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ART. 3864.

ARBRES, ENTAILLES, PEINE.

Le fait d'entailler un arbre, sans qu'il soit certain que les entailles pratiquées le feront périr, ne tombe pas sous l'application des art. 444 et 445, Cod. pén. qui, en réprimant la dévastation des plants et l'abattage des arbres d'autrui, exige que les arbres aient été coupés de manière à périr; mais ce fait est atteint par l'art. 14, titre II, de la loi des 13 septembre-6 octobre 1791, punissant tout acte qui consiste à écorcer où à couper, aussi bien en partie qu'en totalité, des arbres sur pied, sans considérer les conséquences de cet acte autrement que pour tarifer l'amende encourue.

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LE TRIBUNAL; Attendu qu'il a été justifié à l'audience que, le 15 juin 1896, en la commune de Gorron, Derieux a été surpris alors qu'il coupait avec une hache un chêne appartenant à Deniau; que, dérangé par Caillère dans cette entreprise, il s'est éloigné sans l'avoir menée à fin, de telle sorte qu'à ce jour l'arbre est encore sur pied et que les témoins n'ont pu affirmer si les entailles pratiquées dans son épaisseur le feront périr ;

Attendu que, si les art. 444 et 445, Cod. pén., exigent, pour qu'il y ait délit, que l'arbre ait été abattu ou qu'il ait été coupé de manière à périr, l'art. 14, titre II, de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, qui est, d'ailleurs, le seul texte visé par l'assignation et invoqué par le ministère public, est moins étroit et punit tout acte ayant consisté à écorcer ou à couper, aussi bien en partie qu'en totalité, des arbres sur pied, sans se préoccuper des conséquences dudit acte autrement que pour tarifer l'amende encourue, laquelle doit être double du dommage causé au propriétaire ;

Attendu que le tribunal trouve dans les faits du procès des éléments nécessaires pour apprécier ce dommage et, partant, pour déterminer l'amende à prononcer;

Par ces motifs, déclare Derieux coupable d'avoir, commune de Gorron, le 15 juin 1896, en tous cas depuis moins de trois ans, coupé en tout ou en partie un arbre sur pied appartenant à autrui, fait prévu et puni par l'art. 14, titre II, de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791; et, en réparation, le condamne à 1 fr. d'amende et aux dépens, contrainte par corps fixée au minimum légal.

DU 3 JUILLET 1896. - Trib. corr. Mayenne. MM. Bernardeau, pr.; Le Charpentier, proc. de la Rép.; Chedeau, av,

ART. 3865.

PRESSE, JOURNAL, DROIT DE RÉPONSE, INTÉRÊT DES TIERS.

Si le droit de réponse à un article de journal, consacré par l'art. 13 de la loi du 29 juillet 1881, est général et absolu pour toute personne désignée d'une manière non équivoque dans cet article, c'est sous réserve, toutefois, des restrictions commandées par le respect des lois et des bonnes mœurs, par l'intérêt des tiers et par l'honneur du journaliste.

En conséquence, le journaliste est fondé à refuser l'insertion d'une réponse à un article dans lequel une personne est clairement désignée, lorsque cette réponse n'offre pas le caractère d'une rectification, mais bien celui d'une polémique qui est de nature à léser les intérêts des tiers.

(R... c. A...).

Le sieur A..., se disant visé personnellement par un article du journal Le Petit Pontoisien, a adressé au gérant de ce journal une réponse dont celui-ci a refusé l'insertion, en alléguant que cette réponse avait le caractère d'une polémique de nature à léser l'intérêt d'un tiers. Citation par le sieur A... au Petit Pontoisien en la personne de son gérant, devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Et le 24 décembre 1895, jugement qui accueille la demande. Appel par le sieur R..., prévenu.

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ARRÊT.

