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du décret du 8 septembre 1882, visé par l'arrêté, trouve sa sanction dans les pénalités de ce décret; Que, par suite, l'arrêt a pu déclarer applicables à Blandin pour les infractions commises à l'arrêté du 29 janvier, les peines de la récidive et de la confiscation prévues par les art. 52 et 54 du décret du 8 septembre 1882;

Mais sur le troisième moyen, pris de la fausse application de l'art. 24 dudit décret, en ce que la récidive ne serait pas justifiée en fait :

Vu ledit article ; Attendu que, pour déclarer Blandin en état de récidive, l'arrêt, en adoptant les motifs des premiers juges, s'est borné à déclarer que Blandin avait été condamné le 29 août 1885, par le tribunal correctionnel de la Basse-Terre,à 2.000 fr. d'amende, sans faire connaître la cause de cette condamnation antérieure, alors que l'art. 54 du décret susvisé, en prévoyant une récidive spéciale, suppose que la condamnation prononcée antérieurement est de même nature que la condamnation qui entraîne la peine de la récidive; Qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel de la Guadeloupe n'a pas permis à la cour de cassation de vérifier si la peine de la récidive avait été légalement appliquée à Blandin;

Par ces motifs, casse etc.

DU 27 DÉCEMBRE 1895. C. cass. Ch. crim.

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MM. Loew, pr.; Sauvel, av.

ART. 3793.

JOURNAL, DROIT de RÉPONSE, ÉDITIONS DISTINCTES.

Le droit de réponse qui appartient à la personne désignée dans un journal n'étant que l'exercice et la sanction du droit de légitime défense, la mesure de ce dernier droit doit être réglée sur celle de l'attaque. Dès lors, la personne désignée dans la première édition d'un journal ne peut exiger l'insertion de sa réponse que dans cette première édition, et non dans la seconde (L. 29 juill. 1881, art. 13).

(DE LAFFITTE C. La Croix de Lot-et-Garonne). ARRÊT.

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LA COUR; Attendu qu'après une polémique qui durait depuis le 2 juillet 1893, dans presque tous ses numéros hebdomadaires, entre la Croix de Lot-et-Garonne et M. de Laffitte délégué cantonal d'Astaffort, ce journal annonçait le 19 novembre, que, dorénavant, il aurait deux. éditions, l'une départementale comme depuis sa fondation, l'autre cantonale dite d'Astaffort, et que, dans cette dernière seule, seraient publiés les articles où serait désigné M. de Laffitte, et les répliques de celui-ci ; Qu'en effet, dès ce jour, les deux éditions donnaient une lettre de M. de Laffitte répondant à des articles précédemment publiés,

et l'édition d'Astaffort contenait seule une riposte du journal à cette lettre; Que, de même, le 26 novembre, les deux éditions inséraient une lettre de M. de Laffitte répondant à des articles du 22 octobre, et l'édition d'Astaffort seule faisait connaître la réplique du journal à cette lettre; que M. de Laffitte ayant répondu à ces riposte et réplique des 19 et 26 novembre, ses réponses n'ont été reproduites que dans l'édition d'Astaffort des 3 et 10 décembre; que M. de Laffitte, prétendant qu'elles auraient dû l'être dans toutes les éditions du journal, et ayant vainement sommé qu'elles le fussent, a poursuivi la Croix de Lot-elGaronne devant le tribunal correctionnel d'Agen pour violation de l'art. 13 de la loi votée, le 29 juillet 1881, sous ce titre voulu qui est déjà une règle d'interprétation, de: loi sur la liberté de la presse ;

Qu'il n'a point été allégué sérieusement que les riposte et réplique donnant lieu aux susdites réponses aient été insérées dans d'autres exemplaires que ceux envoyés de Tonneins, lieu de l'impression, dans le canton d'Astaffort, comme constituant l'édition dite de cette localité; que, dans les conclusions mêmes prises devant la cour, on se contente d'écrire que la Croix de Lot-et-Garonne pouvait se livrer à cette fraude, sans demander à prouver qu'elle l'ait fait ;

Attendu qu'aucune de nos nombreuses lois sur la presse n'a jamais prêté son appui, en ce qu'elle a d'absolu dans sa formule, à cette affirmation de l'exploit introductif d'instance: que la polémique ayant été liée avec un journal, les réponses doivent y être insérées dans les mêmes conditions qu'au début; et que les mêmes lecteurs auxquels on s'adressait en commençant, doivent être ceux auxquels on s'adresse tant que dure la polémique; - Que nulle part le législateur n'a organisé un droit à polémique; qu'il n'a créé qu'un droit de réponse à un article où l'on est nommé ou désigné, droit qui n'a pas d'existence continue, s'épuise par son usage même, meurt et ne renaît que lorsqu'une nouvelle désignation, ne dépendant que de la volonté du journal, lui permet un retour à la vie ;

