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La disparition, quoique momentanée, d'un négociant, suivie de sa déconfiture, fait remonter l'époque de la faillite au moment de l'exigibilité de la créance qui a motivé la disparition.

L'ÉPOQUE d'une faillite n'est pas toujours facile à déterminer un négociant qui laisse protester des effets, peut n'être que gêné. Si cependant la faillite suivait immédiatement ou à un léger intervalle l'état d'impuissance à faire face aux paiemens échus, sans que le débiteur eût fait depuis des opérations notables, il serait assez naturel de fixer la faillite au jour de la cessation de paiemens réguliers.

Dans l'espèce que nous allons rapporter, elle a été ainsi fixée, sans même qu'il y eût protêt; le débiteur dont il s'agissait de constater l'état de faillite n'étant pas l'accepteur, mais seulement le tireur de l'effet commercial échu, il n'y avait contre lui qu'une action de recours à exercer.

La Cour a jugé que la déconfiture datait du jour même où l'effet protesté contre l'accepteur lui avait été présenté pour en faire le remboursement.

Il est vrai que, dans l'espèce, le débiteur avait disparu le lendemain, après avoir vendu une partie de ses marchandises au porteur de l'effet. Cette circonstance a été regardée comme le plus puissant

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indice du mauvais état de la fortune de celui contre qui le recours était exercé, et elle a entraîné la nullité de la vente des marchandises, opérée au profit d'un des créanciers, ainsi que des commandemens et de la saisie-exécution dont elle fut suivie.

JEAN-BAPTISTE CUVELIER avait tiré ou endossé sept lettres de change sur Goublon, d'Anvers ; le sieur Jean Baesten en était porteur.

Le 26 février 1789 était le jour de l'échéance de la première; Goublon la laisse protester.

Le 27 › Baesten se présente chez Cuvelier obtenir le remboursement.

pour en

Le même jour, vers onze heures du soir, celui-ci consent un acte devant notaire, par lequel il se reconnaît débiteur de Baesten, d'une somme de 6054 florins, montant de toutes les traites échues et à échoir, dont ce dernier était porteur :

Il lui cède en paiement 120 balles de café-triage qu'il avait à l'entrepôt de Bruxelles, pour 5376 florins, et s'engage à payer la somme de 678 florins, pour solde, dans la journée du lendemain.

Le 28, cet acte est décrété par condamnation vo◄ lontaire, et de suite, commandement est signifié à Cuvelier, de livrer les 120 balles de café, sinon de payer dans les 24 heures la somme de 5376 florins, à peine d'exécution.

L'huissier déclare en même temps saisir et arrêter de la part de Baesten, toutes les marchandises et

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les meubles garnissant la maison, pour la sûreté de cette somme, et de celle précitée de 678 florins.

Le même jour encore, commandement de payer

cette dernière somme.

Il paraît que Cuvelier abandonna aussitôt sa maison et même la ville.

Le 2 mars, l'huissier fait un commandement itératif de satisfaire au montant de la condamnation sauf déduction de fl. 1005-13-2, reçus à compte et se présente pour exécuter les meubles il se représente, à la même fin, les deux jours suivans.

:

Le 5, Baesten obtient du juge la permission de procéder à la vente des marchandises et effets de Cuvelier, à concurrence de la somme restante à payer.

La vente eut effectivement lieu, et le 7 du même mois, il prit des mesures pour se saisir des deniers à provenir de cette vente; mais il ne put les toucher parce que l'endosseur de la première lettre de change, qui en avait payé le montant, avait formé -opposition pour le recouvrer sur le prix de cette même vente, prétendant que l'acte du 27 février avait opéré novation, et l'avait libéré.

Dans l'intervalle, les créanciers de Cuvelier s'assemblèrent et lui accordèrent un délai de six semaines pour déposer son bilan : le 10 juin ils acceptèrent .sa cession, nommèrent un syndic à la créance, qui forma opposition à la remise des deniers de la vente mobiliaire.

De-là est née la contestation : le syndic soutint la validité de sa saisie-arrêt, sur le fondement que l'a

faillite

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faillite de Cuvelier avait commencé au moins le 28 février 1789, jour de la disparition du débiteur.

Les échevins, par sentence du 2 mars 1792, admirent le sindic à prouver ce fait.

Des témoins furent entendus de part et d'autre devant le tribunal civil de la Dyle, et la cause ayant été portée ensuite au tribunal civil de l'arrondissement de Bruxelles, il a été rendu le jugement suivant:

<< Considérant qu'il résulte, tant de l'aveu des par<< ties que des enquêtes et des pièces, qu'il y avait << protêt de lettres de change, fuite ou latitation de << Cuvelier, et cessation de paiement;

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« D'où résulte clairement que la faillite de Cuvelier « date du jour de sa retraite et même de la veille, «< d'où il suit encore que le demandeur Baesten n'a « pu obtenir préférence pour l'exécution qu'il avait << commencée le 28 février;

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« Déclare Baesten non fondé ni recevable; ordonne << que les deniers provenant de la vente seront répartis << entre les créanciers; condamne Baesten aux dommages-intérêts et aux dépens. >>

En appel, ce créancier a dit pour griefs :

Que Cuvelier était à la tête de ses affaires, le 27 de février, jour de la passation de l'acte; que le protêt fait sur Goublon ne constituait pas Cuvelier en faillite, puisqu'il lui était étranger; que la condamnation volontaire décrétée le 28, le commandement de ce jour pour obtenir la livraison des cafés ou le paieTome I, N.° 7.

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ment de la somme qu'ils représentaient, les arrêtssaisies pratiqués sur les meubles et le deuxième commandement, afin de paiement des 678 fl. restant à payer, étaient autant d'actes valables, puisqu'ils avaient eu l'existence lorsque Cuvelier était en son entier ;

Que, si Cuvelier avait failli depuis, cette faillite postérieure ne pouvait enlever à ces actes la force qu'ils avaient d'assurer les meubles et leur produit à l'appelant, premier saisissant par exécution.

Il attribuait la fuite de Cuvelier, constatée par l'enquête, à une autre cause que celle de la déconfiture.

D'abord, il ne s'était retiré que deux ou trois jours de son domicile, vraisemblablement par la crainte des suites du stellionat qu'il avait commis en vendant à Baesten des cafés déjà vendus à d'autres; et pendant cette courte absence, sa fille de boutique, qui tenait son commerce, a géré pour lui.

Le sieur Étienne Deslandes, nouveau sindic, a réfuté ces griefs par les motifs qui ont déterminé la décision de la Cour.

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« L'appelant est-il fondé à demander préférence << sur les deniers provenus de la vente des meubles «<et effets de Cuvelier ;

« Sur quoi :

Attendu que les circonstances établies au pro« cès, et nommément l'exigibilité, avouée par Cuve«lier, des effets échus, la fuite momentanée du dé

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