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INTRODUCTION.

La journée du 2 décembre est un des plus grands événements politiques de notre époque. Elle a sauvé la France de l'anarchie et reconstitué dans son imposante grandeur l'œuvre napoléonienne de l'an VIII.

La révolution de Février nous avait ramenés aux jours orageux et sanglants de 1791 et 1792; par une pente irrésistible et fatale, elle nous poussait vers un nouveau 1793.

Louis - Napoléon Bonaparte, par son énergique initiative, a devancé le cours des événements; il a supprimé cette dale funèbre, et rapproché, dans l'exécution d'une même pensée féconde et nationale, ces deux époques de notre histoire, 1799 et 1852.

7,500,000 suffrages jetés spontanément dans l'urne électorale ont sanctionné cet acte suprême et décisif.

Ainsi qu'il le disait lui-même dans une des ses dernières proclamations, le Président de la République n'est sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Il n'a brisé l'arche si souvent profanée de nos constitutions révolutionnaires que pour demander au peuple les moyens de lui donner des institutions nouvelles plus conformes à ses intérêts et à sa prospérité. Comme l'Antée de la fable qui touchait la terre du pied et se relevait plus fort pour la lutte, Louis-Napoléon a retrempé ses pouvoirs dans l'élection populaire, et il en est sorti plus grand et plus puissant. Aujourd'hui et plus que jamais il peut dire que son pouvoir re

pose sur le droit qui vient du peuple, et sur la force qui vient de Dieu.

En présence de cette révolution politique si habilement accomplie, tous les partis se sont accordés à rendre justice à cet homme si longtemps méconnu. Toutes les calomnies odieuses ou absurdes dont il était l'objet depuis son avénement au pouvoir sont tombées devant l'imposante réalité des faits. L'ombre qui couvrait cette figure historique s'est dissipée, et Louis-Napoléon s'est révélé à la France et à l'Europe comme un des premiers hommes d'Etat de notre époque, comme un homme enfin digne de reprendre et de continuer l'œuvre immense, l'œuvre sociale du premier consul.

En étudiant attentivement la vie du Président de la République, on voit que cet esprit de prévision, de sagesse et de fermeté dont il vient de donner une preuve éclatante ne l'a jamais abandonné; et Strasbourg et Boulogne, qu'on lui a si souvent reprochés, ne prouvent qu'une chose: c'est qu'il avait prévu dix ans d'avance la révolution de Février.

Il serait difficile de trouver dans l'histoire une existence plus extraordinaire, plus féconde en grands événements que celle du prince Louis-Napoléon. Né sur les marches du trône impérial, au bruit du canon des grandes victoires de l'Empire; appelé par sa naissance à être l'un des héritiers présomptifs de la plus puissante royauté du monde, il voit tout à coup s'écrouler avec fracas toutes ces grandeurs. Le même éclat de foudre qui a frappé l'empereur a frappé sa famille entière, et cet enfant, né aux Tuileries, est emporté loin de la France en même temps que son cousin le roi de Rome, ce moderne Astyanax (1),

(1) On sait que l'empereur, dans la lettre qu'il écrivait au roi Joseph son frère, gouverneur de Paris pendant la campagne de France, lui recommandait expressément de se retirer avec l'impératrice et le roi de Rome derrière la Loire, le sort d'Astyanax, prisonnier des Grecs, lui paraissant le plus malheureux de l'histoire.

et comme devaient l'être depuis le duc de Bordeaux et le comte de Paris.

Élevé dans l'exil, mais les yeux et la pensée constamment tournés vers la France, il tente deux fois d'y revenir en apportant dans les plis du drapeau impérial ce dogme napoléonien, qui est aujourd'hui, et qui a toujours été la religion du peuple. Deux fois il est vaincu. Les murs d'une prison d'État se ferment sur lui; mais sa croyance en l'avenir ne s'éteint pas : il étudie, il espère, il attend. L'heure de la liberté sonne pour lui après six années de captivité; il se réfugie en Angleterre, mais il ne cesse de penser à la France. Enfin la révolution de Février éclate il se rend à Paris; le gouvernement provisoire l'engage à retourner en exil; il part, mais en laissant à ses amis cette pensée qu'avant six mois il sera à la tête du gouvernement.

