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pour cette nation ils n'obfer-
voient aucune des régles de la dif-
cipline militaire. Leur camp tout
ouvert & mal gardé invita les
Tartares à l'attaquer ; & ils l'atta-
quèrent un jour fi bien, que plus
des deux tiers de l'Armée Chinoise
y périt avec fon Général.

Une victoire fi complette, qui auroit dû rendre les vainqueurs plus fiers & plus ardens à continuer la guerre, produifit un effet Les tout oppofé. Soit que Taytfou Man- craignit une irruption dans fon quoi- pays de la part de ses voisins jaque loux & gagnés par les Chinois; queurs, foit qu'il s'imaginât en avoir affez deman- fait, pour affurer la liberté de fon inutile- peuple, il fut le premier à parler ment la de paix. Un Mandarin du nombre

cheoux,

vain

dent

paix.

de fes prifonniers, fut chargé d'une
lettre de ce Prince au Viceroi du
Leaotong; & cette lettre, après
un long expofé de tous les articles
dont les Mancheoux fe plaignoient,
contenoit les plus fortes affuran-
ces de mettre les armes bas, fi la
Cour vouloit lui rendre juftice.

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Le Viceroi jugea cette affaire d'une trop grande conféquence, pour qu'il ofât la terminer de luimême. Il envoya donc à la Cour la lettre du Général Tartare, réfolu de ne rien entreprendre, avant que d'avoir reçu des ordres précis fur la manière de fe conduire. Ces ordres fi long-temps attendus, furent à la fin expédiés, & ils fe trouvèrent des plus mortifians pour ce Mandarin. Il fe vit non feulement révoqué, mais dégradé encore honteusement & réduit à la condition du fimple peuple. Quant aux Mancheoux on ne daigna pas répondre à leur lettre. Les Miniftres & les Courtifans n'envisageant l'ennemi que de loin, le jugèrent peu redoutable, & prirent le parti de le méprifer. De nouveaux Commandans en faveur furent envoyés fur cette frontière, avec ordre de lever des troupes, de garnir les poftes de défenfe, & d'aller exterminer ces mutins.

Taytfou s'apperçut bientôt

cheoux

qu'on ne penfoit à rien moins qu'à un traité de paix. Ainfi pour n'être pas prévenu, & pour attirer plus de monde fous fes étendards (9) par l'efpérance du butin, il fe hâta d'entrer en campagne. Il prit même dès-lors une ferme réfolution de pouffer fa vengeance à l'extrémité, & d'attaquer deformais fans ménagement une puiffance, felon lui, moins formidable que fuperbe, dont toute la politique ne tendroit plus qu'à la ruine entière de fa

nation.

Ce ne fut point là une fimple menace. Les Tartares pénétrèrent bien avant dans le Leaotong, & Les vinrent affiéger Singho. La Place Man- n'étoit pas mauvaise, & elle avoit une garnison fi nombreuse, que nent le Lieutenant du Gouverneur proSingho. pofa de fortir avec l'élite de leurs foldats, pour aller donner fur l'ennemi. Sa vue étoit non feulement d'aguerrir les Chinois

pren

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en les

(9) Les Troupes lument fans infan

Tartares font abfo- terie.

tirant de leurs retranchemens mais de faire perdre aux Mancheoux cet air de confiance & cette audace, dont leur Général profitoit fi bien.

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L'avis du fubalterne fut rejetté; & d'abord il parut qu'on avoit eu raifon de se réserver à défendre la Place. Les Tartares ayant voulu tenter l'escalade furent repouffés avec vigueur: mais loin de fe ralentir, leur ardeur n'en fut que plus vive. Un mur qu'ils avoient fappé durant trois jours, étant tombé tout à coup, ils donnèrent un affaut violent qui fit périr bien du monde de part & d'autre. Peut-être même auroit-il été fans fuccès, fi pendant l'attaque un Officier Chinois, gagné d'avance par les Tartares, n'eût enfin trouvé le moyen de les introduire dans Singho. Toute la garnifon fut maffacrée, avec plus de dix mille habitans. L'Armée victorieuse, après quelques jours de repos, inonda les campagnes voifines & y fit d'horribles

ravages.

Le Vi

Leao

Tarta

rien.

Cependant le nouveau Viceroi ceroi du Hyontinpié étoit arrivé dans fa tong pé- Province. Pour fe montrer digne nétre en de fon pofte, il forma prompterie, & ment une groffe armée qu'il voun'y fait lut conduire en perfonne, & qui entra aifément dans la Tartarie où elle reçut un renfort de dix mille Coréens. (10) Les Mancheoux ayant appris cette diverfion des Chinois, abandonnèrent auffi-tôt le Leaotong, pour voler à la défenfe de leur pays; mais comme ils y rentroient d'un côté, le Viceroi en fortoit de l'autre. Ce grand Mandarin fe défioit trop de fes nouvelles levées, pour ofer

(10) La Corée, grande Péninfule de l'Océan Oriental, eft un Royaume tributaire de la Chine, féparé du Leaotong par une grande ligne de paliffades, appellée Mouteouching, c'eft-àdire Muraille de bois. Etendez la main vers le midi, & ouvrez un peu le pouce tourné à l'orient, ce pouce repréfentera la

Corée; le tour des doigts & leur milieu vous donneront les quinze Provinces de la Chine, felon l'ordre rapporté plus haut N°. 3. Allant enfuite depuis la naiffance de l'index jufqu'au petir doigt, vous aurez le pays des Mancheoux, y compris le Leaotong, celui des Mongoux, des Kalcas & des Eleutes.

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