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longée que les circonstances pourront l'exiger. Et qui estce qui fournira à ces dépenses? L'ancien concessionnaire? Mais il est déjà peut-être assez malheureux par la nécessité où il s'est trouvé d'abandonner sa propriété; il est même devenu étranger à la mine aussitôt que le gouvernement s'est mis à sa place. Les créanciers? Mais comment faire retomber sur eux des frais inutiles, tandis qu'ils ne retireront peut-être rien du produit de la mine. La mine elle-même? Mais il est assez incertain si elle ne sera pas dans le cas de ne point trouver d'acheteurs, ou si en cas de vente elle pourra donner un excès de produit indépendamment des redevances que le gouvernement a le droit d'en exiger. Le gouvernement enfin? Mais quel intérêt peut-il avoir de supporter une charge dont il peut très bien se dispenser, parce que tout peut se faire, et dans l'intérêt de tout le monde, par l'intervention de ses agens ordinaires.

On propose donc, 1°. de fondre les deux projets en un seul; 2°. de reconnaître, en principe, ce qui n'est pas douteux dans le fond, que la renonciation expresse ou implicite, acceptée par le gouvernement, est un acte qui lui transfère la propriété de la mine abandonnée; 3°. que le gouvernement a le droit de faire procéder à la vente de la mine dans les formes reçues pour l'aliénation des domaines; 4°. que, pour la conservation des droits des tiers, les dispositions du droit commun doivent être observées comme dans tout autre cas de translation de propriété; 5°. qu'un nouveau projet de décret sera rédigé, d'après ces principes, et soumis à la discussion du Conseil d'État.

Les événemens militaires et politiques firent oublier pendant un temps tous ces projets.

Enfin, le 23 novembre 1813, la section présenta

une dernière rédaction qui fut convertie en projet de loi et adopté dans les termes suivans:

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N° 4. PROJET DE LOI relatif à l'Abandon des Mines par Déclaration expresse ou par Cessation de travaux.

TITRE PREMIER.

De l'Abandon des Mines par Déclaration expresse. ART. 1o. Tout concessionnaire qui voudra renoncer à la propriété de la mine qui lui a été concédée, devra en faire produire sa déclaration expresse et formelle, par une requête adressée au préfet, qui la fera enregistrer à sa date au secrétariat de la préfecture, au registre qui doit être tenu conformément à l'article 22 de la loi du 21 avril 1810.

ART. 2. Cette pétition sera transmise, par le préfet, au ministre de l'intérieur : le préfet y joindra son avis et celui de l'ingénieur des mines.

ART. 3. La renonciation sera acceptée par un arrêté du ministre de l'intérieur; si, par des motifs extraordinaires, le ministre ne jugeait pas convenable de l'accepter, il en sera fait par lui un rapport spécial.

En cas d'acceptation, le concessionnaire demeure déchargé de toute redevance à dater de l'époque de la renonciation.

ART. 4. La renonciation étant acceptée, et la mine ne se trouvant pas chargée d'inscription hypothécaire ou priviléges, le directeur général des mines fera procéder, dans les formes prescrites par la loi et par nos décrets, à la purgation des hypothèques légales.

Si, après l'accomplissement de ces formes et dans les délais fixés, aucune inscription n'est prise sur la mine, le conservateur des hypothèques en délivrera certificat ; et le gouvernement pourra disposer de la mine, conformément à la loi du 21 avril 1810.

LOI DU 8 MARS 1810,

SUR LES EXPROPRIATIONS POur cause d'utilité publique, QUI CONTIENT LES DÉVELOPPEMENS DE L'ART. 545 DU CODE CIVIL, RÈGLE L'APPLICATION DE CET ARTICLE, EN ORGANISE L'EXÉCUTION.

NOTICE HISTORIQUE.