Cette prédiction se réalise de point en point. Une immense acclamation du peuple l'élève à la présidence de la République. Les partis se pressent à l'envi autour de lui et cherchent

ardemment

A qui dévorera ce règne d'un moment !

Calme au milieu des agitations, des haines, des passions des hommes qui l'entourent, il échappe à tous les piéges qu'on lui tend, déjoue toutes les intrigues qui se forment autour de lui; on le croit ignorant des hommes et des choses du pays, et il connaît mieux que personne les hommes et les choses. Tous croient voir en lui un instrument, et ils ne sont eux-mêmes que les instruments de sa pensée et de sa volonté. Chacune de ses paroles est un acte politique; chacun de ses actes est un événement. Il marche vers un but que lui seul entrevoit, et tous les efforts que l'on fait pour l'en détourner l'en approchent davantage. Les renommées les plus éclatantes, les talents les mieux reconnus s'usent successivement dans cette lutte. Lui seul ne

cesse de grandir. Enfin, dernier acte, acte éclatant de sa seule inspiration, il désigne le jour précis et l'heure où sa volonté absolue doit se substituer aux pouvoirs établis en France, et où doit commencer l'ère de régénération napoléonienne (1). égénération napo L'exécution est rapide et précise comme la pensée, et le peuple applaudit des deux mains à cet acte audacieux, mais salutaire.

Avant d'entrer plus profondément dans l'examen de cette révolution populaire, de ce 18 brumaire si habilement, si heureusement accompli, résumons en quelques mots la première partie de la vie du princé, Président de la République.

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(1) Il s'en explique franchement en face de la nation dans cet appel au jugement du peuple, qui est un des actes les plus solennels et les plus inouïs dans l'histoire:

<< Si vous avez confiance en moi, donnez-moi les moyens d'ac«< complir la grande mission que je tiens de vous.

« Cette mission consiste à fermer l'ère des révolutions, en satis<«< faisant les besoins légitimes du peuple et en le protégeant contre «<les passions subversives; elle consiste surtout à créer des insti<< tutions qui survivent aux hommes, et qui soient enfin des «<fondations sur lesquelles on puisse asseoir quelque chose de du<< rable.

1

« Si je n'obtiens pas la majorité de vos suffrages, alors je provo« querai là réunion d'une nouvelle assemblée et je lui remettrai le << mandat que j'ai reçu de vous.

<<< Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c'est-à-dire la France régénérée par la révolution de 1789 et lor«ganisée par l'empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en <«< consacrant les pouvoirs que je vous demande. »

1

PREMIÈRE PARTIE.

Louis-Napoléon Bonaparte naquit à Paris, le 20 avril 1808, de Louis Bonaparte, frère de l'empereur, et d'Hortense-Eugénie de Beauharnais, fille de l'impératrice Joséphine.

Sa naissance fut accueillie avec enthousiasme dans toutes les villes de l'Empire, alors à l'apogée de la gran ́deur, et depuis le département du Zuyderzée, le cent trentième de la liste, jusqu'aux départements de l'Arno et de l'Ombronne, que baignent les chaudes lames de la Mer Icarienne, 120 millions d'hommes célébrèrent, en vingt idiomes différents, la venue du nouveau prince. L'Europe leur répondit par ses acclamations. Car cet enfant, né à l'ombre du trône impérial, pouvait être appelé un jour à recueillir l'immense héritage du nouveau Charlemagne.

L'empereur et l'impératrice le tinrent sur les fonts et lui donnèrent les noms de Louis-Napoléon; le cardinal Fesch, son oncle, procéda à la cérémonie du baptême dans cette même église métropolitaine de Notre-Dame où la religion vient de consacrer si solennellement le vœu de la nation, et Paris l'adopta par des fêtes magnifiques.

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