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l'article Héritier, §. 7, ce que m'a écrit sur le premier objet le doyen des avocats de Nevers; voici ce que contient la même lettre par rapport au second:

« Sur la seconde question, concernant la substitution d'héritier par testament, soit à la suite d'une institution d'héritier, soit sans institution précédente, je pense également qu'elle doit avoir son exécution pour tout ce dont le testateur avait droit de disposer, sui. vant l'art. 1er du même chapitre des testamens et des codicilles de notre coutume.

» Et comment pourrait-on être d'un avis contraire, lorsqu'il est constant que, dans tous les cas, la substitution est ou une institution, ou une condition et une charge de l'institution, et qu'il est certain qu'on peut imposer à sa libéralité et à tout ce dont on peut disposer, telles charges qu'on juge à propos, et que tout dépend de la volonté du testateur? J'ai vu nombre de substitutions de l'une et l'autre espèce par testament; jamais aucune n'a été contredite ni attaquée, sinon pour les retranchemens et distractions dont les dispositions testamentaires sont susceptibles. Tel fut toujours notre usage, notre jurisprudence: voilà ce que je puis at

tester ».

Cet usage, cette jurisprudence doivent sans contredit l'emporter sur l'avis de M. Guyot de Sainte-Hélène, qui, au surplus, n'est fondé que sur une interprétation inexacte des termes ni autrement. Ces termes ne signifient pas qu'une substitution ne vaut, ni comme telle, ni à tout autre titre; mais bien qu'on ne peut substituer, soit par testament, soit par un autre acte. Le seul contexte de l'art. 10 prouve que le rédacteur n'a pas voulu dire autre chose, et cela ne touche nullement à la question de savoir si une substitution d'héritier, nulle comme telle, doit ou ne doit pas être exécutée, soit comme legs, si elle est faite par testament, soit comme donation simple, si elle est faite par un acte entre-vifs.

S. II. Quel est l'effet des conjectures dans les Substitutions fideicommissaires faites avant l'o. donnance du mois d'août 1747?

Cette question, et une autre qui est indiquée sous les mots Rente constituée, S. 4, sont traitées dans le plaidoyer suivant, que j'ai prononcé à l'audience de la cour de cassation, section des requêtes, le 11 ventóse an 11, sur le recours formé par la veuve d'Anselme-Albéric Bourdon, contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, du 24 floréal

an 10, rendu en faveur du sieur et de la dame Franqueville :

«La demanderesse attaque, comme contraire à l'ordonnance du mois d'août 1747, comme violant la loi du testament, et comme renfermant un excès de pouvoir, la disposition du jugement du tribunal d'appel de Douai, du 24 floréal an 10, qui la déboute de sa prétention au tiers des rentes échues à Amé Bourdon, son beau-père, par le partage fait entre lui et son frère aîné, le 7 août 1746.

» Pour bien apprécier les moyens de cassation qui vous sont proposés à cet égard, il importe de nous fixer exactement sur les faits.

» La demanderesse, en vertu de l'entravestissement par lettres ou don mutuel, qui avait été passé à Arras, entre elle et AnselmeAlberic-François Bourdon, son mari, le 17 septembre 1790, est devenue, par le décès de celui-ci, arrivé le 1er octobre 1792, proprié taire de toutes les rentes réputées meubles, dont il avait lui-même la libre propriété.

» Par la coutume d'Arras, les rentes constituées sont rangées dans la classe des effets mobiliers; et comme c'est la loi du domicile du créancier d'une rente qui en détermine la nature par rapport à lui, nul doute qu'Anselme Albéric-François Bourdon n'ait possédé comme meubles, les rentes qui étaient échues à Amé Bourdon, son père, par le partage du 7 août 1646, et que ce dernier lui avait cnsuite transmises.

» Nul doute par conséquent que, si ces rentes n'étaient grevées, dans sa personne, d'aucune de ces Substitutions fideicommissaires qui n'ont été abolies que par la loi du 14 novembre 1792, c'est-à-dire, six semaines après sa mort, il ne les ait transmises en pleine propriété à la demanderesse.

» Mais aussi, nul doute que la demanderesse ne soit sans droit à ces rentes, si elles n'étaient possédées par son mari, qu'à la charge d'une substitution.

