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bunal annula la citation pour défaut de précision, à raison de ce que les plaignants avaient omis d'indiquer le lieu où avaient été proférés les propos incriminés.

Appel de la part des époux Boizet.

ARRÊT.

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges;

Et considérant qu'aux termes de l'article 60, § 4, de la loi du 29 juillet 1881, la citation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminé, c'est-à-dire relater toutes les circonstances propres à justifier la qualification du délit reproché au prévenu;

Que l'indication du lieu dans lequel les propos diffamatoires auraient été tenus est nécessaire pour établir leur publicité; que la citation du 7 décembre 1895, donnée à la requête des époux Boizet, ne contient aucune mention relative à ce point essentiel, et que c'est à bon droit qu'elle a été déclarée nulle;

Par ces motifs, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc.

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DU 9 JUIN 1896. C. de Paris. - Ch. corr. - MM. Harel, pr. ;- Bonnet, av. gén. ; Henry, av.

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REMARQUE. On ne saurait élever le moindre doute sur l'exactitude de cette solution, à l'appui de laquelle on peut invoquer un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Amand du 29 juin 1880 (J. M. p. 23. 178). A la vérité, il a été jugé que la citation en diffamation n'est pas nulle, bien qu'elle ne fasse pas connaître, outre la date du délit, le lieu où il a été commis, mais dans une espèce où il était reconnu que les propos incriminés avaient été tenus sur la voie publique (Trib. corr. d'Angoulême, 11 février 1893, J. M. p. 36.195).

Si, pour tous les délits en général il n'est pas exigé à peine de nullité que la citation indique le lieu de la perpétration (V. Mémorial du Ministère public, vo Instruction criminelle, n. 27), il cesse d'en être ainsi lorsque, comme en matière de diffamation, la publicité étant une condition essentielle du délit, il est absolument nécessaire de connaitre le lieu où il a été perpétré, afin de savoir si cette condition se trouve remplie. Le défaut d'indication à cet égard met le prévenu dans l'impossibilité de préparer sa défense. L'omission de cette indication est alors une cause de nullité, à moins qu'il ne résulte des éléments de la cause que le prévenu n'a pu se méprendre sur le lieu du délit qui lui est imputé.

Voy. mes observations à la suite de chacun des deux jugements ci-dessus mentionnés.

A annoter au Mémorial, vo Diffamation, n. 55.

ART. 3823.

DIFFAMATION, CITOYEN CHARGÉ D'UN SERVICE OU MANDAT PUBLIC, PRÉsident de BUREAU ÉLECTORAL, VIE PUBLIQUE, VIE PRIVÉE, COMPÉTENCE, COUR D'AS

SISES.

Le citoyen chargé d'un service ou mandat public par exemple, le président d'un bureau électoral, qui a été diffamé en cette qualité, ne peut échapper à la compétence de la Cour d'assises et à la preuve devant cette juridiction des faits qui lui sont imputés, en prétendant que c'est comme personne privée qu'il a été l'objet de la diffamation, alors qu'aucun fait de sa vie privée n'est vise par l'imputation dirigée contre lui et que les actes qu'on lui impute se rapportent exclusivement à sa vie publique, comme consistant dans l'abus qu'il aurait fait de la fonction qu'il remplissait au moment où a été commise la diffamation (L. 29 juill. 1881, art. 30, 31 et 45).

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LE TRIBUNAL; Attendu que, suivant exploit du 4 mai 1896, Lacour a fait assigner Carmouse devant le tribunal correctionnel en réparation d'un délit de diffamation qui aurait été commis le 3 mai 1896, jour des élections municipales, le dit Carmouse, ayant, d'après l'assignation, accusé faussement Lacour d'avoir déposé dans l'urne électorale deux bulletins au moment où l'électeur lui livrait son bulletin de vote; que la même assignation base les poursuites sur les art. 29, 31, 30 et 32 de la loi du 29 juillet 1881;

Attendu qu'avant l'audition des témoins, Carmouse a fait déposer des conclusions tendant à être admis à prouver, conformément aux dispositions de l'art. 35 de ladite loi de 1881, la vérité des faits auxquels se rapporteraient les propos prétendus diffamatoires; que Lacour s'oppose à l'admission de ces conclusions, et qu'il y a lieu de statuer sur l'incident;

