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Interpretation. - Legs. · Libération

Renonciation.

1.o LA remise faite, par un acte à cause de mort de tout ce que le débiteur doit, à celui qui doit, soit une rente foncière, soit une rente constituée à prix d'argent, n'emporte pas, malgré la généralité de l'expression, l'extinction du capital, mais seulement des arrérages exigibles, bien que la remise soit subordonnée à une charge.

2.0 L'héritier fideicommissaire qui dans une quittance reconnaît que les biens substitués sont dans la libre disposition du grevé, n'est pas par cela seul présumé renoncer ou avoir renoncé au fidéicommis établi en sa faveur.

«

QUELQUE généraux que soient les termes dans «<lesquels une convention est conçue, elle ne com« prend que les choses sur lesquelles il paraît que' << les parties se sont proposé de contracter ». Art. 1163 du code."

Cette règle d'interprétation a une fréquente application dans la pratique, en matière d'actes conventionnels, même pour expliquer ceux qui sont antérieurs au code civil, étant fondée sur la saine raison, et tirée d'ailleurs du droit romain; elle est quelquefois étendue aussi aux libéralités.

La nécessité de recourir à un motif de décision qui, Tome 1, N.° 8.

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les termes dubitatifs dans lesquels il est conçu par tels que les mots : il paraît, etc. annonce qu'il ne répand qu'une lumière pâle et incertaine, doit avertir les notaires du soin qu'il convient d'apporter dans la rédaction de la volonté des parties et des testateurs : si ce que les disposans ont voulu n'est pas rédigé d'une manière précise; tantôt on donnera plus à ce qu'on a vraisemblablement pensé qu'à ce qui est écrit, tantôt plus aux dénominations qu'aux choses: l'intention et le vœu des contractans et des auteurs d'actes testamentaires seront souvent compromis.

Deux arrêts, l'un de Liége, l'autre de Bruxelles, attesteront l'incertitude où se trouvent les juges, par le défaut de précision dans les actes.

Cour de

Liige.

Ire ESPÈCE.

LE 24 décembre 1771, Théodore de Bellefroid fit devant son curé (*) et en présence de deux témoins, la déclaration suivante :

« Qu'en cas que Dieu l'appelle de ce monde de la maladie ou accident dont il se trouve acca« blé, il quitte ou remet à sa belle-sœur, veuve de « feu Frederic Bellefroid, où ses enfans, tout ce << qu'ils peuvent lui devoir; voir et à condition qu'ils « ne pourront rien exiger d'aucune prétention qu'ils « pourraient prétendre ou former à ses charges << sinon il déclare pour lors la grâce qu'il leur fait,

(*) Il est à remarquer que, dans les pays de Liége et de Namur, les curés, à défaut de notaires, étaient habiles à rédiger des testamens et codicilles,

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«être de nulle valeur. Ainsi fait en présence de «N. N., qui ont signé la présente quittance..... »

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Le jour suivant, Théodore Bellefroid mourut; il avait institué le sieur de Tornaco pour son héritier universel, par un testament du 23 janvier, même année.

La veuve Frederic Bellefroid devait à cette époque à la succession de son beau-frère, deux arrérages d'une rente d'environ 23 muids d'épeautre, et un arrérage d'une rente de 40 florins.

L'héritier, croyant que l'acte de décharge du 24 décembre ne concernait que ces trois arrérages, voulut obliger la veuve à payer les canons échus après la mort de Théodore; mais celle-ci s'opposa à cette demande; de là procès par-devant le ci-devant conseil de Namur, qui, après avoir ordonné une enquête, condamna la veuve à payer les échéauces postérieures à la mort de Théodore de Bellefroid. Pour faire réformer ce jugement, l'on a dit en instance d'appel :

Que l'acte du 24 décembre 1771 est un codicille qui contient un legs; qu'ainsi il faut donner à la clause l'interprétation la plus étendue dont elle est susceptible;

Que le testateur a déclaré de remettre à sa bellesœur ou à ses enfans tout ce qu'ils lui devaient ;

Que le mot tout n'exclut rien; qu'ainsi il comprend non-seulement les arrérages, mais encore le principal des deux rentes;

Que le testateur dit qu'il fait une grâce à sa

belle-sœur ; que cependant il n'y aurait de sa part ni grâce, ni libéralité, si la remise ne concernait que les trois arrérages dus à l'époque de la mort, parce que les prétentions de la veuve, auxquelles elle a été obligée de renoncer, surpassaient le montant de ces arrérages;

Qu'on ne peut avoir aucun égard à l'enquête ordonnée par le premier juge, 1.0 parce que cette enquête était proscrite par l'article 19 de l'édit perpétuel de 1611, qui était alors en vigueur dans le ci-devant comté de Namur ;

2.o Parce que des trois témoins entendus, les deux premiers étaient les domestiques du testateur, dont d'ailleurs les dépositions sont insignifiantes, et que le dernier était le receveur de l'héritier institué;

Qu'enfin, le testament conjonctif, fait le 23 janvier 1771, par Théodore de Bellefroid et son épouse, n'avait pu mettre le testateur dans l'impuissance de disposer d'un immeuble en faveur d'un autre que de l'héritier universel institué par ledit testament, par le motif qu'un testament conjonctif contient deux testamens, et que le survivant des deux époux peut révoquer ou changer celui qui concerne les biens venant de son côté.

Le demandeur intimé a répondu :

Que l'acte du 24 décembre n'était point un codicille, ni un testament, mais une donation à cause de mort, qui, faute d'acceptation, est restée imparfaite;

Qu'en le considérant comme une quittance ou comme un acte de libération, cette pièce ne pourrait

être applicable qu'aux choses dont on a parlé; que Théodore a fait remise de tout ce que sa bellesœur lui devait; que celle-ci ne lui devait que trois arrérages, qu'ainsi il n'y avait remise que pour ces trois arrérages; que le principal desdites rentes n'étant pas dû, il ne pouvait être compris dans ledit acte, parce que les termes ne recevaient leur application qu'aux objets qui étaient dus ; que d'ailleurs les 23 muids n'avaient point de principal, puisque c'était une rente foncière et non rachetable

Que la veuve de Fréderic n'a jamais eu de prétentions à charge de Théodore; qu'elle ne justifie d'aucunes; que la remise des arrérages est donc une pure libéralité d'autant plus grande, que le montant de ces trois arrérages égalait à-peu-près le revenu d'une année de Théodore de Bellefroid;

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Que l'enquête établit avec évidence que l'intention de ce dernier était de donner quittance des arrérages, et non d'éteindre les rentes ;

Que l'acte du 24 décembre a été fait à Huy, domicile de Théodore; qu'au pays de Liége, l'édit perpétuel n'avait pas force de loi, et que le conseil de Namur avait pu, dans l'espèce, ordonner une enquête, qui avait été commencée et achevée sans opposition de la part de la partie défenderesse ;

Que le moyen tiré du testament conjonctif de Théodore et de son épouse, était décisif;

Que les testateurs avaient formellement déclaré que leur commun testament pourrait être changé, révoqué, voir conjointement et point autrement;

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