» Ainsi, ces rentes étaient-elles ou n'é

taient-elles pas fideicommissées dans la personne du mari de la demanderesse? Voilà toute la question.

» Vous vous rappelez qu'Anselme AlbéricFrançois Bourdon, mari de la demanderesse, était né d'un premier mariage d'Amé Bourdon, et que celui-ci avait eu d'un second mariage deux autres enfans, François-Norbert Bourdon et la dame Franqueville. Vous vous rappelez encore qu'Amé Bourdon était le frère puîné de François Bourdon d'Haucourt, et que le père commun de l'un et de l'autre était Jean-Jérôme Bourdon. Vous savez enfin,

que c'est de Jean-Jérôme Bourdon que proviennent les rentes litigieuses, et que c'est par un testament du 31 janvier 1742, qu'il en a disposé entre ses deux fils. C'est donc à ce testament que nous devons nous attacher, pour savoir si Jean-Jérôme Bourdon a voulu qu'elles fussent grevées de fideicommis dans la personne de son petit-fils Anselme-AlbericFrançois, mari de la demanderesse.

>> Ce testament contient, par rapport aux rentes dont Jean-Jérôme Bourdon était propriétaire, deux dispositions qu'il faut bien distinguer.

» Jean-Jérôme Bourdon avait des rentes sur le domaine de la ville de Cambrai ; il en avait d'autres sur différens particuliers.

» Par une première disposition, divisée en deux clauses qui présentent le même résultat, Jean-Jérôme Bourdon donne par préciput à Ame Bourdon, son fils puiné, ses rentes sur le domaine et celle qu'il avait sur Hilarion Lechien, pour appartenir, après son décès, à ses enfans de son second mariage, que je fais (dit-il ) héritiers les uns des autres; voulant qu'à leur défaut, lesdites rentes succèdent et retournent à Anselme-Albéric-François, mon petit-fils, leur frère de père; et en cas qu'il meure sans enfans, à mon fils aîné d'Haucourt.

» Cette première disposition, comme le remarque très-bien la demanderesse, en présente plusieurs qu'il est essentiel de bien saisir. 10 Legs au profit d'Amé Bourdon, des rentes sur le domaine de la ville de Cambrai et sur Hilarion Lechien; 2o charge de substitution immédiate au profit des enfans du second lit seulement; 30 substitution récipro que de ces mêmes enfans entre eux; 4° éventuellement, et au défaut des enfans du second lit, ses frères et sœurs consanguins, AnselmeAlbéric-François Bourdon, mari de la demanderesse, est appelé à recueillir le fideicommis; 5o enfin, dans le cas de décès d'AnselmeAlberic-François Bourdon, sans enfans, celui ci est chargé de transmettre le fideicommis éventuel à son oncle François Bourdon-d'Haucourt.

» Vient ensuite la seconde disposition, dans laquelle sont comprises les autres rentes du testateur; et voici dans quels termes elle est conçue Je veux que toutes les autres rentes que celles ci-dessus qui tomberont à mon fils Amé, dans le partage qui en sera fait entre lui et mon fils François d'Haucourt, tiennent nature d'immeubles, et appartiennent après sa mort à ses enfans, tant du premier que du second lit, et soient assujéties aux conditions que j'ordonne pour celles du domaine et celle due par Lechien.

» Ici, comme vous le voyez, le testateur fideicommisse encore, dans la personne de son fils Amé, les rentes qu'il lui laisse; mais ce n'est pas seulement en faveur de ses enfans du second lit, c'est aussi en faveur d'AnselmeAlbérie-François Bourdon, son fils de premières noces.

» Voilà donc une substitution à laquelle Anselme-Albéric François Bourdon est appelé concurremment avec son frère et sa sœur consanguins, François-Norbert Bourdon et la dame Franqueville.

» Mais qu'arrivera-t-il, si, après avoir recueilli leur part dans cette substitution, François-Norbert Bourdon et la dame Franqueville, enfans du second lit d'Amé Bourdon, viennent à mourir sans enfans? Indubitablement, la part de chacun d'eux dans les rentes fideicommissées, retournera à AnselmeAlbéric François Bourdon, leur frère consanguin. Cela résulte de la clause qui termine cette disposition fideicommissaire et soient⚫ assujéties aux conditions que j'ordonne pour celles du domaine et celle due par Lechien.

