

» A-t-il, par cette décision, porté atteinte à quelque loi ? Telle est la seule question qui sera et pourra être soumise au tribunal de cassation, par le recours de Charles-Louis JouveLadevèze.

» Pour résoudre cette question, il faut d'abord se bien fixer sur la date du contrat de mariage qui est jugé contenir fideicommis.

"Ce contrat est du 23 février 1737, c'està-dire, d'une époque antericure, de plus de dix ans, à l'ordonnance des substitutions.

» Ce n'est donc ni l'esprit, ni la lettre de cette ordonnance que l'on doit prendre pour

guides dans la recherche du sens dans lequel doivent être entendus les termes employés par l'auteur de la donation.

» Ainsi, en vain, devant le tribunal de cassation, argumenterait-on contre les enfans Ladevèse, comme on l'a fait devant le tribunal d'appel de Riom, de l'intention manifestée par le préambule de cette loi, d'exiger qu'à l'avenir les donateurs et testateurs, lorsqu'ils feront des fideicommis, expliquent leur volonté d'une manière plus expresse qu'ils ne le faisaient précédemment.

» Les enfans Ladevèze répondraient avec avantage que, de là même il suit que le légis lateur, en proscrivant, pour l'avenir, les conjectures dans les fideicommis, les y a laissé subsister avec tous leurs effets pour le passé.

» Aussi doit-on appliquer à la donation consignée dans le contrat de mariage du 23 février 1737, toutes les maximes du droit romain concernant les conjectures en matière de fideicommis... (1).

» Ces principes posés, examinons le contrat de mariage du 23 février 1737, et voyons si, des termes dans lesquels est conçue la donation qu'il renferme d'une moitié de jardin, le tribunal d'appel de Riom a pu conclure avec fondement que cette donation contenait un fideicommis en faveur des enfans à naître du mariage alors prochain du donataire.

» Arrêtons-nous d'abord à une observation fort importante: c'est que, si la donation était faite aux futurs époux ET à un ou à plusieurs enfans qui seront procréés du présent mariage, au choix du donateur, il y aurait évidemment fidéicommis.

» Cette vérité, qui doit être d'une grande

influence dans la cause, a été niée et forte

ment combattue devant le tribunal d'appel

par le demandeur en cassation; mais il nous sera facile de la démontrer.

» Il y a fideicommis, toutes les fois qu'il existe une disposition par laquelle, en gratifiant quelqu'un, on le charge de rendre l'objet de la libéralité à un tiers que l'on en gratifie en second ordre.

» Ainsi, dans une disposition fideicommis. saire, il entre nécessairement trois personnes, celle qui donne, celle qui est gratifiée à la charge de rendre, et celle à qui l'on doit rendre.

» La disposition fideicommissaire renferme done, à proprement parler, deux donations:

(1) V. le S. précédent. TOME XV.

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» Par conséquent (ajoute Thévenot d'Essaule, dans son Traité des Substitutions fidéicommissaires, imprimé en 1778, page 71), si je dis j'institue un tel et ses enfans, il est clair qu'il n'y a point de fideicommis, vu que rien n'indique l'ordre successif. Le père et les enfans sont gratifiés conjointement, ordine simultaneo, pour concourir et partager ensemble.

» Mais, continue le même jurisconsulte, si je dis : J'Institue un tel et APRÈS LUI SES ENFANS, il y aura fidéicommis, puisque les enfans sont appelés pour recueillir après leur père, et non pas concurremment avec lui. De même, si je dis : J'Institue un tel et ses hériTIERS, il y aura fidéicommis au profit des héritiers; car les mots, SES HÉRITIERS, supposent que le premier gratifié sera mort, quand ceux-ci auront droit de recueillir, le titre d'héritier d'un tel ne pouvant être acquis que par son décès. Autre chose serail, s'il y

avait; J'INSTITUE UN TEL, POUR LUI, SES HOIRS ET AVANT-CAUSE. Alors il n'y aurait point de substitution en faveur des héritiers ou successeurs de l'institué. Les mots, pour lui, SES HOIRS ET AYANT-CAUSE, ne seraient censés relatifs qu'à la transmission ou translation

qui a lieu de droit au profit des héritiers ou successeurs. L'instituant serait réputé n'avoir

point eu d'autre intention. Si cependant il était dit, POUR LUI ET SES HOIRS MALES, il y aurait substitution au profit des hoirs máles ; car alors la disposition ne pourrait s'entendre autrement, puisque l'ordre des successions légitimes y serait interverti.

» Voilà, s'il nous est permis d'employer cette expression, les avenues et les alentours de notre question bien éclaircis. Maintenant entrons dans la question elle-même que doit on décider à l'égard d'une donation faite à un tel et à ses enfans à naître'?

