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contré quelques objets préhistoriques. Des silex, des haches polies, un joli couteau en os, sont les seuls témoignages d'une occupation primitive par des peuplades ou des familles dont le souvenir s'est à jamais perdu dans la nuit des temps. En revanche, c'est à profusion que nous y avons récolté et que nous y récoltons encore une ample moisson de débris romains ou gallo-romains, parmi lesquels nous citerons, entre autres: des petits cubes de mosaïque, en silex blanc, en marbre noir et en brique rouge, presque tous malheureusement disjoints et qui, à la partie supérieure du champ, jonchent véritablement le sol; puis, des poteries de toutes sortes, rouges et grises, débris d'amphores, bouts de chandeliers, fonds de vases usagers, généralement assez grossiers et sans nul détail d'ornementation; une fort intéressante collection de ces pesons, également en briques rouges, sous forme de pyramides tronquées, percés à leur extrémité supérieure, que l'on croit être généralement des poids de tisserands; des fragments de verreries bleutées, quelques-unes très fines et très légères; des polissoirs, dont l'un en marbre rougeâtre affecte la forme d'un marteau; un ou deux carreaux de dallage; une quantité très considérables de briques .et de tuiles plates à rebord, certaines ornées d'une double rose ou d'une croix de SaintAndré, quelques-unes très larges recouvrant des ossements humains; des fers de lance; un étrier rongé par la rouille; enfin une très jolie boucle ou agrafe de ceinturon en bronze, de cinq centimètres de long sur trois de large aux moulures délicates et aux élégants rainceaux pointillés.

Nous n'aurions garde d'oublier dans cette énumération plusieurs pièces de monnaie, mais en bronze seulement, dont les plus intéressantes sont: un Trajan de 3 cent. 25 de diamètre, et deux Marc-Aurèle, l'un de 2 cent. 50 de diamètre et pesant 19 grammes, l'autre, plus petit, de 2 centimètres et d'un poids de 15 grammes. Sur chacun de leur revers se trouve très finement gravée l'effigie d'une déesse, debout, la

main gauche tenant un drapeau et la main droite reposant sur le faîte d'un autel. Des deux côtés, selon l'usage, les lettres S. C. (Senatus-Consulto.)

Mais la pièce capitale, trouvée dans ce champ du Glésia, est un buste, en beau marbre blanc des Pyrénées, d'un empereur romain, de grandeur naturelle, fendu malheureusement de haut en bas par un coup de hache, qui n'a laissé subsister que les deux tiers de la tête. Malgré cette mutilation et vu de côté, ce buste, très artistiquement sculpté, présente tous les caractères de la bonne époque. Le front ceint d'une couronne, en partie effacée, est bas; l'oeil large et sévère; le nez droit, quoique effrité légèrement par le temps; la bouche dédaigneuse, le menton rond et court; le cou très fort comme celui des premiers Césars. Singularité remarquable, il se termine à la base inférieure du cou par une pointe conique, de dix centimètres de longueur, grâce à laquelle il pouvait s'ajuster sur un corps ou des épaules adaptées ad hoc. On n'ignore pas, en effet, que dans les temples païens, la statue de l'Empereur occupait la première place. Or, il était bien difficile dans les temples de campagne, perdus au fond des provinces conquises et généralement aussi pauvres que le sont de nos jours nos églises rurales, de refaire, à chaque révolution de palais, si fréquentes en ces temps là, dans son entier la statue du nouveau maître. Aussi se contentait-on, sur le même corps, revêtu des insignes immuables du pouvoir suprême, de changer simplement la téte; et on avait ainsi, à bien meilleur marché, la statue en pied du nouvel Empereur.

De la découverte précieuse de ce buste, enfoui depuis plus de dix-huit cents ans dans cette terre du Glésia, ne peut-on pas conclure que là pouvait exister au premier siècle de notre ère quelque temple païen? En tous cas, cette quantité si considérable d'objets gallo romains ne prouve-t-elle pas surabondamment l'existence d'une villa gallo-romaine, ou de quelque centre très important d'habitation, détruits plus tard

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et incendiés, ainsi que l'atteste la terre noircie et calcinée tout autour, par les Barbares qui ravagèrent aux IV et ve siècles notre malheureux pays, en suivant la route que leur traçait tout naturellement le cours de la Baïse?

Qu'advint-il à ce moment du refuge du Guardès et du champ du Glésia, et quel sort leur fut-il réservé, la tourmente une fois passée? Si ce dernier vit ses constructions démolies, le premier servit-il d'asile momentané à ces hordes sauvages que poussait toujours plus avant un mystérieux besoin de déplacement, de meurtres et de pillage? Les Wisigoths, les Vandales, et plus tard les Sarrasins et les Normands y déployèrent-ils leurs étendards tachés de sang? Nul document ne nous l'apprend qui sans doute ne sera jamais découvert. Tout ce que nous pouvons affirmer, c'est que longtemps après, au moyen-âge, nous trouvons sur l'emplacement même de la construction romaine et au milieu du champ du Glésia une église, bâtie avec les matériaux qui tout autour recouvraient le sol et qu'utilisa le culte chrétien. Son nom, malheureusement encore, ne nous est point parvenu; et une fois de plus nous sommes réduit à cet égard à des simples conjectures.

Dans les trois Etats des paroisses, cures, rectoreries, que renferme le Livre rouge du Chapitre d'Auch, nous trouvons, sur la longue liste des bénéfices de l'Archidiaconné de Pardaillan, qui comprenait tout le pays de Valence (1), de nombreux noms d'églises, aujourd'hui entièrement disparues, et parmi lesquelles doit très certainement figurer l'église qui nous occupe en ce moment, située dans ce champ dit du Glésia, au sud-est du Guardès, au sud-ouest du hameau du Bouch, et à l'est de celui de Bidalet. Mais à quel nom sûrement s'arrêter? Est-ce à celui de Villalonga, (Ecclesia de Villalonga), dont on aurait fait Vilalet et par contraction

(1) Livre rouge du chapitre d'Auch. (Archives départementales du Gers. G. 19; fol. LXVIII; fol. cxL verso; et fol. CLXVII).

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