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dant être protégés, et il n'appartient pas à un auteur de violer le seuil du foyer domestique, au-devant duquel le législateur ancien déjà, depuis Aristophane, avait établi une barrière ;

«Que dans l'espèce, le scandale né à l'occasion des incidents du mariage de la demanderesse a été, au détriment de celle-ci, réveillé dans les mémoires par la représentation de la pièce incriminée;

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<< Attendu que la personne nommée dans la presse obtient une réparation au moyen du droit de réponse que lui a ménagé la loi ; Que la personne nommée ou désignée dans une œuvre théâtrale doit, elle aussi, obtenir une réparation qui, différente par la nature des choses, découle cependant du même principe; - Que la demande de la dame G.... est donc fondée.... ».

Cette thèse est-elle absolument juridique ? C'est là un point sur lequel il m'a paru à propos, Monsieur le Rédacteur, d'appeler votre attention et de vous prier de faire connaître votre opinion autorisée.

Veuillez agréer, etc.

La décision que signale mon honorable correspondant me paraît être exacte en principe; mais je crois qu'il ne faudrait pas l'étendre trop loin. La diffamation, d'après la définition qu'en donne la loi, est l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé. La personne s'entend bien évidemment ici de l'individu même par lequel on prétend sérieusement et positivement que le fait a été commis, et non de l'image ou de la caricature qui en est produite dans une pièce de théâtre et qui, malgré une certaine ressemblance dans la façon d'agir, ne saurait se confondre avec elle, puisqu'elle n'est qu'une fiction et que les actes qu'on lui prête plaisamment ne peuvent être pris au sérieux. Dans ce cas, l'intention coupable, nécessaire pour constituer le délit, fait certainement défaut, et le principe suivant lequel cette intention est présumée de plein droit dans l'allégation ou l'imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'un tiers, ne saurait recevoir son application. Comment supposer la volonté de nuire chez l'auteur d'une revue qui, en créant et faisant agir un personnage imaginaire, n'a eu en vue que d'amuser les spectateurs?

Cependant cette interprétation comporte, à mon avis, une restriction essentielle. S'il arrivait que le rôle d'un personnage de cette pièce affectât avec certaines actions d'une personne connue,

qui auraient acquis une grande notoriété, une telle ressemblance que le personnage s'identifiât en quelque sorte avec la personne, ou ne fût qu'un masque transparent derrière lequel elle apparaîtrait distinctement, les actes contraires à l'honneur ou à la considération attribués à ce personnage, devenant une allusion directe à ceux de la personne même, pourraient être considérés comme imputés à cette dernière, et si l'intention de l'atteindre ressortait des détails particuliers de la scène et des termes malicieux dans lesquels ils y seraient soulignés, nul doute, selon moi, que, malgré le caractère comique et léger de la pièce, il ne fût permis d'assimiler l'allusion qu'elle contiendrait à l'allégation ou à l'imputation de faits diffamatoires.

Mais, dans le cas ordinaire où la reproduction dans une œuvre théâtrale d'actes de la vie privée ne présente pas le caractère de la diffamation, l'auteur n'est-il pas du moins soumis à l'action en réparation du dommage que cette reproduction a pu causer à la personne qui a accompli ces actes ? L'affirmative ne me semble pas contestable. L'absence de délit laisse place au quasi-délit. L'auteur n'a pas intentionnellement porté atteinte à l'honneur ou à la considération de cette personne; mais il l'a exposée, par son fait ou par son imprudence, à être reconnue dans le personnage dont les faits sont livrés à la risée publique sur la scène, et il a pu lui porter ainsi un préjudice à la réparation duquel il ne saurait échapper sous aucun prétexte. La difficulté sur ce point ne consistera que dans l'appréciation très délicate de l'étendue du dommage et de l'importance de l'indemnité.

A annoter au Mémorial du Ministère public, vo Diffamation, n. 1.

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TOME XXXVIII

CIRCULAIRES MINISTÉRIELLES

ART. 3795.

INTERDICTION, CONSEIL JUDICIAIRE, DÉCISIONS, PUBLICITÉ.

Publicité des décisions portant interdiction et nomination de conseil judiciaire. Application de la loi du 16 mars 1893 et du décret du 9 mai suivant.

La loi du 16 mars 1893 et le décret du 9 mai suivant ont posé le principe et précisé l'application d'une publicité nouvelle à donner aux décisions portant interdiction ou nomination d'un conseil judiciaire. Cette publicité, réalisée par un registre dont toute personne pourra désormais prendre communication ou se faire délivrer copie, est destinée à rendre au public les services les plus appréciables. Mais la tenue de ce registre impose aux greffiers des obligations nouvelles sur lesquelles le garde des sceaux désire que leur attention soit spécialement appelée.

Le décret du 9 mai 1893, qui a déterminé le mode de tenue du registre spécial institué par la loi du 16 mars précédent, n'avait pas à indiquer s'il serait sur papier timbré. Il a été entendu, en effet, au cours des travaux législatifs, ainsi qu'il résulte du rapport présenté au Sénat par M. Léopold Thézard, que ni la loi, ni le règlement d'administration publique à intervenir n'auraient à fixer les droits du Trésor en la matière, mais que ces droits seraient perçus en vertu de la législation existante et par voie d'assimilation.

