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DIVERS SENTIMENTS

ET

AVIS CHRÉTIEN ́S

Sur un grand nombre de matieres les plus impor-. tantes pour la piété, les mœurs et la vie intérieure.

I. Que Dieu est peu connu présentement.

Ce qui manque le plus aux hommes c'est la conCE noissance de Dieu. Ils savent, quand ils ont beaucoup lu, une certaine suite de miracles et de marques de providence par les faits de l'histoire; ils ont fait des réflexions sérieuses sur la corruption et sur la! fragilité du monde; ils se sont même convaincus de certaines maximes utiles pour la réformation de leurs mœurs par rapport au salut : mais tout cet édifice manque de fondement; ce corps de piété et de christianisme est sans ame. Ce qui doit animer le véritable fidele, c'est l'idée de Dieu, qui est tout, qui fait tout,” et à qui tout est dû. Il est infini en tout, en sagesse,” en puissance, en amour. Il ne faut donc pas s'étonner si tout ce qui vient de lui tient de ce caractere d'in

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fini et surpasse la raison humaine. Quand il prépare et arrange quelque chose, ses conseils et ses voies sont, comme dit l'écriture, autant au-dessus de nos conseils et de nos voies que le ciel est au-dessus de la terre. Quand il veut exécuter ce qu'il a résolu, sa puissance ne se montre par aucuns efforts; car il n'y a aucun effet, quelque grand qu'il puisse être, qui lui soit moins facile que les plus communs : il ne lui en a pas plus coûté pour tirer du néant le ciel et la terre, tels que nous les voyons, que pour faire couler une riviere dans sa pente naturelle ou pour laisser tomber une pierre de haut en bas. Sa puissance se trouve tout entiere dans sa volonté : il n'a qu'à vouloir, et les choses sont d'abord faites. Si l'écriture le représente parlant dans la création, ce n'est pas qu'il ait eu besoin d'une parole qui soit sortie de lui pour faire entendre sa volonté à toute la nature qu'il vouloit produire. Cette parole, que l'écriture nous représente, est toute simple et intérieure; c'est la pensée qu'il a eue de faire les choses et la résolution qu'il en a formée au fond de lui-même. Cette pensée a été féconde; et, sans sortir de lui, elle a tiré de lui, comme de la source de tous les êtres, tous ceux qui composent l'univers. Sa miséricorde tout de même,

(1) Isaïe, 55, v. 9.

n'est autre chose que sa pure volonté : il nous a aimés avant la création du monde; il nous a vus, il nous a connus, il nous a préparé ses biens; il nous a aimés et choisis dès l'éternité. Quand il nous arrive quelque bien nouveau, il découle de cette ancienne source: Dieu n'a jamais de volonté nouvelle sur nous : il ne change point; c'est nous qui changeons. Quand nous sommes justes et bons, nous lui sommes conformes et agréables; quand nous quittons la justice et que nous cessons d'être bons, nous cessons de lui être conformes et de lui plaire. C'est une regle immuable de laquelle la créature changeante s'approche et s'écarte successivement. Sa justice contre les méchants et son amour pour les bons ne sont que la même chose : c'est la même bonté qui s'unit avec tout ce qui est bon, et qui est incompatible avec tout ce qui est mauvais. Pour la miséricorde, c'est la bonté de Dieu qui, nous trouvant mauvais, veut nous rendre bons. Cette miséricorde, qui se fait sentir à nous. dans le temps, est dans sa source un amour éternel de Dieu pour sa créature. Lui seul donne la vraie bonté. Malheur à l'ame présomptueuse qui espere de la trouver en soi-même! C'est l'amour que Dieu a pour nous qui nous donne tout. Mais le plus grand don qu'il nous puisse faire, c'est de nous donner l'amour que nous devons avoir pour lui. Quand Dieu

nous aime jusqu'à faire que nous l'aimions, il regne en nous.; il y fait notre vie, notre paix, notre bonheur, et nous commençons déja à vivre de sa vie bienheureuse. Cet amour qu'il a pour nous porte son caractere infini : il n'aime point, comme nous,' d'un amour borné et rétréci : quand il aime, toutes les démarches de son amour sont infinies. Il descend du ciel sur la terre pour chercher la créature de boue qu'il aime; il se fait homme et boue avec elle; il lui donne sa chair à manger. C'est par de tels prodiges d'amour que l'infini surpasse toutes les affections dont les hommes sont capables. Il aime en Dieu; et cet amour n'a rien qui ne soit incompréhensible. Le comble de la folie est de vouloir mesurer l'amour infini à une sagesse bornée. Bien loin de perdre quelque chose de sa grandeur dans ces excès d'amour, il y grave le caractere de sa grandeur, en y marquant les saillies et les transports d'un amour infini. O qu'il est grand et aimable dans ses mysteres! Mais nous n'avons point d'yeux pour les voir, et nous manquons de sentiment pour appercevoir Dieu en tout,

II. De la nécessité de connoître et d'aimer Dieu.

Il ne faut point s'étonner que les hommes fassent si peu pour Dieu, et que le peu qu'ils font pour lui leur coûte tant: ils ne le connoissent point; à peine croient-ils qu'il est : la croyance qu'ils en ont est plutôt une déférence aveugle à l'autorité d'un sentiment public, qu'une conviction vive et distincte de la Divinité: on la suppose, parcequ'on n'oseroit l'examiner et parcequ'on est là-dessus dans une distraction d'indifférence qui vient de ce que l'on est entraîné par ses passions vers d'autres objets; mais on ne connoît Dieu que comme je ne sais quoi de merveilleux, d'obscur et d'éloigné de nous: on le regarde comme un être puissant et sévere, qui demande beaucoup de nous, qui gêne nos inclinations, qui nous menace de grands maux, et contre le jugement terrible duquel il faut se précautionner. Voilà ce que pensent ceux qui font des réflexions sérieuses sur la religion, encore sont-ils en bien petit nombre. On dit : C'est une personne qui craint Dieu en effet elle ne fait que le craindre sans l'aimer, comme des enfants craignent le maître qui corrige, comme un mauvais valet craint les coups de celui qu'il sert par crainte et sans se soucier de ses intérêts. Voudroit on être traité par un fils, ou même par un domestique, comme on traite Dieu ? C'est

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