Page images
PDF
EPUB

La coutume de Bruxelles semble ne mettre aucune importance au domicile matrimonial, elle ne veut régir que les droits ouverts sous son empire.

N'était-ce pas l'esprit général des coutumes de Brabant?

Un certain Frederic établi par mariage, sous la coutume de Louvain, où il demeure plusieurs années, transporte son domicile à Paris ; il ; décède avant la nouvelle législation, laissant une veuve et plusieurs enfans.

La coutume de son domicile matrimonial déférait à la veuve la totalité du mobilier : celle de Paris divisait les meubles entre elle et ses enfans.

La veuve invoquait le contrat tacite; les enfans soutenaient que ce principe n'était point admis en Brabant; que l'on y suivait le statut du domicile mortuaire, à défaut de conventions écrites, à moins que la résidence n'ait été changée à dessein de tromper la femme.

[ocr errors]

Toutes les lumières de l'université de Louvain furent consultées sur cette question, et par jugement du Châtelet, confirmé eu degré d'appel, le 29 novembre 1792, on décida que c'était la coutume de Paris, et non celle de Louvain, qui devait faire la règle des parties.

Il faut bien que ce préjugé soit le résultat des enquêtes faites sur l'esprit des statuts et de la jurisprudence du Brabant, puisqu'en France, où il a été rendu, l'opinion de Dumoulin a obtenu la prépondérance.

Ferrière, dans son Dictionnaire de droit, ne met pas en doute que les coutumes forment le contrat des époux: il regarde l'affirmative comme une maxime certaine.

Ainsi, la question pourrait être envisagée diverse. ment selon la diversité de l'esprit des coutumes.

Là, oùles droits des conjoints étaient regardés comme contractuellement et irrévocablement fixés par le statut du domicile matrimonial, le contrat les suivait partout, indépendamment de toute transmigration. Lé choix d'un nouveau domicile ne changeait pas plus aux conventions tacites qu'aux conventions écrites. Eadem vis pacti taciti quam expressi.

Dans les pays où la coutume n'affectait la communauté conjugale qu'au moment où elle venait s'éteindre, sans égard à la loi sous laquelle les époux s'étaient établis, il n'y avait pas de contrat tacite, ni par conséquent de droit irrévocablement acquis par le statut du domicile matrimonial.

On objecte qu'en Brabant les époux n'étaient pas dans l'interdit de s'avantager durant leur mariage; que même, et notamment à Bruxelles, ils pou vaient révoquer leur contrat de mariage (Art. 245), à plus forte raison adopter une autre coutume en transportant leur domicile dans son ressort (*);

Que de ce changement de domicile, sans réclamation de la femme, résultait l'adoption tacite du

(*) Mais il ne peut être porté atteinte au droit du survivant, art. 240; coutume de Bruxelles : ceci pour les conjoints domiciliés à Bruxelles.

nouveau statut, par l'effet de la faculté qu'ils avaient de déroger aux conditions primitives de leur union,

S'ensuit-il de-là que le contrat statutaire n'ait pas eu lieu? On répond que non ; que les parties n'ont fait manifester leur volonté de se soumettre au nouque veau statut qui forme pour elles un nouveau contrat.

Qu'arrivera-t-il, si une autre législation les atteint, soit dans leur premier, soit dans leur second ou troisième domicile.

On répond encore que la nouvelle législation n'altérera pas les droits des conjoints, lesquels droits resteront fixés par la coutume de leur mariage, ou par la coutume d'adoption, la nouvelle loi n'étant pas de leur choix.

Ainsi se reproduit toujours l'idée du contrat tacite en Brabant comme ailleurs, ce qui explique trèsnaturellement l'arrêt rendu à Paris, le 29 novembre 1792, dans la cause de la veuve Frederic. Les conjoints étant censés avoir adopté la coutume de Paris, en s'établissant à demeure et sans esprit de retour, sous la coutume de Paris.

Dans cette hypothèse, la difficulté pourrait paraître plus sérieuse, si des conjoints, mariés en Brabant, changeaient de domicile depuis la publication du code civil. Quelle serait alors la loi de leur communauté?

Supposons qu'ils aient eu deux différens domiciles antérieurement au code civil: où sera le contrat tacite ?

Il sera, dit-on, ou dans le statut de leur domi

cile primitif, pour les pays où les droits des con joints étaient invariablement fixés par la loi de leur établissement par mariage; ou dans le second, là où les coutumes permettaient de changer leurs conditions en adoptant une nouvelle coutume par le fait de la résidence. L'uniformité du code civil ne peut plus faire présumer de changement de volonté.

Reste donc la question du contrat tacite. Nous avons indiqué les grandes sources où l'on peut puiser des argumens pour et contre.

Les personnes qui se marient sans stipulations expresses s'en rapportent à la sagesse de la loi : elles la prennent pour guide, mais non pour contrat, dont peut-être elles ne voudraient pas, si elles avaient la pensée de régler leur sort.

La plupart n'ont point de fortune, et ce n'est que pendant l'union conjugale qu'elles en acquièrent. Quels seront les droits des époux au décès de l'un ou de l'autre. ? C'est ce que la loi du temps déterminera.

Il n'y a pas plus de nécessité de supposer un contrat, qu'un testament.

La loi règle l'ordre des successions pour ceux qui meurent intestats : elle dispose de même du droit des époux qui n'ont pas contracté. Il n'y a rien d'acquis, si ce n'est la communauté en elle-même.

Ceci mérite d'être expliqué.

Deux personnes s'unissent en mariage, elles confondent leur mobilier, leur industrie, leur travail,

leur

leur économie: c'est une société de droit (*); et jusque-là, tout est égal.

A la dissolution de cette société, comment sera-t-elle partagée? Puisque c'est une communauté par part égale, elle devra se diviser par moitié ; le droit l'a formée ainsi, le droit doit la dissoudre de même.

Voilà ce qui résulte de l'association conjugale, sans conventions particulières.

Cependant elle finit sous un statut qui défère tout au survivant; est-ce à titre de communier qu'il l'emporte. Difficile de concilier l'affirmative avec la nature du droit d'associé.

C'est à titre de survie. Or, un droit de survie ne saisit qu'à la mort; il appartient à l'ordre successif; donc, si à l'époque où la communauté finit, la loi règle autrement le partage, le droit de survie s'évanouit: il n'existait que conditionnellement et en espérance.

En est-il autrement dans les statuts qui, comme celui de Bruxelles, rendent le survivant, héritier nécessaire?

Chez les Romains, les fils de famille en puissance paternelle, et les esclaves étaient héritiers nécessaires, et n'étaient pas moins héritiers; c'était l'époque de l'ouverture de la succession qui réglait leur droit.

Ce qui constitue la communauté conjugale naît

(*) Nous ne parlons pas des pays où le régime dotal a lieu. Tome 1, N. 3.

14

« PreviousContinue »