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COUR DE CASSATION.

TESTAMENT.-- Titre universel.--Réduction.

UN legs universel par testament olographe, fait sous l'ancienne législation, et ratifié par acte notarié sous l'empire de la loi du 4 germinal an VIII, est-il nul, ou seulement réductible?

Νους Nous avons déjà rapporté l'espèce d'un arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles, sur une question à-peuprès semblable. (V. n.o 8, II.e vol. de l'an XIII, page 368).

Voici l'espèce d'un arrêt de la cour de cassation, qui, en cassant un arrêt de la Cour d'Appel de Liége, a consacré la distinction qui servit de base à la décision de la Cour de Bruxelles.

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En fait, le 20 août 1792, l'abbé Diffuy, ancien chanoine, à Liége, fit écrire par l'abbé Grandmaison, son ami, un acte en forme de testament, contenant plusieurs dispositions à titre universel.

La première, en faveur du sieur Albert Defavereau et de son épouse; la seconde, en faveur du sieur Fréron et de son épouse;

La troisième était ainsi conçue :

« Et, quant au résidu de mes biens, cens, ren<< tes, actions, clains et crédits, meubles et im« meubles présens et futurs, dont je n'ai pas dis« posé, je déclare instituer, pour mon héritier » universel, mon cher cousin Jean-Baptiste Dere« my, etc. »

Ce testament était ainsi terminé de la propre main du testateur :

« Déclarant aussi, et attestant que, quoique ce << présent testament ne soit pas tout écrit de ma << propre main, ayant été écrit à mon dictamen, << par mon intime et confident ami, M.r l'abbé Grand<< maison, cependant on doit y ajouter pleine foi <«<et confiance. En foi de quoi, j'ai signé cette pré«sente disposition, et munie du cachet de mes armes. « Fait à Liége, ce 20 août 1792.

« Signé, Charles-Théodore de Diffuy.

Surviennent la révolution du pays de Liége et sa réunion au territoire de la république française. Les lois de la convention nationale, sur les successions, donations et testamens, notamment celles des 17 nivôse, 22 ventôse et 9 floréal an II, y sont successivement publiées dans le cours des années IV et V.

Survient aussi la loi du 4 germinal an VIII, qui donne une bien plus grande latitude à la faculté de disposer, soit par donation entre-vifs, donation entre-vifs, soit par testament, et dont l'article 6 abroge toutes lois contraires à la présente.

En

cet état, et le 18 fructidor an VIII, l'abbé

Diffuy, sentant son dernier moment approcher, fait appeler un notaire, lequel, assisté de deux témoins, reçoit la déclaration suivante, en forme de codicille:

« Lequel nous a déclaré que le legs repris en son << acte de disposition dernière, lequel acte est un chi«rographe, fait en faveur de Fréron et Louise Re« my, n'est autre chose qu'un legs fait en faveur de << cette dernière, et non en celle de son époux, etc. >>

« Déclarant au surplus, le même, qu'il veut et « entend que son dit acte de disposition dernière « ait ses pleins et entiers effets, EN CONFORMITÉ « DES LOIS, entendant par cette de le ratifier pour « autant que de besoin. »

Contestation entre les héritiers naturels du défunt et les légataires, sur la validité des dispositions contenues aux deux actes ci-dessus.

II ventôse an XII, jugement du tribunal civil de première instance, à Liége, qui déclare les legs valables, et en ordonne la délivrance.

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20 ventôse an XIII, arrêt de la Cour d'Appel de Liége, qui infirme le jugement de première instance, en ce qu'il a maintenu la disposition faite en faveur de Jean-Baptiste Deremy; émendant, quant à ce, la déclare nulle pour le tout, et, quant à la partie du même jugement, qui concerne Albert Defavereau, ordonne qu'il sera exécuté selon sa forme

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Les motifs de cette décision étaient que le testateur ayant survécu à la publication des lois du 17 nivôse

et du 22 ventôse an II, il aurait dû circonscrire ses dispositions universelles dans les termes prescrits par ces lois; que la disposition en faveur d'Albert Defavereau, quoiqu'étant d'une universalité d'objets, n'en était pas moins un legs particulier, non excédant la portion disponible; qu'au contraire, la disposition, faite en faveur de Jean-Baptiste Deremy, était une disposition universelle, et que le testateur, loin de la circonscrire, par l'acte du 18 fructidor an VII, avait dit qu'il voulait qu'elle eút ses pleins et entiers effets; et que, bien qu'il eût ajouté, en conformité des lois, cette ordonnance n'en était pas moins en opposition avec les lois en vigueur alors, qui annullaient les dispositions à titre universel.

Double pourvoi en cassation, et de la part des héritiers naturels, et de la part de l'abbé Remy.

De la part des héritiers naturels, en ce que l'arrêt validait la disposition faite en faveur d'Abert Defavereau par un testament que l'on soutenait radicalement nul, pour n'avoir pas été écrit en entier de la main du testateur, conformément au prescrit de la coutume de Liége, et encore sur le motif que la disposition relative à Favereau renfermait véritablement un titre universel, puisqu'elle embrassait une généralité d'objets d'une certaine nature.

De la part du sieur Remy, en ce que l'arrêt avait annullé en totalité le legs universel fait à son profit, bien que par le codicille du 18 fructidor an VIII, le testateur l'eût expressément ratifié et implicitement renouvelé, en déclarant toutefois qu'il voulait qu'il n'eût ses pleins et entiers effets que conformément aux lois, ce qui ne pouvait évidemment

s'entendre que des lois en vigueur au moment de son codicille, et non des lois abrogées.

vereau,

Sur le pourvoi des héritiers contre le sieur Faest intervenu le 20 octobre 1806, en la section civile de la cour de cassation, un premier arrêt ainsi conçu:

«.

Considérant que le titre sur lequel le défendeur « établit son droit, n'est pas seulement l'acte du 20 « août 1792, mais bien celui du 18 fructidor an VIII, « d'où il résulte que l'article 12, chapitre 10, des «<coutumes du pays de Liége, n'est pas applicable « à l'espèce;

<< Considérant que les lois des 17 nivôse et 22 «ventôse an II sont également inapplicables au << cas particulier, puisqu'il s'agit spécialement de l'acte « du 18 floréal an VIII, et que ces lois n'exigent « le renouvellement des dispositions à titre univerasel, que lorsque celles-ci leur sont antérieures ;

«Par ces motifs, la cour rejette, etc. »

2

Sur le pourvoi du sieur Deremy, le 21 janvier 1807, est intervenu un deuxième arrêt, ainsi conçu :

« Vu les art. 3 et 6 de la loi du 4 germinal an ja VIII, portant etc.;

« Attendu que Charles Théodore Diffuy, en déclarant, par son testament public du 18 fructi« dor an VIII, qu'il voulait que son acte de dis«<>position dernière eût ses pleins et entiers effets, « en conformité des lois, se référait nécessairement

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