Attendu que, dans le système de la loi de 1881, lorsqu'un fonctionnaire est diffamé pour un acte de sa fonction, le diffamateur peut échapper à toute condamnation s'il prouve, devant la Cour d'assises, la vérité du fait diffamatoire ; qu'au contraire, lorsque le fonctionnaire est diffamé dans sa vie privée, le diffamateur doit être poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sans pouvoir être admis à faire la preuve de la vérité de ses allégations; que, dès lors, pour savoir si la preuve est admisși

ble dans l'espèce, il importe de rechercher et d'établir tout d'abord en quelle qualité Lacour a été ou prétend avoir été diffamé;

Attendu qu'il ressort du libellé même de l'assignation et de l'indication qui y est faite de l'art. 31 de la loi de 1881 que Lacour se prétend diffamé non pour un acte de sa vie privée, mais en sa qualité de maire ou de président du bureau électoral de Pouzac, au moment où il accomplissait l'acte même de cette fonction; qu'en cette qualité il rentre dans la nomenclature des art. 31 et 45 de la loi précitée qui défèrent à la Cour d'assises les délits de diffamation commis envers un dépositaire de l'autorité publique ou tout au moins envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent;

Attendu que de ce qui précède il résulte que si Lacour se prétendait diffamé à raison d'un acte de sa vie privée, la preuve que Carmouse demande à rapporter devrait être déclarée inadmissible; mais que le fait par Carmouse de demander à administrer une preuve qui se rapporte à un acte de l'homme public et qui ne peut être faite que devant la Cour d'assises soulève implicitement la question de compétence; que, d'ailleurs, alors même que l'exception ne serait pas soulevée, il est du devoir du tribunal de rechercher s'il a été complètement saisi ;

Attendu, à cet égard, que l'acte imputé à Lacour se rapporte à sa vie publique et à l'abus qu'il aurait fait de sa fonction ou de la qualité qu'il avait le 3 mai dernier; que l'imputation qu'il reproche à Carmouse ne vise aucun fait de sa vie privée qui puisse donner compétence au tribunal correctionnel; que si, d'une part, il a été jugé (Cour de Pau, 1er juillet 1885) qu'il ne suffit pas au diffamateur, pour changer l'ordre de compétence et pour décliner la juridiction correctionnelle, d'indiquer la fonction ou la qualité de la personne qu'il diflame et de prétendre qu'en la diffamant dans sa vie privée il a voulu atteindre le fonctionnaire ou l'homme public; d'autre part, par une juste réciprocité, il n'est pas permis au fonctionnaire de modifier la compétence en se dépouillant de sa qualité et en se prétendant diffamé comme personne privée, alors qu'il l'a été comme homme public;

Attendu dès lors que le tribunal correctionnel doit se déclarer incompétent; que la partie civile est tenue des dépens;

Par ces motifs, etc.

Du 27 JUIN 1896. Trib. corr. de Bagnères-de-Bigorre. · MM. PontDevier, pr.; Cronon et Rousse, av.

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NOTA. Compar., indépendamment de l'arrêt de la Cour de Paris du 11 juillet 1885 mentionné par le jugement ci-dessus, Trib. corr. de Toulon, 6 juillet 1883 (J. M. p. 26. 261); Grenoble, 23 mars 1888 (Id. 31.170); Orléans, 17 mars 1891 (Id. 34.117).

A annoter au Mémorial du Ministère public, vo Diffamation, n. 62.

ART. 3824

PHARMACIEN, DIPLÔME, PROPRIÉTÉ DE L'OFFICINE, TIERS,

GÉRANCE, SOCIÉTÉ.

Nul ne peut ouvrir une officine de pharmacien, s'il n'est en même temps propriétaire du fonds et muni du diplôme de pharmacien (Déclar. 25 avril 1777, art. 6; L. 21 germ. an XI, art. 25, 26 et 36).

Dès lors, il n'est pas permis à un pharmacien de faire gérer son officine par un tiers ne joignant pas à la qualité de diplômé celle de propriétaire de l'officine.

Et il est également interdit au pharmacien, qui n'est pas seul et unique propriétaire de sa pharmacie, de se réserver une part dans une société en commandite instituée pour l'exploitation de l'officine.

(MIN. PUBL. ET SYNDICAT DES PHARMACIENS C. POIRSON ET LELUC).