Le ministre des finances, consulté par la chancellerie, estime que le registre nouveau doit être tenu sur papier timbré par application de l'art. 12, no 2, de la loi du 13 brumaire an VII. D'après cette disposition, les registres tenus au greffe sont sujets au timbre, quand ils sont susceptibles d'être invoqués en justice ou d'y être produits pour obligation, décharge ou justification en demande ou en défense. Ils ne sont affranchis de l'impôt que s'ils sont établis par mesure d'ordre ou d'administration intérieure

Il n'a pas paru que le registre dont il s'agit pût être rangé dans cette dernière catégorie, comme ceux qui sont tenus pour les liquidations et partages en exécution du décret du 7 septembre 1880. Ceux-ci, en effet, ont pour but de faciliter la surveillance que les magistrats doivent exercer sur la marche des opérations de liquidation et de partage; ils constituent dès lors des documents servant uniquement à l'administration

de la justice tandis que le nouveau registre, établi par la loi du 16 mars dernier, complète les moyens déjà organisés par l'art. 501, Cod. civ., pour faire connaître aux tiers les décisions portant interdiction ou nomination de conseil judiciaire et leur fournit des extraits qui peuvent être produits en justice et appelés à y faire foi.

Les procureurs généraux devront, d'ailleurs, indiquer aux greffiers qu'ils pourront tenir un registre particulier, visé pour timbre en débet, à l'effet d'y inscrire les jugements ou arrêts qui interviendraient en matière d'assistance judiciaire, mais à la condition que le coût de la mention sur ce registre soit compris dans les états de frais et mis en recouvrement. L'administration de l'enregistrement admet, en effet, que les greffiers peuvent, sous cette condition, avoir un répertoire spécial visé pour timbre en débet pour les actes et jugements concernant l'assistance judiciaire.

Toutefois, il ne paraît utile de créer un registre visé en débet que dans les tribunaux siégeant dans les grandes villes. Le nombre des jugements portant interdiction ou nomination de conseil judiciaire est, en effet, trop peu important, dans la majeure partie des tribunaux, pour que les simples mentions à inscrire sur le registre timbré constituent une dépense appréciable pour les greffiers.

Si, contre toute attente, des réclamations se produisaient dans quelques greffes, l'administration de l'enregistrement prendrait, de concert avec les magistrats du parquet, les mesures nécessaires pour concilier les intérêts des greffiers avec ceux du Trésor.

Le ministre des finances a décidé, d'autre part, que l'extrait sommaire du jugement ou arrêt à transmettre par l'avoué au greffier compétent serait rédigé par l'avoué sur papier timbré à 60 centimes, ou à 1 fr. 20 (art. 1 et 12 de la loi du 13 brumaire an VII), et assujetti à l'enregistrement au droit principal de 1 fr. 50 avant qu'il en ait été fait usage par le greffier (art. 41 et 68, § 1er, no 18, de la loi du 22 frimaire an VII et art. 4 de la loi du 22 février 1872).

De même, le certificat délivré par le greffier et constatant l'accomplissement de la formalité est soumis à l'enregistrement dans un délai de vingt jours et passible du même droit de 1 fr. 50 (loi du 22 frimaire an VII, art. 7 et 20, 68, § 1er, no 17, et loi du 28 février 1872, art. 4).

Enfin, les extraits du registre délivrés aux tiers ou aux parties sur leur demande, devront être rédigés sur papier timbré.

Le décret du 9 mai 1893 a réglementé en détail le mode de tenue du registre nouveau. Le garde des sceaux croit devoir ajouter que les greffiers, quoique le décret ne leur en fasse pas une obligation stricte, auront le plus grand intérêt à conserver et à classer au rang des minutes du greffe les extraits sommaires transmis par les avoués; ces extraits leur fournissent, en effet, les éléments nécessaires aux inscriptions sur

le registre et servent de contrôle aux énonciations qui y sont portées ; en cas d'erreur ou d'inexactitude, la production de l'extrait permettra de fixer les responsabilités.

D'autre part, les décisions portant interdiction ou nomination de conseil judiciaire doivent être inscrites sur le registre par ordre chronologique il est donc indispensable que les greffiers établissent à la fin de chaque registre une table alphabétique qui leur permette de retrouver facilement les individus sur la condition desquels ils seront interrogés.

Aux termes de l'art. 3 du décret du 9 mai, le procureur de la République doit vérifier l'exactitude des mentions portées au registre. Le garde des sceaux désire que les procureurs de la République exercent à cet égard une surveillance spéciale et charge les procureurs généraux d'adresser à la chancellerie chaque année, dans le courant du mois de mars, un rapport destiné à le renseigner le plus complètement possible sur l'exécution du nouveau décret dans leur ressort pendant l'année écoulée.

DU 5 JUIN 1895. Circul. du Min. de la Just.

DOCUMENTS DIVERS

ART. 3796.

INSTRUCTION CRIMINELLE, TÉMOINS, INDEMNITÉ DE VOYAGE, FRAIS DE séjour.

Décret du 22 juin 1895, portant fixation de l'indemnité de voyage et des frais de séjour à allouer aux témoins entendus, soit dans l'instruction, soit lors du jugement des affaires criminelles, de police correctionnelle et de simple police.

Le Président dE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice;

Vu le décret du 18 juin 1811, contenant règlement pour l'administration de la justice en matière criminelle, de police correctionnelle et de simple police, et de tarif général des frais;

Vu le décret du 7 avril 1813 modifiant certaines dispositions du décret précité ;

Le Conseil d'Etat entendu,

DÉCRÈTE:

ARTICLE 1er. Les témoins qui ne sont pas domiciliés à plus d'un my

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