:

» Que, si, au contraire, les enfans du second lit survivent au fils du premier, et que celui-ci ne laisse pas d'enfans, que deviendra sa part dans les rentes fidéicommissées? Elle retournera, suivant le jugement du tribunal d'appel de Douai, aux enfans du second lit, parcequ'étant assujéties aux conditions ordonnées pour les rentes dues par le domaine et par Lechien, elles se trouvent frappées de la clause de la première disposition, qui rend les appelés à celles-ci héritiers les uns des autres; et par conséquent cette clause leur devient commune dans toute son étendue.

» Mais, s'il en faut croire la demanderesse, les simples lumièreș de la droite raison devaient conduire le tribunal d'appel de Douai à un jugement tout oppose. Une disposition, dit-elle, qui renvoie à une autre, ne l'aug、 mente point, elle n'y ajoute rien; seulement elle en fait l'application, elle la rend commune au cas pour lequel ce renvoi est fait. Or, par la première disposition à laquelle renvoic la seconde, Anselme-Albéric-François Bourdon n'était grevé de rien envers les enfans du second mariage de son père; il ne l'était qu'envers son oncle François Bourdond'Haucourt. La seconde disposition ne le grève donc également qu'envers ce dernier : elle ne le grève donc pas envers ses frères et sœurs consanguins. Et comme François Bourdond'Haucourt était mort avant lui, il est clair qu'il est lui-même décédé propriétaire libre de la portion des rentes dont il s'agit. Le tribunal d'appel de Douai a donc crée, en fa

veur des enfans du second lit, une substitution qui n'existait pas.

» Il faut convenir que ce raisonnement a quelque chose de spécieux. Cependant si nous saisissons bien l'esprit des deux dispositions du testateur, il sera difficile de ne pas recon. naitre que le tribunal d'appel de Douai a bien jugé.

» Sans doute, par la première disposition, par celle qui concerne les rentes dues par le domaine et par Hilarion Lechien, AnselmeAlbéric-François Bourdon n'est grevé qu'en faveur de son oncle, François Bourdond'Haucourt; il ne l'est pas en faveur de ses frère et sœur consanguins. Mais pourquoi? Parcequ'il n'est appelé qu'au défaut de ceuxci; parceque ses frère et sœur consanguins sont seuls appelés aux rentes dues par le domaine et par Hilarion Lechien ; parcequ'il ne peut pas être grevé en leur faveur, d'objets auxquels il n'aura droit que par la transmission qu'ils lui en auront faite par le décès de chacun d'eux.

» Mais, par la seconde disposition, il est ap pelé aux autres rentes concurremment avec ses frère et sœur consanguins. Il ne serait donc pas étonnant qu'il fût grevé en leur faveur, comme ils le sont à son profit ; et il ne s'agit plus que de savoir si telle a été l'intention du substituant.

» Or, qu'a dit le substituant? Je veux que mes autres rentes appartiennent, après la mort de mon fils Amé, à ses enfans tant du premier que du second lit, et soient assujéties nux conditions que j'ordonne pour celles du domaine et celle due par Lechien. Et ces conditions, quelles sont-elles? C'est notamment, et par-dessus tout, que les appelés seront héritiers les uns des autres.

» A la vérité, les appelés à l'égard desquels la première disposition s'explique ainsi, sont les enfans du second lit seulement; mais aussi, par la seconde disposition, le fils du premier mariage est appelé comme les enfans du deuxième. Il est donc bien naturel d'appli quer, dans la seconde disposition, au fils du premier mariage, la condition que la première disposition impose aux enfans du second.

Et il y a ici une raison bien détermi nante, non seulement pour légitimer, mais même pour forcer, pour nécessiter cette application, ou, si l'on veut, cette extension.