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LE TRIBUNAL; Attendu que, des dispositionт combinées de l'art. 6 de la déclaration royale du 25 avril 1777 et des art. 25, 26 et 36 de la loi du 21 germinal an XI, il résulte que nul ne peut ouvrir une officine de pharmacien, s'il n'est en même temps propriétaire du fonds et muni du diplôme de pharmacien ;

Attendu que ces principes, motivés par la sécurité publique et la nécessité d'une responsabilité personnelle garantissant le fonctionnement régulier et la bonne gestion de la pharmacie, sont exclusifs du droit de faire gérer une officine par une tierce personne non munie d'un diplôme qui ne joindrait pas à cette qualité celle de propriétaire ;

Attendu que, dans l'état actuel de la législation, de cette règle absolue il échet de conclure que la loi a entendu prohiber le doublement des deux qualités requises, et interdire la combinaison par laquelle le pharmacien qui n'est pas seul et unique propriétaire, s'est réservé une part dans une société en commandite instituée pour l'exploitation de l'officine;

Attendu qu'aux termes de l'art. 24 de la loi du 21 germinal an XI et de l'art. 19 du décret du 22 août 1854, les pharmaciens de deuxième classe ne peuvent ouvrir une officine que dans les départements pour lesquels ils ont été reçus et qu'il leur est interdit de s'établir ailleurs avant d'avoir obtenu un nouveau certificat d'aptitude, le titre dont ils sont munis n'ayant qu'une valeur relative complètement nulle en dehors de la circonscription pour laquelle il a été délivré ;

Attendu que la loi interdit la vente de tout médicament composé, soit en gros, soit au détail, à quiconque n'est pas muni d'un diplôme de pharmacien ;

Attendu que Poirson, pharmacien muni d'un diplôme de deuxième classe délivré par l'Ecole de pharmacie d'Amiens, lui permettant d'exercer dans le département de l'Aisne, a, en 1893, fondé avec le concours de Leluc, pharmacien diplômé de deuxième classe de l'Ecole de Paris, autorisé à exercer dans le département de la Seine, une société en commandite pour l'exploitation d'une officine située à Paris, boulevard Haussmann, 56;

Attendu qu'à la suite de modifications diverses, cette société s'est transformée, en 1894, en une société nouvélle Poirson et Cie, dite << Société des Grandes Pharmacies de France », ayant son officine principale, 13, place du Havre, et deux autres officines, l'une à Versailles, l'autre à Saint-Etienne ;

Attendu qu'aux termes de cette société, elle avait pour objet : 1o l'établissement à Levallois-Perret d'une droguerie pharmaceutique ; 2o la création ou l'achat de spécialités pharmaceutiques et eaux minérales ; 3otoutes opérations commerciales concernant l'industrie pharmaceutique, ainsi que les vins et spiritueux en général ;

Attendu que des documents de la cause, de l'instruction et des débats, il apparaît que Leluc a disparu, en fait, de la combinaison, dans laquelle il n'existe que pour servir de prête-nom à Poirson, qui est le directeur gérant et le seul maître de l'officine;

Attendu, en effet, que Leluc n'avait ni les clefs de la caisse ni la direction de la comptabilité, et que les achats faits dans la pharmacie étaient contrôlés par la délivrance de tickets, qui étaient remis chaque jour à Poirson, et qu'ainsi Leluc n'était donc qu'un employé salarié à traitement fixe, dont l'apport dans la société primitive a complètement dis

paru;

Attendu que, vainement, Poirson articule qu'il n'était qu'un simple bailleur de fonds pour l'exploitation des trois pharmacies: Paris, Versailles et St-Etienne;

Attendu qu'il appert de l'instruction et des débats, qu'il avait la haute direction de l'entreprise; qu'il gérait effectivement la pharmacie de la place du Havre; qu'il a imaginé et créé la droguerie de Levallois, laquelle ne fournissait pas exclusivement les officines de la société, mais expédiait sa commande et ses produits à toutes les pharmacies qui en faisaient la demande ;

la

Attendu, en conséquence, qu'il résulte de l'instruction et des débats preuve que :

1° Poirson, à Paris, depuis moins de trois ans, a illégalement exercé la pharmacie en gérant, sans être muni de diplômes suffisants, une officine de pharmacie, 13, place du Havre, sous le prête-nom de Leluc; 2o Que ledit Poirson a, en outre, à la même époque, ouvert deux autres officines : l'une à Versailles, place Hoche, 6, l'autre à St-Etienne, 4,rue du Général-Foy, contrevenant ainsi aux dispositions de la loi et des règle

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