Page images
PDF
EPUB

duvent être imprimées pendant la nuit, afin qu'aux premiers rayons du jour la population parisienne en pût prendre connaissance, et que l'insurrection commençât aussitôt. Ces proclamations portaient:

Louis-Napoléon est un traître !

02 Violé la Il a

[ocr errors]

est mis hors la loi.

[ocr errors]

Les représentants républicains rappellent au peuple et à l'armée l'art. 68 et l'art. 110, ainsi conçus; « L'Assemblée constituante confie la défense de la présente Constitution et les droits qu'elle consacre à la garde et au patriotisme de tous les Français. »

Le peuple désormais est à jamais en possession du suffrage universel; il n'a besoin d'aucun prince pour le lui rendre, il châtiera le rebelle.

Que le peuple fasse son devoir!

A

J

Les représentants républicains marcheront à sa tête.
Michel (de Bourges), Schoelcher, le général Laydet, Mathieu, de
la Drôme, Lasteyras, Brives, Breymand, Joigneaux, Chauf-
four, Cassal, Gilland, Jules Favre, Victor Hugo, Emmanuel
Arago, Madier de Montjeau, Mathé, Signard, Ronjat (de l'Isère),
Viguier, Eugène Sue, de Flotte.

L'engagement que prenaient les représentants de marcher à la tête du peuple donna lieu à cette singulière convention, qu'on tirerait au sort les quatre premiers qui livreraient le combat le lendemain au point du jour. Le sort désigna Baudin, Schoelcher, Madier de Montjau et Esquiros. C'étaient eux qui devaient donner le signal de l'insurrection et élever les premières barricades dans le faubourg Saint-Antoine, qui avait été choisi comme devant être le quartier général de l'insurrection. vaj

Un autre comité, dit comité de résistance, composé en grande partie de journalistes de toutes les nuances,

t

s'était formé à Tortoni. Il avait M. Victor Hugo pour président. C'est sans doute à la présence de ce comité sur le boulevart des Italiens qu'on doit les tristes scènes de carnage qui eurent lieu sur ce point dans la journée du 4 décembre.

Une proclamation émanée de ce comité, et qu'on se passait de main en main, était ainsi conçue :

JJ

AU PEUPLE."

La Constitution est confiée à la garde et au patriotisme des citoyens français.

LOUIS-NAPOLÉON est mis hors la loi.

L'état de siége est aboli.

Le suffrage universel est rétabli.

VIVE LA RÉPUBLIQUE!

AUX ARMES !

Pour la Montagne réunie,

Le délégué, VICTOR HUGO.

En même temps, des émissaires des sociétés secrètes se mêlaient à la foule qui encombrait les boulevarts et faisaient circuler les bruits les plus sinistres et les plus absurdes. On répandait la nouvelle que les généraux Bedeau et Lamoricière avaient été tués en faisant résistance lors de leur arrestation; que le général Changarnier avait été blessé; que d'autres représentants du peuple avaient été également victimes d'indignes violences; que plusieurs régiments avaient refusé d'obéir, et qu'un général commandant une division aux portes de Paris s'était déclaré contre le pouvoir.

Le Président de la République recevait d'heure en heure des rapports sur toutes ces menées et sur la disposition des esprits; il savait que les habitants de la

capitale avaient horreur de l'émeute, que les ouvriers n'y prendraient point part et que cette levée de boucliers ne serait exécutée que par les recruteurs ordinaires de désordre, et il ne doutait pas qu'on en vint facilement à bout. Toutefois les dispositions les plus énergiques et les plus habiles étaient prises pour étouffer l'insurrection dès qu'elle commencerait à se produire.

Dans la soirée, le Président de la République sortit une seconde fois de l'Elysée pour passer en revue la brigade du général Korte, composée des 1er et 2o carabiniers qui arrivaient de Versailles et qui devaient parcourir toute la ligne des boulevarts pour montrer à la population parisienne quelle était l'attitude de nos braves cavaliers. Ces deux magnifiques régiments, l'élite de notre grosse cavalerie, rappelaient par leur tenue ce mot de Louis XIV: Ce sont de ces troupes qu'on peut montrer également à ses amis et à ses ennemis.