» Certainement on ne présumera jamais que Jean-Jérome Bourdon ait voulu que, dans la succession de son petit-fils Anselme-Albéric-François, Bourdon-d'Haucourt, son oncle, pút être préféré à ses frère et sœur con

sanguins. C'est cependant à cette présomption outrageante pour la nature, que conduit directement le système de la demanderesse; car, dans ce système, Anselme Alberic François Bourdon n'étant grevé qu'en faveur de Bourdon-d'Haucourt, son oncle, il est évident que, si Bourdon-d'Haucourt ne fût pas mort avant lui, il eût succédé aux rentes litigieuses, à l'exclusion de Norbert-François Bourdon et de la dame Franqueville.

» Et peut-il entrer dans la pensée d'un homme raisonnable, que le testateur, après avoir témoigné une affection si particulière pour les enfans du second mariage de son fils Amé, en les appelant seuls au fideicom. mis dont il le grevait par rapport aux rentes comprises dans sa première disposition, ait ensuite cherché à les exclure pour toujours de la portion de ses autres rentes à laquelle il appelait leur frère consanguin Anselme-Albéric-François? Peut-il entrer dans la pensée d'un homme raisonnable, qu'il ait voulu faire passer cette portion de rentes à un oncle d'Anselme-Albéric-François, dans le cas où celui-ci eût laissé un frère et une sœur, un frère et une sœur qui devraient lui être plus chers qu'un oncle, un frère et une sœur que le testateur lui-même avait signalés comme ses enfans de prédilection?

» Nous osons le dire, le tribunal d'appel de Douai n'aurait pas pu juger autrement qu'il l'a fait, sans fouler aux pieds l'intention manifeste du testateur.

» Mais, au surplus, quand cette intention ne serait pas aussi évidente, quand le tribunal d'appel de Douai aurait suppléé, par une conjecture plus ou moins probable, à l'expression littérale d'un fideicommis en faveur des frère et sœur consanguins du mari de la demanderesse, aurait-il, pour cela, comme on le prétend, violé les dispositions de l'ordonnance du mois d'août 1747?

» C'est demander, en d'autres termes, s'il a dû appliquer l'ordonnance de 1747 à un testament fait en 1742, c'est-à-dire, s'il a dû violer l'art. 55 du tit. 2 de cette ordonnance elle-même, qui refuse expressément tout effet rétroactif à celles de ces dispositions qui concernent la validité ou l'interprétation des actes portant substitution.

» Du reste, qui est-ce qui ignore que les lois romaines, les seules qui, avant l'ordonnance de 1747, régissaient la ville de Cambrai, en matière de substitutions, donnaient aux conjectures, dans les fideicommis, la plus grande latitude? Qui est-ce qui ignore que la Joi 7, C. de fideicommissis, laissait entièrement à l'arbitrage du juge, la question de

savoir si l'intention de faire un fidéicommis était suffisamment annoncée? Voluntatis defuncti quæstio in æstimatione judicis est : tels étaient les termes de cette loi. Les lois 64, D. de legatis 2o, et 57, §. 1, D. ad trebel. lianum, portaient la même chose; et la première en donnait cette raison: c'est, disaitelle, qu'il ne s'agit, en cette matière, que de chercher une volonté purement précaire : In causá fideicommissi, utcumque precaria voluntas quæritur, conjectura potuit admitti. Aussi Cujas, tome 1er, page 390, ne manquet-il pas d'observer, d'après ces textes, que, in causá fideicommissariæ substitutionis, conjectura voluntatis sufficit, etiamsi verba non sufficiant.

» Et qu'on ne vienne pas nous opposer l'art. 17 de l'édit perpétuel de 1611, qui, devançant à cet égard l'ordonnance de 1747, a voulu, pour les provinces belgiques, que les testateurs qui voudraient faire des substitutions, expliquassent clairement par instrument qu'ils en feraient dresser, leurs volontés et intentions, lesquelles voulons, a-t il ajouté, être PONCTUELLEMENT suivies. Ce n'est pas dans une des provinces belgiques, qu'a été fait le testament dont il est ici question. Il a été fait à Cambrai; et vous savez qu'avant les conquêtes de Louis XIV, la ci-devant province de Cambrésis était, comme le pays de Liége, une portion intégrante de l'empire d'Allemagne; que les appels des jugemens rendus par les tribunaux de cette contrée, se portaient, non à Bruxelles, non à Malines, mais à la chambre impériale de Spire, ainsi que le déclare expressément la coutume, tit. 27, art. 2; et qu'enfin, jamais l'édit perpétuel de 1611 n'a fait loi dans le ci-devant Cambrésis (1).