L'ARTICLE 545 du Code Civil pose seulement les principes sur le cas où tout propriétaire pourra être contraint de céder sa propriété, et sur la condition de la juste et préalable indemnité qui devra toujours être le prix de ce sacrifice. Les motifs de ces dispositions ont été expliqués. (1)

Cependant il fallait régler l'application de ces principes. La définition abstraite et précise de l'utilité publique eût nécessairement été imparfaite, car il aurait été impossible d'y renfermer implicitement toutes les circonstances dans lesquelles l'intérêt du corps social se trouve, sous ce rapport, en conflit avec la propriété privée : c'est bien ici qu'on pouvait dire avec la loi 202, ff. de reg. jur.: Omnis definitio in juri civili periculosa est; parum est enim, ut non subverti posset. Mais on pouvait du moins, et dès-lors on devait, déterminer la manière de reconnaître et de constater qu'il y a utilité publique. On pouvait également donner des

(1) Voyez au Titre De la Propriété, le commentaire sur l'article 545, tome VIII, page 101.

règles sur l'évaluation et le paiement de l'indem

nité.

Ces détails d'organisation du principe étaient trop étendus pour trouver place dans le Code. On en a donc fait l'objet d'une loi particulière, de la loi du 8 mars 1810.

Les circonstances ont fait sentir le besoin de cette loi.

Quoique dès 1789, les deux principes de l'article 545 du Code Civil eussent été solennellement proclamés, aucune loi subséquente n'en avait organisé l'application.

De là des abus, qui furent dénoncés à Napoléon en 1809, alors occupé de la guerre qui s'engagea à cette époque.

Il en écrivit au grand-juge et le chargea de faire un travail. Celui qui lui fut envoyé ne lui ayant pas convenu, il en ordonna un second. Ce dernier ne le satisfit pas encore entièrement. Alors il fixa lui-même le système et les bases de la loi qu'il voulait, dans une note fort intéressante qu'il dicta, qui n'est nullement connue, qui mérite pourtant de l'être, et que, par cette raison, je vais transcrire -mot à mot.

Note dictée par NAPOLÉON sur les Expropriations

administratives.

On doit d'abord définir quelles sont les formes qui constatent l'utilité publique. Il faudrait que ce fût un sénatus-consulte, une loi ou un décret délibéré en Conseil d'État. S'il prend fantaisie à un préfet d'augmenter la préfecture, la prison ou l'hôpital, d'un jardin ou d'une

Civil le veut ainsi; mais je pense que par la sentence, si la cession était forcée, ou dans le contrat si elle avait lieu de gré à gré, on pourrait toujours stipuler un premier paiement, ne fût-il que de 500 francs, qui pourrait être réglé à un cinquième ou à un dixième de la valeur, que l'on considérerait comme une espèce d'arrhes, et moyennant lequel possession serait prise par l'administration.

Voilà mes idées sur cette question, plus importante qu'on ne veut le croire, puisqu'en s'accoutumant à jouer avec la propriété, on la viole et qu'il en résulte des abus révoltans qui mécontentent l'opinion publique. Moyennant ces précautions, j'arrive à un premier principe qui devrait être dans le Code de Procédure, s'il n'est pas dans le Code Civil; c'est qu'aucun citoyen ne peut être exproprié que par un acte judiciaire. On acquiert la propriété par testament, par donation et par achat: tous ces actes sont des actes judiciaires. On ne doit la perdre que par une vente ou par une sentence qui soient également des actes judiciaires...

Enfin il me semble que c'est une idée utile, dans le cas où les juges ne peuvent pas rendre justice, puisqu'ils ne peuvent pas faire saisir l'administration, de leur attribuer du moins le droit de recommander leurs justiciables à l'autorité supérieure.

Je désire que mon cousin l'ARCHICHANCELIER lise ce projet à la première séance du Conseil d'État, et que la section de législation, à laquelle le comte MoNtalivet se réunira, soit chargée de me présenter un projet de réglement conforme à ces vues.

Schonbrunn, le 29 septembre 1809.

Cette note fut lue au Conseil d'Etat, dans la séance du 7 octobre 1809, et l'ARCHICHANCELIER

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