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accordé de légitimes éloges au touchant morceau intitulé To YoyoΨυχοca66ato (le Samedi des Morts). Le poète, oubliant un moment les gloires et les blessures de la patrie, s'abandonne au sentiment de ses propres tristesses. Une jeune enfant qu'il a perdue lui inspire un hymne de douleur dans lequel se révèle toute son âme. L'énergie, qui fait le fond du caractère hellénique, a parfois exposé les Grecs à se voir accusés d'insensibilité. On disait que, pareils à leurs pères, ils dédaignaient tout ce qui n'était pas la guerre ou la politique. Un tel reproche ne saurait être adressé à l'auteur des Mvnμócuva. Il pourrait dire comme Térence que « rien de ce qui est humain ne lui est étranger; » nil humani a me alienum puto.

Les chants du poète de Leucade ont un dernier titre à l'attention de l'Europe, et c'est sur ce point que j'insisterai en finissant. On ne saurait trop féliciter en effet M. Valaoritis d'avoir célébré d'une voix éloquente et sympathique cette belliqueuse Albanie, cette terre des vieux Pélasges, souche commune des Hellènes et des Latins. Je ne saurais, comme tant d'autres, déprécier les premiers pour exalter les seconds. Ces deux races illustres ont fait assez de grandes choses pour n'être jamais divisées par de vulgaires jalousies et de mesquines antipathies. Le monde ancien a été redevable de son admirable civilisation à l'union de leur génie et de leurs efforts. Pourquoi l'Orient ne devrait-il pas à leur concorde fraternelle une glorieuse résurrection?

DORA D'ISTRIA.

ACACIA

SCÈNES DE LA VIE AMÉRICAINE

I. - OU L'ON VOIT L'AVANTAGE de lire abulFÉDA DANS LE TEXTE.

L'an mil huit cent cinquante-six et le cinq juillet, comme disent les huissiers dans leur noble et beau style, un lingot se promenait seul, à cinq heures du soir, dans les rues de Louisville, au Kentucky. Tout le monde sait qu'il y a lingot et lingot; celui dont je parle était l'un de ces aventuriers intrépides que le gouvernement français expédia en Californie aux frais de la fameuse loterie du lingot d'or, et que pour cette raison on appela lingots. Il avait vu SanFrancisco et ses placers; il avait trouvé de l'or, et il l'avait dépensé; il avait eu la fièvre, et il en était guéri; il avait tiré des coups de pistolet, et il en avait reçu. En somme, il se portait bien et vivait heureux, si l'on peut vivre heureux loin de Brives-la-Gaillarde.

Ce jour-là, il se promenait en rêvant à ses affaires, lorsqu'au détour d'une rue il entendit quelques coups de pistolet. Des Kentuckiens qui s'expliquent! dit-il en haussant les épaules. Bon débarras! — Cependant la curiosité le fit avancer un peu, et il vit un homme qui se défendait, adossé à un mur, contre cinq ou six rowdies (1). L'un des assaillans blessa cet homme d'un coup de poignard et tomba lui-même, assommé d'un coup de crosse de revolver. Allah Akbar! s'écria le vainqueur d'une voix triomphante.

A ce cri, le lingot, frappé d'une idée soudaine, fit tournoyer autour de sa tête un bâton noueux qu'il tenait à la main, et se jeta dans la mêlée. Il était temps. Le blessé avait peine à se défendre.

(1) Les rowdies sont quelque chose d'équivalent à nos rôdeurs de barrières.

accordé de légitimes éloges au touchant morceau intitulé To чʊyoca66ato (le Samedi des Morts). Le poète, oubliant un moment les gloires et les blessures de la patrie, s'abandonne au sentiment de ses propres tristesses. Une jeune enfant qu'il a perdue lui inspire un hymne de douleur dans lequel se révèle toute son âme. L'énergie, qui fait le fond du caractère hellénique, a parfois exposé les Grecs à se voir accusés d'insensibilité. On disait que, pareils à leurs pères, ils dédaignaient tout ce qui n'était pas la guerre ou la politique. Un tel reproche ne saurait être adressé à l'auteur des Mvnuócuva. Il pourrait dire comme Térence que « rien de ce qui est humain ne lui est étranger; » nil humani a me alienum puto.