» Et, après tout, il ne faut pas croire que l'édit de 1611 ni même l'ordonnance de 1747 aient proscrit toutes les conjectures dans les fideicommis. L'édit de 1611 donne lui-même la preuve du contraire, en déclarant, art. 8, que les enfans mis dans la condition, seront, par cela seul, censés appelés; et l'ordonnance de 1747, tout en proscrivant pour l'avenir cette interprétation, l'a néanmoins consacrée pour le cas où les enfans placés dans la condition, seraient chargés de restituer à d'autres. Preuve evidente, dit Thevenot-d'Essaules, dans son Traité des Substitutions Fideicommissaires, page 92, que, même depuis l'ordonnance de 1747, il ne faut pas, pour ad

(1) Cette assertion est-elle bien exacte? . l'article Secondes noces, S. 4.

mettre ou pour étendre les fideicommis, une disposition littérale et expresse; que la preuve tacite et par induction suffit encore, et que cette preuve se rencontre toutes les fois que l'induction et évidente est inévitable.

» Or, dans notre espèce, nous avons démontré que, du testament de Jean-Jérome Bourdon, du 31 janvier 1742, il sort une induction évidente et inévitable que son intention a été de grever le mari de la demanderesse envers ses frère et sœur consanguins. Il a donc été, sous tous les rapports, bien jugé par la disposition du jugement attaqué qui déboute la demanderesse de sa prétention au tiers des rentes échues à Amé Bourdon, par le partage fait entre lui et François Bourdond'Haucourt, son frère aîné, le 7 août 1746.

Jean

» Les mêmes raisons justifient la disposition de ce jugement, qui concerne deux capitaux, l'un de 4,500, l'autre de 2,500 florins, réclamés par la demanderesse, et que Jérôme Bourdon avait fidéicommissés dans les mêmes termes que les rentes dont nous venons de parler.

» Il en est encore de même, sous le rapport du fideicommis, d'un autre capital de 10,000 florins, que Jean-Jérôme Bourdon avait promis à son fils Amé, par le contrat de son premier mariage.

» Mais la demanderesse attaque encore par un autre moyen, la disposition du jugement du tribunal d'appel, qui rejette sa prétention à ce capital; et pour apprécier ce moyen, il faut nous reporter au contrat du premier mariage même d'Amé Bourdon, ainsi qu'au testament de Jean-Jérôme Bourdon, son père.

» Jean-Jérôme Bourdon, en mariant son fils Amé, le 7 octobre 1722, avec la demoiselle Delacharité, mère du mari de la demanderesse, s'oblige, par un acte séparé, de lui payer, sitót le mariage consommé, la somme de 10,000 florins une fois, pour faire partie de son portement, terme du pays qui répond à celui d'apport.

» Ensuite, par le contrat de mariage passé le même jour et au même instant, il est dit : A l'égard des portemens de l'un et de l'autre des futurs marians, iceux ont déclaré en être apaisés et de s'en tenir pour contens, notam. ment de la promesse faite à cet instant au futur mariant, par ledit sieur Bourdon, pardevant les notaires soussignés en dehors, pour ne faire qu'un avec le présent acte, sans vouloir qu'il en soit fait aucune autre spécification plus particulière.

» Le contrat de mariage ajoute : Les biens

des futurs marians, tant en fonds de terres, maisons, que lettres de rentes héritières qui leur appartiennent actuellement, ensemble ceux de même nature qui leur écherront et succéderont pendant leur conjonction, où ils soient situés et assis, sortiront nature de propres à eux et aux leurs de leur côté et ligne, non à l'effet d'induire de là aucune substitu tion, mais seulement pour empêcher que le survivant ne puisse succéder, jouir ni autrement profiter de ceux que délaissera le premier mourant, ni même devenir héritier de ses enfans, quant à ce.

» Ce contrat, comme vous le voyez, distingue deux choses, les apports des futurs époux et leurs propres.

