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nière ville, exercer à Bruxelles le privilége de ses deniers dotaux contre des créanciers domiciliés à Milan, et même retenir en propriété les meubles qu'elle a reçus en imputation de sa dot, par suite du méme jugement, quoiqu'elle demeure avec son mari à Bruxelles.

ON

N prétend qu'il suffit que des époux mettent le pied sur le sol de la coutume de Bruxelles, pour qu'ils soient irrémissiblement tenus l'un et l'autre, de toutes dettes envers les créanciers du mari ;

Que, quelles que soient les dispositions du statut de leur domicile matrimonial, ou les conditions de leur contrat de mariage, le seul fait de leur habitation à Bruxelles, les assujettit à la coutume locale, du moins vis-à-vis des créanciers: ;

Que la faculté de renoncer à la communauté n'étant pas accordée à la femme, qui est même héritière nécessaire du mobilier sous la condition d'acquitter les charges, nulle séparation, du vivant du mari, ne peut la soustraire au paiement des dettes contractées jusqu'alors;

Que, pour faire cesser l'effet du statut de Bruxelles, il est nécessaire d'annoncer publiquement et de la manière accoutumée, le régime particulier des conjoints, ou les changemens opérés entr'eux, relativement aux dispositions de la coutume de Bruxelles.

A défaut de ces précautions, les conjoints qui habitent la ville de Bruxelles, se soumettent à l'usage

interprétatif de la coutume, dans le sens qui vient d'être développé.

Est-ce là un point de doctrine pratique, ou n'estce qu'un systême qui puisse encore avoir ses partisans et ses contradicteurs ?

La coutume de Bruxelles ne parle que parle que des gens mariés à Bruxelles. Ce n'est qu'à l'occasion de la communauté dissoute par mort, qu'elle exclut la renonciation.

Les droits des conjoints sont irrévocablement fixés par leurs contrats, ou par la loi de leur domicile matrimonial : principe universellement reçu.

Migratio, dit Voet, de ritu nuptiarum, lit. 23, tit. 2, n.o 87, per se sola nullam potest circa communionem semel inductam adferre mutationem, sed durabit et in novo domicilio, quæ inducta est, bitque exclusa, quæ ab initio exclusa fuit.

mane

Si la translation de domicile opérait autant de changemens dans les droits matrimoniaux des époux, qu'ils feraient de résidences en divers lieux, quel serait le sort d'une femme obligée de suivre son époux?

Ici, elle perdrait le privilége de sa dot, elle n'aurait pas même le triste remède d'une séparation; là, elle serait commune, ou exclue de la communauté; à Bruxelles, elle serait inexorablement victime de la dissipation de son mari.

Elle peut, dit-on, protester contre le changement

de domicile, ou annoncer publiquement le régime de la communauté établie à son égard. Par là, elle conserve ses droits matrimoniaux, et se met à couvert de la recherche des créanciers de son mari, au préjudice de la loi de son mariage.

Protester de la conservation de droits acquis, c'est une idée assez extraordinaire. Il semble que si tout est consommé par la loi du domicile matrimonial il n'est plus au pouvoir de l'une des parties d'y déroger, qu'ainsi une protestation est inutile, et, quant aux tiers, n'est-ce pas à eux à s'inquiéter de la condition des personnes avec lesquelles ils contractent. Nemo debet ignarus esse conditionis ejus cùm quò

contraxit.

Une femme, en puissance de mari, est-elle censée connaître les formalités usitées dans le lieu où elle est entraînée par la volonté de son chef? elle se repose sur la loi de son mariage, auquel sa famille a présidé.

Soit, pour les gens mariés à Bruxelles; la coutume s'exécute à leur égard telle qu'elle est; ils s'y sont soumis volontairement. Il est difficile de l'appliquer à des époux étrangers, sans blesser les principes les plus suivis sur la matière.

Cette exception au droit commun n'est cependant pas dénuée de motifs plausibles; elle empêche beaucoup de surprises et de fraudes, sur-tout dans un pays de commerce, où l'on contracte sur la foi deş lois locales; mais elle n'est pas sans inconvéniens, si l'on considère l'inexpérience et la faiblesse du sexe, relativement aux mariages faits dans d'autres cou

tumes.

Tels sont les principaux points traités dans la plaidoirie de la cause. Voici le fait :

GUILLAUME VEYDT et Jeanne Met - de - Penningen se marient à Anvers, où ils établissent leur domicile.

Jeanne Met-de-Penningen apporte en dot douze à treize mille francs: ce fait n'est pas contesté.

La coutume d'Anvers porte, art. 14 du chapitre 66: « que la femme est préférée à tous les créan«< ciers, même au prince, dans la masse de son << mari, pour sa dot, ses biens paraphernaux, et «< généralement pour tout ce qu'elle a apporté en <<< mariage. »

Veydt et sa femme transportèrent leur résidence, d'abord à Marseille, et ensuite à Livourne, où le mari tomba en faillite.

Jeanne Met-de-Penningen agit pour le recouvrement de sa dot, en conformité de la coutume d'An

vers.

Par jugement du 19 avril 1783, le tribunal de Livourne la déclara légitime créanciere de ses deniers dotaux, et vu que le mobilier était insuffisant pour la couvrir de ses droits, il le lui adjuge, au prix de l'estimation, outre cinq pour cent en sus. Il s'en fallait de beaucoup que l'objet de sa demande fut rempli.

Après cet événement, les deux conjoints se rétablissent à Bruxelles; bien entendu avant le code civil.

Pierre et Michel Cairati, de Milan, obtiennent contre Guillaume Veydt jugement au tribunal de commerce de Bruxelles, pour dette contractée même avant sa faillite. Ils exécutent les meubles trouvés dans l'habitation commune des époux.

Jeanne Met-de-Penningen s'oppose à la vente, et prétend, 1.o qu'elle n'est plus en communauté avec son mari; qu'elle a été dissoute par le fait de sa faillite, et qu'elle n'a recueilli son époux chez elle que par pur devoir d'assistance maritale, le bail de l'appartement étant à son nom;

2.o Que la plus grande partie des meubles saisis étaient ceux que le tribunal de Livourne lui avait adjugés en imputation de sa dot;

3.o Qu'en tout cas, elle devait être privilégiée sur le prix de ce qui pourrait être vendu d'après la coutume d'Anvers, qui lui accordait une préférence reconnue et jugée par le tribunal de Livourne.

Elle ne produisait pas le bail, le fait de la séparation résultante de la faillite, aux termes, disait-elle, du droit observé à Livourne, n'était pas établi, et d'ailleurs le défaut de publication à Bruxelles, n'eût pas em pêché que les conjoints ne fussent censés être en communauté vis-à-vis les créanciers.

Ces motifs décidèrent le tribunal de Bruxelles à repousser, par jugement du 24 décembre 1806, les prétentions de Jeanne Met-de-Penningen.

Cette décision est très-rigoureuse, même dans le sens le plus étendu de l'usage, ou de la coutume de

Bruxelles,

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