» Si cette donation est faite par un testa ment (répond Thévenot d'Essaule, page 72), il faudra distinguer. Les enfans qui se trouveront nés lors du décès du testateur, qui est le moment où le legs prend force, viendront au legs concurremment avec leur père, n'y

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ayant rien qui nécessite à leur égard l'ordre successif.

» Il y aura seulement fidéicommis au profit des enfans qui naîtront après le décès du testateur, attendu qu'ils n'ont pu concourrir au moment où le legs a pris force, et que néanmoins ils sont dans la vocation.

» Mais, dit encore le même auteur ( et c'est ici l'endroit décisif pour notre espèce), posons qu'il soit dit dans une donation entrevifs, JE DONNE A UN TEL ET A SES ENFANS A NAITRE cela formera-t-il un fideicommis en faveur des enfans à naître? Oui, car le père étant saisi par la donation, et les enfans ne pouvant l'étre, puisqu'ils n'existent pas, il en résulte nécessairement l'ordre successif. La propriété ne pouvant être en suspens, le père est propriétaire du tout, à la charge de rendre à ses enfans, s'il lui en survient.

» Et qu'on ne s'imagine pas que ce jurisconsulte ne s'explique ainsi que relativement aux dispositions antérieures à l'ordonnance du mois d'août 1747; ce qu'il ajoute à la suite immédiate du passage que l'on vient de trans crire, prouve démonstrativement le contraire : Je ne m'arrêterai pas davantage (ditil) à donner des exemples des termes qui peuvent contenir implicitement l'ordre successif; je me borne à observer qu'on ne doit supposer cet ordre successif, qu'autant qu'il ya impossibilité d'admettre la vocation par concurrence, surtout DEPUIS L'ORDONNANce des SUBSTITUTIONS, qui rejette absolument les fidéicommis par conjectures.

» Ainsi, même depuis l'ordonnance de 1747,

Ta donation entre-vifs faite à un tel et à ses enfans à naitre, renferme en faveur de ceuxci une Substitution fideicommissaire, parcequ'elle contient l'ordre successif, c'est-à-dire, le signe essentiellement caractéristique du

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» Et Vedel (sur Catellan, liv. 2, chap. 14), que le demandeur en cassation invoquait devant le tribunal d'appel, comme soutenant l'opinion contraire, dit expressément : Cette maxime que la donation au futur époux et à ses enfans, comprend les enfans comme véritables donataires, et comme appelés ordine successivo par fideicommis après leur père, a lieu, soit que la donation ait été faite par un ascendant, ou par un collatéral ou étranger, parceque les enfans qui sont compris dans la disposition, n'étant pas encore nés, ne peuvent pas concourir ni faire part.

» C'est aussi en termes généraux et comprenant le donateur ascendant comme le donateur étranger ou collatéral, que s'explique Serres, dans ses Institutions au droit français, liv. 2, tit. 7, S. 2: Lorsqu'une donation entre vifs, dit-il, est faite à une telle personne et à ses enfans nés ou à naître, dans ce cas, les enfans sont, sans contredit, regardés comme donataires en degré subordonné, et sont censés appelés à la donation, ordine successivo, après leur père.

» On sait, au surplus, que la jurisprudence du parlement de Toulouse (dans le ressort duquel est née la contestation actuelle) était aussi uniforme que constante sur l'effet de toute donation à un tel et à ses enfans à naître, d'emporter l'ordre successif, et par suite le fideicommis. Il existe, à cet égard, trois arrêts très-précis.

»

Maynard, liv. 5, chap. 91, en cite un du mois de mai 1578, rendu à son rapport, par lequel il a été juge, conformément à la doctrine du docteur Étienne Bertrandi, tome 3, conseil 176, donationem factam filio favore matrimonii et filiis suis descendentibus ex matrimonio, intelligi ordine successivo.

» Il est vrai que, dans cette espèce, la donation avait été faite par un ascendant; mais ce n'est point là ce qui a déterminé l'arrêt. L'arrêt n'a eu pour motif que cette maxime établie par Maynard, au commencement du chapitre cité, que, de droit, les Substitutions fideicommissaires sont faites, induites, présupposées et ramenées à l'effet, non seulement par paroles expresses et formelles, mais encore par clauses et paroles laissées, envelop. pées et entrelacées, par lesquelles la volonté du testateur, quant à ce, soit quasi déclarée, conjecturée et manifestée. Et il est inutile d'observer que cette maxime s'applique aussi bien à la donation faite par un étranger ou par un collateral, qu'à la donation faite par

un ascendant.

