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Je vais plus loin, disait Duterne, il n'aurait pu l'exercer la manifestation de sa conduite antérieurement à la convention, le repoussait.

Il a donc cédé non-seulement ce qui n'était pas dans son domaine, car le droit était purement personnel et incessible, mais même ce qui ne pouvait plus lui appartenir.

La seule production de son titre l'eût frappé d'anathême: comment serait-il devenu meilleur ?

S'il n'a rien cédé ni pu céder, l'obligation est sans cause; évidemment, elle est sans cause légitime.

Supposé que Duterne ait bien voulu payer ce qu'il ne devait pas, jusqu'en l'an VIII, du moins a-t-il été libéré à cette époque, même de toute obligation naturelle, si toutefois elle avait existé; il a obtenu un nouveau titre indépendant du premier, et ce titre n'a pas été gratuit; il a fallu fournir un cautionnement, qui n'avait pas été prévu en l'an VI: donc changement dans la condition des parties; le premier prétexte ne subsistait plus.

Le changement de domination annullait l'acte de l'an VI, Joly l'avait fait stipuler; le changement survenu dans l'ordre judiciaire et dans la dispensation des offices ministeriels devait opérer le même effet en faveur de Duterne il n'a plus rien tenu que de sa conduite personnelle et de sa bourse.

:

L'intimé s'appuyait sur le contrat.

Sans convenir des opinions particulières de son père, il disait, qu'en les supposant, il eût été ré

vocable aux termes de l'article 2, de l'arrêté du 22 messidor an IV, mais que dans le fait il n'avait pas été révoqué, ce qui le disculpait; qu'il avait donc conservé un titre habile à exercer ses fonctions, et que l'acte de l'an VI contient une subrogation de ses droits au profit de Duterne;

Que, s'il eût continué l'exercice de son ministère, Duterne n'eût pas obtenu la place, parce que les anciens huissiers étaient maintenus, et que leur grand nombre excédait le nombre nécessaire pour le nouveau service. /

Le sieur Joly a donc fourni le moyen et l'occasion à Duterne d'acquérir le titre et la place d'huissier, et en même-temps la renonciation de Joly à la concurrence des affaires, lui qui était avantageusement connu dans cette carrière depuis long-temps.

De plus, le déport du sieur Joly procurait à Duterne la pratique du premier, une confiance établie; ce qui n'est pas une légère considération dans le traité fait entre les parties.

Il y a donc eu dans la convention une cause suffisante, et le contrat n'est reprouvé par aucune loi.

L'organisation de l'an VIII n'a pas dissous la convention. Duterne était mis sur la voie par suite de l'arrangement fait en l'an VI: c'est la continuation du même titre qui l'a mis à portée de recueillir les fruits de la réputation de son prédécesseur, et qu'il a moissonné dès son installation au tribunal civil du département de Jemmappes.

Son cautionnement n'est pas le prix de l'acquisition de son office. C'est une mesure de sûreté dans l'intérêt des particuliers qui lui donnent leur confiance, c'est le crédit de son ministère, et il en perçoit les intérêts à cinq pour cent.

Il n'a donc aucune raison de refuser la prestation des arrérages jusqu'au décès du sieur Joly père : ils sont dus en exécution du contrat passé entre les parties.

Sur quoi,

«<<< Attendu

que le déport qui fait le sujet du con« trat n'était défendu par aucune loi;

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Que ce déport a fait la condition du contrat de rente viagère en faveur de Joly;

" Que par ce déport l'appelant a non-seulement « été mis dans la possibilité d'être nommé huissier «< au tribunal civil du département de Jemmappes, « mais a encore profité de la pratique de Joly, ca <«< qui était le but principal du contrat ;

« Que l'existence de la condition a donné exis<< tence à la dette en rente viagère;

«

Que l'existence de cette rente n'était pas su« bordonnée à la puissance;

«

Que la condition, sous laquelle la rente viagère « devait cesser, n'a pas existé;

«La Cour met l'appellation au néant, avec amende

« et dépens. »

Du 24 février 1807.

Deuxième section.

MM. Feyder et Barthélemy.

Domicile.

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L'ARTICLE 214 du code civil, qui oblige la femme d'habiter avec son mari, et de le suivre par-tout où il juge à propos de résider, suppose un domicile réel et convenable.

PAR

AR arrêt du 13 août 1806 (*), la Cour d'Appel de Bruxelles confirma un jugement du tribunal de l'arrondissement de cette ville, du 21 mars précédant, qui ordonnait à Catherine T'kint d'aller habiter avec Charles Poot, son mari, dans le domicile par lui indiqué, ou dans tout autre qu'il indiquera, et ce dans le délai de huitaine.

Faute par Catherine T'kint de satisfaire au jugement dans le délai, le tribunal de première instance autorisait le mari à se mettre en possession des biens de son épouse, et à en percevoir les fruits; mais cette partie du jugement fut réformée par l'arrêt, comme disposition prématurée sur les cution.

moyens

d'exé

Le premier domicile, indiqué par Charles Poot, chez le sieur Attenhoven, n'était pas réel. Il en désigna bientôt un autre qui ne l'était pas davantage, et qui, supposé qu'il existât, était récusable par des motifs qu'il est inutile d'expliquer. Enfin, le sieur

(*) Voyez page 317, III. volume de ce recueil pour l'an XIV -- 1806. Tome 1, N. 5. 27

Poot annonça qu'il demeurait chez sa tante, et interpella son épouse de l'y rejoindre : elle n'obtempéra point.

Charles Poot s'est dit alors: le code civil, en conformité duquel Catherine T'kint a été condamnée à me rejoindre, ne prescrit aucunes mesures de coaction; mais la loi serait illusoire, si, en établissant un principe, il était impossible de le pratiquer.

L'arrêt du 13 août 1806 a infirmé le jugement de première. instance, en ce qu'il avait statué avec trop de précipitation sur les moyens de l'exécuter. La Cour a voulu connaître les causes et la nature du retard que Catherine T'kint pourrait apporter dans un refus ultérieur de se conformer à la chose jugée ; du moins a-t-elle préjugé que son arrêt ne devait pas rester dans les termes d'une vaine théorie.

C'est dans cet état de choses que Charles Poot est venu demander à la Cour la permission de faire saisir, entre les mains de la mère de son épouse, la dot que cette première lui avait constituée à titre d'alimens.

Sa demande était fondée sur la continuation du refus de sa femme de se conformer à l'arrêt, et sur l'indication qu'il lui avait notifiée de son domicile actuel chez sa tante, résidant à Bruxelles.

Catherine T'kint reproduisit une partie des moyens qu'elle avait allégués dans l'instance principale;

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La détresse continue de son mari; l'impossibilité à laquelle il s'était réduit de fournir des alimens à

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