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mèmes des travailleurs et prenaient part à leur œuvre.

Le général Marulaz, qui stationnait sur la place de la Bastille avec du canon, fut informé de cette circonstance. Il ordonna au commandant Pujol, du 19o léger, de se porter avec trois compagnies sur le front même de la barricade, tandis que lui-même, à la tête d'un bataillon du 44°, irait prendre la barricade à revers par la rue de Charoune.

Arrivé à vingt pas des insurgés, le commandant Pujolles somma de se retirer. Le représentant Baudin sortit de derrière la barricade en parlementaire, et fit signe qu'il voulait haranguer les troupes. On ne l'écouta point; il remonta sur la barricade et cria: Feu! Des coups de fusils partirent aussitôt derrière lui. La troupe y répondit par une décharge, et Baudin tomba mort. Il avait été atteint d'une balle au front.

Baudin était un ancien chirurgien de l'armée; il exerçait la médecine à Paris avec succès, bien que son humeur bourrue éloignât de lui bon nombre de clients. Lors de la révolution de Février, il fut un des adeptes les plus fervents des idées sociales; il assista à l'envahissement de l'Assemblée le 15 mai, et se trouva compromis dans les événements de juin. Néanmoins, comme il n'y eut pas de preuves suffisantes contre lui, il demeura libre. Nommé représentant du peuple dans le département de l'Ain à l'Assemblée législative, il fut 'un des plus violents orateurs de la Montagne. Sa mort fut digne de sa vie politique, et s'il prêcha des théories subversives, du moins eut-il le courage de se faire tuer pour elles.

La même décharge atteignit Esquiros el Madier de

Montjau, qui furent pris, Schoelcher parvint seul à s'échapper, Cet énergique coup de main dispersa l'émeute et empêcha de nouvelles barricades de s'élever dans le faubourg.

A neuf heures, les brigades Marulaz et Courtigis, de la division Carrelet, occupaient toute la ligne des boulevarts depuis la Bastille jusqu'à la porte Saint-Martin. L'agitation croissait d'heure en heure dans Paris, l'insurrection était imminente. Toutefois elle hésitait à se produire en présence de la résolution des troupes et de la, vigoureuse répression qui venait d'avoir lieu.

Le ministre de la guerre, qui voyait se former l'orage et qui s'apprêtait au combat, adressa aux habitants de Paris la proclamation suivante :

Les ennemis de l'ordre et de la société ont engagé la lutte. Ce n'est pas contre le gouvernement, contre l'élu de la nation qu'ils combattent, mais ils veulent le pillage et la destruction.

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Que les bons citoyens s'unissent au nom de la société et des familles menacées.

Restez calmes, habitants de Paris! Pas de curieux inutiles dans les rues; ils gênent les mouvements des braves soldats qui vous protègent de leurs baïonnettes.

Pour moi, vous me trouverez toujours inébranlable dans la volonté de vous défendre et de maintenir l'ordre.

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Tout individu pris construisant ou défendant une barricade, ou les armes à la main, SERA FUSILLÉ.

Enfin dans la soirée, vers les quatre heures du soir, une nouvelle action s'engage dans le quartier du Temple; des barricades s'élèvent dans les rues Ram

buteau, Beaubourg et à la Pointe-Saint-Eustache; quelques barricades sont également élevées près du marché Saint-Martin et aux environs de l'imprimerie na tionale.

Le général Herbillon, qui occupait l'Hôtel-de-Villé, se porte sur le point principal de l'insurrection, déblaie les rues du Temple, Rambuteau et Beaubourg'; quel-" ques coups de fusils suffisent pour disperser les émeutiers, qui cherchèrent un refuge dans les rues étroites et tortueuses de ce quartier.

De nouvelles barricades furent élevées, à l'entrée de la nuit, dans les rues Grenétat, Transnonnain, Beaubourg, et dans les petites rues adjacentes.