Les chants du poète de Leucade ont un dernier titre à l'attention de l'Europe, et c'est sur ce point que j'insisterai en finissant. On ne saurait trop féliciter en effet M. Valaoritis d'avoir célébré d'une voix éloquente et sympathique cette belliqueuse Albanie, cette terre des vieux Pélasges, souche commune des Hellènes et des Latins. Je ne saurais, comme tant d'autres, déprécier les premiers pour exalter les seconds. Ces deux races illustres ont fait assez de grandes choses pour n'être jamais divisées par de vulgaires jalousies et de mesquines antipathies. Le monde ancien a été redevable de son admirable civilisation à l'union de leur génie et de leurs efforts. Pourquoi l'Orient ne devrait-il pas à leur concorde fraternelle une glorieuse résurrection?

DORA D'ISTRIA.

ACACIA

SCÈNES DE LA VIE AMÉRICAINE

I. - OU L'ON VOIT L'AVANTAGE DE LIRE ABULFÉDA DANS LE TEXTE.

L'an mil huit cent cinquante-six et le cinq juillet, comme disent les huissiers dans leur noble et beau style, un lingot se promenait seul, à cinq heures du soir, dans les rues de Louisville, au Kentucky. Tout le monde sait qu'il y a lingot et lingot; celui dont je parle était l'un de ces aventuriers intrépides que le gouvernement français expédia en Californie aux frais de la fameuse loterie du lingot d'or, et que pour cette raison on appela lingots. Il avait vu SanFrancisco et ses placers; il avait trouvé de l'or, et il l'avait dépensé; il avait eu la fièvre, et il en était guéri; il avait tiré des coups de pistolet, et il en avait reçu. En somme, il se portait bien et vivait heureux, si l'on peut vivre heureux loin de Brives-la-Gaillarde.

Ce jour-là, il se promenait en rêvant à ses affaires, lorsqu'au détour d'une rue il entendit quelques coups de pistolet. Des Kentuckiens qui s'expliquent! dit-il en haussant les épaules. Bon débarras! Cependant la curiosité le fit avancer un peu, et il vit un homme qui se défendait, adossé à un mur, contre cinq ou six rowdies (1). L'un des assaillans blessa cet homme d'un coup de poignard et tomba lui-même, assommé d'un coup de crosse de revolver. Allah Akbar! s'écria le vainqueur d'une voix triomphante.

A ce cri, le lingot, frappé d'une idée soudaine, fit tournoyer autour de sa tête un bâton noueux qu'il tenait à la main, et se jeta dans la mêlée. Il était temps. Le blessé avait peine à se défendre.

(1) Les rowdies sont quelque chose d'équivalent à nos rôdeurs de barrières.

accordé de légitimes éloges au touchant morceau intitulé To YoyoGá66ato (le Samedi des Morts). Le poète, oubliant un moment les gloires et les blessures de la patrie, s'abandonne au sentiment de ses propres tristesses. Une jeune enfant qu'il a perdue lui inspire un hymne de douleur dans lequel se révèle toute son âme. L'énergie, qui fait le fond du caractère hellénique, a parfois exposé les Grecs à se voir accusés d'insensibilité. On disait que, pareils à leurs pères, ils dédaignaient tout ce qui n'était pas la guerre ou la politique. Un tel reproche ne saurait être adressé à l'auteur des Mvnμócuva. Il pourrait dire comme Térence que « rien de ce qui est humain ne lui est étranger; » nil humani a me alienum puto.

Les chants du poète de Leucade ont un dernier titre à l'attention de l'Europe, et c'est sur ce point que j'insisterai en finissant. On ne saurait trop féliciter en effet M. Valaoritis d'avoir célébré d'une voix éloquente et sympathique cette belliqueuse Albanie, cette terre des vieux Pélasges, souche commune des Hellènes et des Latins. Je ne saurais, comme tant d'autres, déprécier les premiers pour exalter les seconds. Ces deux races illustres ont fait assez de grandes choses pour n'être jamais divisées par de vulgaires jalousies et de mesquines antipathies. Le monde ancien a été redevable de son admirable civilisation à l'union de leur génie et de leurs efforts. Pourquoi l'Orient ne devrait-il pas à leur concorde fraternelle une glorieuse résurrection?

DORA D'ISTRIA.

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