» Les apports ne sont pas spécifiés; seulement on voit par l'acte séparé du même jour, que celui d'Amé Bourdon était de 10,000 florins. Mais observons bien que cette somme de 10.000 florins doit être payée à Amé Bourdon immédiatement après la célébration du mariage. Ainsi, ce n'est pas une rente que son père lui constitue à raison de cette somme, c'est un capital exigible qu'il lui promet. Et de là il suit nécessairement qu'on ne peut pas appliquer à cette somme de 10,000 florins, la clause par laquelle il est stipulé que les rentes dont chacun des futurs époux se trouvera propriétaire au moment du mariage, lui tiendront nature de propres à lui et aux siens de son côté et ligne. On voit, à la vérité, par le testament de Jean-Jérôme Bourdon, du 31 janvier 1742, qu'à cette époque, la somme de 10,000 florins n'était pas encore payée en entier à Amé Bourdon, et que son père lui faisait la rente de ce qui en restait dú. Mais est-ce à dire pour cela que les 10,000 florins avaient été constitués en rente, et surtout qu'ils l'avaient été dès le moment de la célébration du mariage d'Amé Bourdon? Non; il en résulte seulement que Jean-Jérôme Bourdon, se trouvant gêné, avait engagé son fils à lui accorder des facilités pour se libérer envers lui, et que, pour l'indemniser du retard qu'il lui faisait éprouver dans la jouissance de son capital, il lui en avait payé les intérêts. Ce qui restait dû des 10,000 florins à l'époque du décès de Jean-Jérôme Bourdon, père d'Amé, ne formait donc pas dans les mains de celui-ci une rente constituée, mais une somme véritablement exigible.

» Il est vrai que, par son testament, JeanJérôme Bourdon défend à son fils Amé d'exiger de son frère François d'Haucourt, le remboursement de cette somme; mais cette défense elle-même prouve que, par soi, cette somme était exigible, c'est-à-dire, qu'elle

avait jusqu'alors conservé son caractère primitif de simple créance.

sant

Cependant la demanderesse, en suppo. que c'était une rente qui avait été constituée à Amé Bourdon par l'acte du 7 octobre 1722, c'est-à-dire, par le contrat de son premier mariage, prétend que les 10,000 florins ont dû, dans la succession de celui-ci, appartenir par préciput à son fils de premières noces, Anselme - Albéric - François; et voici comment elle raisonne :

» Par l'art. 20 du tit. 22 de la coutume de Cambrai, les terres, maisons et héritages de mainferme portés au premier et noble mariage, ou au jour d'icelui échus, sont de telle nature qu'aux enfans dudit mariage, en doit succéder et appartenir la juste moitié, tant du côté paternel que maternel hors part; et en l'autre moitié lesdits enfans doivent partir tête à tête avec les autres enfans des autres mariages subséquens. Or, dit la demanderesse, la rente de 10,000 florins en capital, qui a formé l'apport du père de mon mari lors de son premier mariage, devait, aux termes de ses conventions matrimoniales, lui tenir nature de propre à lui et aux siens de son côté et ligne; elle était donc, par cela seul, réputée héritage; et dès-là, elle a dû, dans la succession de mon beau-père, suivre le sort des héritages portés au premier et noble mariage; elle a dû par conséquent lui appartenir pour moitié par préciput, et il a dû encore prendre le tiers de l'autre moitié à l'encontre de son frère et de sa sœur consanguins.

» Nous nous persuaderions difficilement que la demanderesse ait compté sérieusement, devant le tribunal d'appel, sur le succès d'une pareille prétention; et ce qui nous étonne, c'est de la lui voir reproduire devant

vous.

» Car enfin, pour que le tribunal d'appel de Douai eût, comme elle le soutient, violé l'art. 20 du tit. 22 de la coutume de Cambrai, il faudrait deux choses : la première, que le capital de 10,000 florins dont il s'agit, eût lors de son premier mariage, une rente consformé, dans la personne d'Amé Bourdon, tituée; la seconde, que les rentes constituées fussent comprises dans la disposition de la

coutume.

» Or, d'une part, il est bien démontré qu'Amé Bourdon n'a pas apporté à son premier mariage, une rente de 10,000 florins en capital, mais bien un capital exigible de 10,000 florins.

» D'un autre côté, l'art. 20 du tit. 22 de la coutume de Cambrai ne parle que des terres,

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