» Un autre arrêt non moins formel est celui que rapporte Catellan, liv. 2, chap. 14,

sous la date du 15 mai 1648. Voici les termes de ce magistrat : La donation au futur époux et à ses enfans, comprend les enfans comme véritablement donataires et comme étant appelés ordine successivo, pour recueillir la donation après leur père, et contient un fidéicommis en leur faveur.... C'est ainsi que cette question fut décidée (au parlement de Toulouse) le 15 mai 1648. Un père mariant Jean, son fils, donne dans le contrat de mariage certains biens au futur époux ET A SES ENFANS. Un oncle fait aussi certaines donations à ce futur époux et à ses enfans. Jean ayant eu de ce mariage Bernard et Françoise, mariant Bernard, lui donne la moitié de ses biens, et promet de l'instituer en l'autre moitié. Après la mort de Jean, Françoise, sa fille, fait instance contre Bernard, son frère, en délaissement de la moitié des biens donnés à Jean, son père, et dit que la donation étant faite à Jean et à ses enfans, contient une Substitution fidéicommissaire en faveur de tous les enfans qui sont tous appelés par égales portions. Au contraire, Bernard répliquait que la donation faite à Jean, son père, et à ses enfans, ne contenait en faveur des enfans de Jean, qu'une Substitution vulgaire, qui avait expiré en la personne du père, lequel, ayant survécu aux donateurs, avait recueilli l'effet de la donation. Jugeant ce procès, on convint que, si, dans un testament, la libéralité était faite à Jean et à ses enfans, il y aurait seulement une substitution vulgaire ; mais qu'étant question d'une dona tion entre-vifs, faite à celui qui se marie, et à ses enfans à naître, elle ne pouvait contenir qu'une Substitution fideicommissaire.

» Qu'oppose à cet arrêt le demandeur en cassation? Une seule chose : c'est que la donation qui en était l'objet, avait été faite par un ascendant. Mais il ne fait pas attention que, dans cette espèce, il y avait deux donations, l'une émanée du père du futur époux, l'autre faite à celui-ci par son oncle, et que toutes deux ont été jugées contenir fideicommis en faveur des enfans à naître. Cet arrêt a donc bien nettement rejeté la distinction imaginée par le demandeur.

» Le troisième arrêt que nous avons annoncé, est du 30 août 1706; il est rapporté dans le Journal du palais de Toulouse,tome 3, page 245, par Dejuin, l'un des juges qui ont concouru à le rendre.

» Le 30 août 1647, Jean Meilhac premier donne, par contrat de mariage, à Jean Meilhac second, son fils, ET AUX ENFANS QUI SERONT PROCRÉÉS DUDIT MARIAGE, la moitié de ses biens |préscns et à venir, et l'autre moitié, à la fin

de ses jours, pour desdits biens pouvoir faire et disposer par ledit Meilhac fils et donataire, comme de sa chose propre, tant à la vie qu'en la mort.

» Question de savoir si cette clause renferme une Substitution fideicommissaire. Sentence de la sénéchaussée de Nîmes qui juge pour la négative. Appel par Jean Meilhac troisième. Il se fonde sur ce que la donation n'était pas faite seulement à Jean Meilhac second, mais encore à ses enfans; et il cite Catellan, Maynard et Dumoulin. Jugeant ce grief (dit le magistrat cité), on est convenu que la clause de donation faite au père et aux enfans, contient un fidéicommis en faveur des enfans, quand on ne peut pas présumer le contraire par une clause subséquente; or, dans cette espèce, on a cru que la faculté accordée au donataire de disposer des biens donnés comme de sa chose propre, tant en la vie qu'en la mort, faisait présumer que le donateur n'avait pas prétendu faire un fidéicommis. Il a donc passé à débouter Jean Meilhac de son grief, et en même temps de la demande en ouverture de la substitution; cependant la chose a souffert grande difficulté, plusieurs des juges regardant cette dernière < clause comme une clause de style.

» Voilà qui prouve bien clairement, et que le parlement de Toulouse tenait invariablement à la maxime dont il est ici question, et que cette maxime n'admettait, dans sa jurisprudence, aucune distinction entre le donateur ascendant et le donateur étranger ou collateral; car Dejuin ne distingue nullement entre l'un et l'autre ; il parle, au contraire, de la manière la plus générale, quand il dit qu'on est convenu que la clause de donation faite au père et aux enfans, contient un fideicommis en faveur des enfans.

» Mais, dit-on, il y a dans le recueil de Cambolas, liv. 3, chap. 49, des arrêts du parlement de Toulouse même, qui décident que la donation en faveur d'un mariage et des enfans à naitre de ce mariage, ne contient pas de Substitution fideicommissaire en faveur de ceux-ci.

» Oui, ces arrêts existent: mais on aurait bien dû, en les citant d'après Cambolas, remarquer avec ce magistrat, qu'il en est autrement quand la donation est faite expressément aux enfans, c'est-à-dire, non seulement en leur faveur, mais à eux.

» En effet, dit Serres, à l'endroit ci-dessus indiqué, il ne faut pas confondre le cas où une donation est faite en contrat de mariage au futur époux et à ses enfans à naître, avec le cas où la donation est faite au futur époux

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