Que toute la question du procès est donc de savoir si ce journal, libre d'étouffer à jamais la voix d'un adversaire, en ne le nommant pas, peut l'obliger à ne se faire entendre que d'une catégorie de ses lecteurs, en ne le désignant que devant elle;

Attendu que le droit de réponse n'étant que l'exercice et la sanction du droit de légitime défense, la mesure de ce dernier droit doit être réglée sur celle de l'attaque, tout comme, en d'autres matières, l'excuse tirée de la provocation est plus ou moins étendue, suivant la gravité de celleci; que si l'attaque a été générale, la défense doit être générale, que si l'attaque a été circonscrite, la défense peut être circonscrite ;

Qu'il est à remarquer que la solution de la question soulevée par la partie civile ne serait point douteuse, si la Croix de Lot-et-Garonne, exagérant le procédé imaginé par elle, eût créé, au lieu d'une édition d'As

taffort, une édition qu'elle eût nettement appelée édition de M. de Laffitte, et dont elle eût réduit la publicité à un seul exemplaire envoyé à celui-ci, avec avis qu'il ne serait plus désigné que dans l'édition portant son nom, et que là seulement seraient reproduites ses réponses ; que la solution de la même question ne peut devenir plus douteuse, parce qu'au lieu d'une édition spéciale à un seul exemplaire, il en a été créé une à deux ou trois cents;

Attendu que M. de Laffitte a contesté que le dédoublement, à un instant opéré par la Croix de Lot-et-Garonne, ait jamais eu le caractère de création d'une seconde édition, mais que les justifications faites à la Cour, et notamment la production du registre sur lequel le gérant de ce journal fait inscrire le récépissé des dépôts qu'il opère à la mairie de Tonneins, doivent faire repousser cette prétention, et permettent de constater, comme point acquis aux débats, que, depuis le 19 novembre 1893, la Croix de Lot-et-Garonne est devenue, de fait et d'intention, un journal à deux éditions indépendantes ;

Qu'il ne serait pas exact de considérer chaque livraison de deux éditions différentes d'une feuille périodique, comme ne constituant qu'un unique exemplaire en duplicata d'un journal, alors même que chaque tirage quotidien, comme à la Croix de Lot-et-Garonne, imprime sous un identique numéro ou chiffre d'ordre, deux compositions typographiques peu dissemblables; qu'il faut forcément voir, dans les deux éditions, ou deux numéros et exemplaires différents d'un seul journal, ou deux journaux différents sous un même titre, avec sous-titre particulier; Que c'est dans l'hypothèse de deux feuilles ou livraisons distinctes d'un seul journal, pour parler le langage de l'art. 10 de la loi du 29 juillet 1881, relatif au dépôt, que se sont placés, de tout temps, le parquet et l'administration, en exigeant autant de dépôts que d'éditions, sans prétendre, suivant les époques, à autant d'autorisations préalables, de cautionnements ou de déclarations préalables;

Que si l'on considère deux éditions d'une feuille périodique, comme ne constituant que deux numéros distincts d'un seul journal, le vœu de la loi que les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal soient insérées à la même place et en mêmes caractères que l'article qui aura provoqué cette insertion, a été rempli par la Croix de Lot-etGaronne ;

Qu'il a suffi, pour qu'il le fût, que les articles provocateurs ayant été publiés à un certain endroit d'une édition spéciale, c'est-à-dire dans une série nettement déterminée d'exemplaires identiques entre eux, mais différents de ceux d'une autre édition plus générale, les réponses fussent, à leur tour, insérées dans des conditions typographiques analogues, au même endroit de l'édition spéciale, dans la série correspondante d'exemplaires destinés à la même catégorie de lecteurs ; autant que cela est possible pour un journal se vendant surtout, paraît-il, au

numéro; qu'en d'autres termes, les colonnes d'une édition, soit première, soit du matin, soit de telle région, soit de telle nuance, sont des places d'une feuille périodique, distinctes des pages de l'édition deuxième du soir, d'une région voisine, d'une autre couleur; et, lorsqu'attaque et réponse ont été publiées, dans une seule édition, mais dans la même, elles ont été insérées à la méme place du journal ; qu'à plus forte raison, le vœu de l'art. 13 de la loi du 29 juillet 1881 a été rempli par la Croix de Lot-et-Garonne, si l'on considère les deux éditions comme constituant deux journaux différents, sous un même titre, avec sous-titre particulier, puisqu'alors il devient incontestable qu'attaque et réponse, si elles ont été publiées, comme dans l'espèce, dans la même édition, l'ont bien été dans tous les numéros du même journal; Attendu que M. Réau n'ayant pas été obligé de se faire représenter, les frais de son avoué doivent rester à sa charge;