LA COUR ; Considérant que le droit de réponse visé par l'art. 13 de la loi du 29 juillet 1881 est général et absolu pour toute personne désignée d'une manière non équivoque dans un journal, sous réserve des restrictions commandées par le respect des lois et des bonnes mœurs, par l'intérêt des tiers et par l'honneur du journaliste;

Considérant que s'il est établi que, dans le numéro du journal Le Petit Pontoisien, en date du 4 mai 1895, A..., à propos des élections municipales de Luzarches, a été pris à partie dans un article commençant par ces mots : « Le scrutin de ballottage... » et se terminant ainsi : «< Nous savons tous à quoi nous en tenir », il est non moins constant que la lettre adressée en réponse par A... et commençant par ces mots : « Monsieur le Gérant, j'ai affirmé... » et se terminant ainsi «< dispensés de timbre », lettre dont A... a requis en vain l'insertion, suivant sommation de C..., huissier à Pontoise, en date du 10 juillet 1895, n'offre pas les caractères d'une rectification, mais bien d'une polémique qui est de nature à léser les intérêts des tiers et qui justifie le refus opposé par le gérant du Petit Pontoisien;

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Considérant que cette lettre met en cause des personnes étrangères aux débats existant entre le journal et A..., et parmi elles le maire de Luzarches, désigné par son nom, auquel elle prête un langage et des actes constituant, d'après l'auteur de la lettre, une pression électorale illicite, et l'aveu de cette pression;

Considérant que c'est donc à bon droit que R... a refusé l'insertion dont

s'agit;

Par ces motifs, infirme le jugement dont est appel; partie civile de sa demande, etc...

Déboute la

Du 27 AVRIL 1896. C. de Paris. Ch. corr. MM. Harel, pr.; Aubépin et Dillay (du barreau de Pontoise), av.

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REMARQUE. - Cet arrêt ne fait qu'appliquer un principe bien certain. Voy. mon Explication pratique de la loi sur la presse, Et consult. aussi Cass., 3 août 1895 (J. M. p. 38. 185), et les observations à la suite.

n.

69.

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ART. 3866.

1° DÉFENSE, DÉLIBÉRÉ, PRODUCTION DE PIÈCES.

20 ABUS DE CONFIANCE, ACQUIT-A-CAUTION, DÉTOURNEMENTS FRAUDULEUX.

1o Des documents produits après la mise en délibéré d'une cause correctionnelle ne peuvent être réputés avoir été communiqués par le prévenu aux juges, bien que la décision porte ces mots : « Vu toutes les pièces du procès », une telle expression ne devant s'entendre que de la procédure régulièrement suivie contre le prévenu, et il n'y a pas dans la production dont il s'agit violation du droit de la défense, alors surtout que les juges ont fondé la preuve de la culpabilité du prévenu sur des considérations absolument indépendantes de cette production et en se fondant sur des faits et des documents qui avaient été l'objet d'un débat contradictoire (Cod. instr. crim., 153, 190 et 302).

20 L'acquit-à-caution formant, entre la Régie qui le délivre et la partie qui l'obtient, un véritable contrat, est manifestement un écrit contenant obligation ou décharge, selon les expressions de l'art. 408, Cod. pen., qui prévoit et punit le délit d'abus de confiance; et son détournement frauduleux au préjudice de l'expéditeur, dont il détermine les obligations vis-àvis de la Régie, et dont il constate la libération lorsqu'il a été déchargé, rentre exactement sous l'application dudit art. 408.

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LA COUR;

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Sur le premier moyen pris par Guibet et Taourel de la violation des art. 153, 190, 302, Cod. instr. crim. et des droits de la

défense en ce que, pendant que la cause était en délibéré, des documents relatifs aux demandeurs auraient été communiqués par l'un de leurs co-prévenus à la Cour d'appel, sans que les demandeurs aient été appelés à les contredire et à combattre l'influence qu'ils ont pu exercer sur la décision intervenue:

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Attendu que les documents dont il s'agit figurent en effet au dossier de l'affaire, mais qu'il n'apparait point que la Cour en ait reçu communication et encore moins qu'ils aient eu une influence quelconque sur sa décision; Que si l'arrêt attaqué porte ces mots : « Vu toutes les pièces du procès », cette expression ne doit s'entendre que de la procédure régulièrement suivie contre les prévenus; Que non seulement les documents produits après la mise en délibéré ne sont ni visés,ni mentionnés dans l'arrêt, mais que la Cour d'appel a fondé la preuve de la culpabilité des demandeurs sur des considérations absolument indépendantes de cette production, et en s'appuyant sur les faits et les pièces qui avaient été l'objet d'un débat contradictoire;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation de l'art. 408, Cod. pén.:Attendu,en droit, que l'acquit-à-caution, formant entre la Régie qui le délivre et la partie qui l'obtient un véritable contrat, est manifestement un écrit contenant ou opérant obligation ou décharge, selon les expressions de l'art. 408, Cod. pén.; que son détournement frauduleux au préjudice de l'expéditeur, dont il détermine les obligations vis-à-vis de la Régie, et dont il constate la libération lorsqu'il a été déchargé, rentre exactement dans l'application dudit art. 408 ;

Attendu, en fait, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Guibet, après avoir entreposé dix pipes d'alcool chez Dupuis, qui les avait prises en charge vis-à-vis de la Régie, prétendit les avoir vendues à ses co-prévenus, et se les fit remettre avec des acquits-à-caution y afférents, en recevant de Dupuis le mandat de décharger les acquits ou de les faire décharger suivant l'usage et les prescriptions de la loi fiscale; qu'au lieu de ce faire, il se concerta avec les destinataires, ses co-prévenus, au nom desquels les acquits avaient été libellés, pour soustraire les liquides au contrôle de la Régie en supprimant lesdits acquits au préjudice de Dupuis, qui resta, par suite, tenu du paiement des droits et doubles droits, et contre lequel fut décernée une contrainte pour une somme de 21,000 francs; que l'arrêt constate ainsi l'existence de tous les éléments du délit d'abus de confiance;

Sur le troisième moyen: ...(sans intérêt).
Par ces motifs, rejette, etc.

Du 25 MAI 1896. - C. cass. Ch. crim.

M. Low, pr.

A annoter au Mémorial du Ministère public,v° Abus de confiance, n. 6.

ART. 3867.

TRAVAIL DES ENFANTS, DES FILLES MINEURES ET DES FEMMES

DANS LES MANUFACTURES, RAPPORT.

Extrait du rapport présenté au Président de la République au nom de la commission supérieure du travail, sur l'application de la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes pendant l'année 1895, par MM. Richard Waddington, président, et Georges Breton, rapporteur.

CHAPITRE XII
PÉNALITÉS.

Le nombre des procès-verbaux dressés par les inspecteurs, qui avait été, en 1894, pour l'ensemble des lois réglementant le travail, de 704, s'est élevé, pour 1895, à 1,332. Soit une augmentation de 87 p. 100. Ces chiffres démontrent avec quelle fermeté le service de l'inspection a rempli son devoir, quand ses avertissements et ses conseils n'avaient pas été entendus. Ces mesures répressives étaient nécessaires pour vaincre des résistances qui, si elles n'avaient été réprimées, auraient enlevé aux inspecteurs l'autorité dont ils ont besoin.

Voici les industries dans lesquelles les procès-verbaux ont été les plus nombreux :

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Sur ces 1,332 procès-verbaux, 1,102 ont été suivis de condamnations; 18 ont abouti à un acquittement; 138 ont été classés par les parquets, et enfin 74 étaient encore en instance au 31 décembre 1895.

Le total des amendes prononcées, qui avait été de 23,366 fr. en 1894, a atteint, en 1895, le chiffre de 41,456 fr. 25, soit une augmentation de 77 p. 100.

En résumé, il résulte de l'exposé qui précède que, malgré les difficultés d'application, des progrès incontestables ont été réalisés dans 'exécution de la loi du 2 novembre 1892.

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