Le général Levasseur, qui commandait la 3a division, ne voulant point laisser l'insurrection se fortifier pendant la nuit sur ce point, les fit attaquer vigoureusement par trois endroits différents. Le colonel Chapuis, à la tête d'un bataillon de 3o de ligne, fut chargé d'enlever les barricades de front pendant que le commandant Boulatigny, avec un bataillon du 6 léger, attaquerait les insurgés sur le derrière même de la barricade, et qu'un autre bataillon du 3° de ligne se tiendrait en réserve dans les rues adjacentes pour arrêter les fuyards. Cette attaque réussit complétement.

La défense des barricades Transnonnain et Beaubourg fut vive et énergique; les insurgés se défendaient d'autant mieux qu'ils étaient bien retranchés, et qu'embusqués derrière les croisées, ils couvraient la rue de leurs feux. Mais bientôt ils entendirent sur leur derrière des feux de peloton, c'était le commandant Boulatigny qui opérait son mouvement. Pris entre deux feux, ils se

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cachent, se dispersent, et viennent tomber sur les coups de fusils du bataillon du 3 de ligne embusqué au coin des rues par où ils croient s'échapper.

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Cent prisonniers, un grand nombre d'armes, des munitions de guerre, un drapeau rouge, sont les trophées de cette vigoureuse attaque : l'insurrection est encore une fois vaincue sur ce point. Il en est de même des barricades élevées aux environs de l'imprimerie nationale, et qui sont enlevées par la gendarmerie mobile, et de celles qui s'étaient formées au marché Saint'Martin.

L'armée dominait l'émeute partout. Suivant la tactique adoptée dès le premier jour, le général en chef fit retirer les troupes en ne laissant que ce qui était nécessaire à la garde des postes principaux.

Cette première journée de combats n'était que le prélude de celle qui se préparait pour le lendemain.

Les chefs de partis et les metteurs en scène de l'’ìnsurrection profitèrent de la nuit pour préparer leurs moyens sur une plus grande échelle. Afin d'entraîner une partie de la bourgeoisie à la révolte, ils décidèrent, dans le comité de résistance qui était établi au café Tortoni, qu'une attaque contre les troupes aurait lieu sur "la ligne des boulevarts, depuis celui des Italiens jusqu'à la Bastille."

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Cette tactique, qui n'eut que le triste résultat de faire tomber sous les balles plusieurs victimes inoffensives, devait, en outre, faire une puissante diversion aux attaques qui auraient lieu sur plusieurs autres points à la fois.

Le gouvernement, qui redoublait de prévoyance à mesure qu'approchait le moment décisif, connaissait

pour ainsi dire heure par heure le projet des conspirateurs. Il fit partir pendant la nuit, pour le château de Ham, les généraux Changarnier, Bedeau, Lamoricière, Cavaignac, Le Flô, le colonel Charras, Baze et Roger du Nord, détenus à Mazas, ainsi que nous l'avons dit, et qui, dans le cas où cette prison eût été forcée, auraient pu devenir des otages dangereux entre les mains des insurgés.279 786 2997-io zobs: fred zab

Dès la veille, un grand nombre d'officiers de tous grades et de toutes armes, généraux de l'empire en retraite, colonels, capitaines en disponibilité ou en congé, étaient allés se mettre à la disposition du Président de la République et du ministre de la guerre. On remarquait parmi les officiers généraux : les maréchaux Jérôme-Napoléon, Excelmans; les généraux Flahaut, d'Anthouard, Schramm, d'Hautepoul, Baraguey-d'Hilliers, de Bourjolly, de l'Etang, Morris, Vast-Vimeux, Daumas, Delarue, d'Ornano, Prévot, Parchappe, Bougenel, Lebreton, Piat, Rebillot, Tournemine, de Resigny, Saint-Simon. Des lettres de félicitations, des adresses collectives spontanément signées par les habitants des villes et des communes des environs de Paris, étaient adressées de tous les côtés au chef de l'Etat. L'esprit du peuple était pour lui; il marchait, et la France tout entière était prête à le suivre. Aussi le résultat de la bataille ne pouvait-il être douteux...

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Suivons maintenant le rapport du général en chef Magnan, en y ajoutant les épisodes les plus remarquables de cette journée du 4 décembre, qui fut le vendémiaire de tous les partis.

Voyant que la journée du 3 s'était passée en escar

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