Par ces motifs et ceux donnés par les premiers juges, que la cour adopte, en ce qu'ils n'ont rien de contraire au présent arrêt, confirme le jugement dont est appel; - Rejette toutes les conclusions prises devant la cour, par M. de Laffitte; -- Condamne la partie civile appelante en tous les dépens, et ce, non compris les frais de l'avoué du gérant de la Croix de Lot-et-Garonne, etc.

Du 16 MARS 1895. C. d'Agen. Ch.corr. MM. Bertrand Roux, pr.;
Bruno-Lacombe, av. gén.;
Jouitou et Séré, av.

NOTA.

--

Compar., sur le principe, mon Explication pratique

de la loi du 29 juillet 1881, n. 72.

A annoter au Mémorial du Ministère public, vo Presse, n. 14 et 15.

CORRESPONDANCE

ART. 3794.

THÉATRE, REVUE, FAITS DE LA VIE PRIVÉE, IMITATION SUR LA SCÈNE,
DIFFAMATION, PRÉJUDICE, RESPONSABILITÉ CIVILE.

Monsieur le Rédacteur,

Nous avons le délit de diffamation par la voie de la presse ; devons-nous avoir aussi le délit de diffamation par la voie du théâtre ? Un petit événement qui a fait quelque bruit a donné lieu dernièrement de poser cette intéressante question.

Une jeune femme dont le mariage avait été célébré le matin et était suivi le soir d'un repas de noces, disparaissait pendant ce repas et se retirait chez une tierce personne, sa marraine, pour se soustraire à une scène scandaleuse que son mari lui faisait devant les invités. Quelque temps après, elle demandait et obtenait contre celui-ci le divorce.

Cette mésaventure, racontée à des journalistes n'avait pas tardé à être exploitée par la presse. Les auteurs d'une de ces œuvres théâtrales qui ont pris le nom de revues, parce qu'on y expose et on y critique, sous une forme plaisante, les faits curieux qui se sont produits dans le cours de l'année, ne manquèrent pas de s'en emparer pour en faire, à l'aide de quelques travestissements comiques, l'objet d'une scène de cette revue. La jeune mariée vit dans les faits que les auteurs de la pièce avaient transportés au théâtre, avec une maligne addition de détails offensants, une allusion transparente à sa situation plus digne d'exciter la pitié que de provoquer le rire, et elle intenta à ces auteurs une action en dommages-intérêts.

Pouvait-elle donner pour base à sa demande la diffamation que les défendeurs auraient commise à son égard, ou la fonder seulement sur le principe de la responsabilité civile ? Cette dernière solution a été admise par un jugement du tribunal civil de la Seine, dans lequel on lit:

<< Attendu que le fait, par un auteur, d'imputer une action déshonorante à un personnage de comédie auquel il a imprimé certains traits d'une personne vivante, ne saurait équivaloir à l'imputation dirigée contre cette personne elle-même ; que le texte de la loi répugne à une telle interprétation, non moins contraire aussi à l'esprit de ladite loi; que ce mode de mettre les vivants en scène, mode renouvelé du théâtre antique, est d'une application trop rare dans les mœurs modernes pour avoir appelé l'attention du législateur et provoqué ses sévérités comme s'il s'agissait d'un danger social; que, du reste, il eût été excessif d'assimiler, au point de vue pénal, un propos tenu sérieusement, devant dès lors engendrer créance et pouvant ruiner une réputation, à une fiction s'annonçant comme telle et portant ainsi le remède avec le mal; que le délit de diffamation ne peut donc être relevé ;

<< Mais attendu que les défendeurs n'en ont pas moins commis, à l'encontre de la demanderesse, une faute dans les termes du droit commun;

<«< Attendu que, si la publication des faits de la vie privée a cessé d'être une contravention, le repos et la tranquillité des citoyens doivent cepen

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