En effet, jamais corps n'avait été mieux organisé, mieux discipliné, plus magnifique de tenue et plus dévoué. Chaque escadron, en passant devant le prince, le saluait de vivats enthousiastes. Chacun semblait lui dire Prince, vous avez dit à l'armée : Je marche, suivez-moi! Nous voici, prince, nous vous suivons; nous voici prêts à nous faire tuer jusqu'au dernier pour vous défendre, car il y a désormais entre nous solidarité de gloire et de danger!

Telle est la pensée, prince, des cavaliers que vous voyez défiler devant vous.

Cette brigade, après avoir parcouru toute la ligne des boulevarts, musique en tête, rentra dans ses cantonnements, à Versailles.

· On s'attendait à une bataille; on prit les dispositions en conséquence. L'armée de Paris, en y comprenant les régiments de cavalerie des environs, présentait un effectif de 120,000 hommes; elle était ainsi composée : -15 division, général Carrelet, formant cinq brigades, sous les ordres de MM. de Cotte, de Bourgon, Dulac, Reybel et Canrobert, composées des 27, 28, 33, 49°, 58 et 72 régiments d'infanterie de ligne, 15e léger, 5e bataillon de chasseurs à pied, garde républicaine, deux bataillons de gendarmerie mobile, 2° et 7a régi-' ments de lanciers, deux escadrons de guides, deux com pagnies de soldats du génie, trois bataillons d'artillerie.

2o division, général Renault, formant trois brigades, sous les ordres de MM. Sauboul, Forey et Ripert, et composée des 6o, 14, 19, 30%, 37, 42e et 56° régiments de ligne, 3 et 6o bataillons de chasseurs à pied, une compagnie de génie et trois batteries d'artillerie.

3e division, général Levasseur, formant trois brigades, commandées par MM. Herbillon, Marulaz et Courtigis, et composées des 3o, 6o, 31, 43°, 44° et 51° régiments de ligne, des 6 et 19 léger, 9 bataillon des chasseurs à pied, et deux batteries d'artillerie.

Enfin une division de grosse cavalerie, général Korte, formant deux brigades, aux ordres de MM. Tartas et d'Allonville, et composée des 1er et 2 carabiniers, 6 et 7° cuirassiers et 12o dragons.

[ocr errors]

Quant au plan de défense, il était le même que celui adopté depuis longtemps, et qui consistait dans l'occupation des grandes lignes stratégiques de Paris. Ce plan était celui qui avait été créé par le maréchał Gérard et mis en pratique au mois de juin 1848. Seu

lement, instruit par l'expérience on avait résolu cette fois pour ne pas fatiguer inutilement les troupės, comme à la révolution de Février, de n'en faire sortir que le tiers à la fois, en ne laissant occuper les postes principaux pendant la nuit que par les troupes stric tement nécessaires. En même temps, pour éviter les embarrasi qu'a toujours occasionnés la présence de la garde nationale dans les jours d'émeute et ne pas exposer inutilement la vie d'un grand nombre de pères de famille, il fut décidé que la garde nationale ne serait pas appelée, que le rappel, ce tocsin de la guerre civile, ne troublerait pas un instant la cité. Ces mesures une fois prises, on attendit. stromo

La nuit se passa sans prise d'armes, mais dans une agitation extrême; les clubs restèrent en permanence, les plans les plus incendiaires y furent agités; enfin il fut arrêté qu'au point du jour l'insurrection commencerait par le faubourg Saint-Antoine et se propagerait successivement sur les quartiers populeux, centre ordinaire de toutes les émeutes.

1

Le 3, au point du jour, quatre représentants du peuple revêtus de leurs insignes se rendirent dans le faubourg Saint-Antoine, suivis de quelques adhérents, et cherchèrent à y soulever la population, mais les ouvriers restèrent sourds, la plupart, à ces excitations.

[ocr errors]

Les quatre représentants du peuple persistèrent néanmoins dans leur entreprise. C'étaient, on se le rappelle, Baudin, Schoelcher, Madier de Montjau et Esquiros. Ils firent construire une barricade à la hauteur des rues de Cotte et Sainte-Marguerite; il était huit heures et demie du matin. Les représentants excitaient eux

« PreviousContinue »