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SAISIE-EXÉCUTION.-Préférence.-Appel.

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1.o LE créancier, saisissant par exécution les meubles du débiteur commun, a-t-il un droit de préférence sur les créanciers opposans au prix de la vente des objets saisis?

En d'autres termes; la créance du saisissant, par exécution, est-elle privilégiée, ou bien, le privilége de la saisie-exécution se borne-t-elle aux frais de poursuite ?

2.o L'appel est-il valablement signifié au domicile élu dans l'exploit de signification du jugement dẹ première instance ?

RIEN de plus naturel que l'attachement d'un peuple à ses coutumes; rien de plus entraînant que leur empire aussi, quand une loi nouvelle vient renverser un usage établi, pour peu qu'elle soit obscure, on tente de la rattacher à la coutume et de la faire plier sous son joug.

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Et si ce que nous observions était également observé par nos voisins, si sur-tout il est en harmonie avec les lois romaines, presque généralement adoptées comme raison écrite, on se persuade difficilement que le législateur qui reforme y a apporté quelque changement.

Tome 1,

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Ces réflexions s'appliquent au droit de préférence que la coutume de Bruxelles, art. 114, accorde au créancier qui le premier a exécuté et fait inventorier les meubles du débiteur commun, non tombé en faillite.

L'ensemble des dispositions du code, au titre des priviléges et hypothèques, semble le proscrire; c'est ainsi que la Cour l'a jugé.

On puisait la justice de la disposition coutumière dans diverses règles et maximes de droit: qui prior est tempore, potior est jure. Is prævalet qui prævenit. COD. Qui pot. in pign. hab. vigilantibus jura scripta sunt, et autres semblables.

Le droit radical était pris aussi des lois romaines qui avaient admis le gage prétorien en faveur de ceux qui faisaient exécuter un jugement légal, de l'autorité du magistrat. L. 10 ff., qui pot. etc.

Le gage était conféré à Bruxelles, au moment de la confection de l'inventaire.

On a vu deux huissiers, entrant en même-temps dans la maison d'un débiteur, munis tous deux d'un ti tre exécutoire, se mesurer pour avoir l'avantage de gagner la primauté dans la confection de l'inventaire; le plus fort expulsa son confrère, et donna par ce moyen la préférence à son commettant.

Les provinces voisines et les Allemands avaient aussi adopté le gage judiciaire avec plus ou moins de formalités; les Hollandais ne l'admettaient pas (*).

(*) Voyez Vanleeuwen, Censura forensis, lib. 4, cap. 9, n.o 14.

Il paraît qu'en France la jurisprudence variait sur ce point dans les diverses provinces.

Quelles que fussent les lois anciennes, il s'agissait d'apprécier les dispositions du code, sur la ma

tière.

L'article 2102, n.o 2, place dans les créances privilégiées sur certains meubles, la créance sur le gage dont le créancier est saisi.

Le législateur a-t-il compris dans cette dénomination le gage judiciaire, comme le gage conventionnel? Voilà, en dernière analyse, toute la difficulté développée dans l'espèce suivante.

La maison Daniel Danoot fils et compagnie, banquiers, à Bruxelles, était demeurée créancière, en vertu d'un titre exécutoire, de la demoiselle Walckiers, de la somme de 35736 fr., faisant partie d'une créance de 95736 fr., pour le principal, et de 7059 fr., pour intérêts et frais, en y comprenant une reconnaissance de 1200 fr.

23 frimaire an XIV.

- Commandement de payer les deux sommes, se montant à 42795 fr.

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27 du même mois. Commandement itératif, par lequel, pour éviter tout incident sur la liquidité du second objet, MM. Danoot se bornent à exiger le premier.

Le lendemain 28, la demoiselle Walckiers s'adressa au tribunal civil de Bruxelles, pour en obtenir un sursis à l'exécution: elle l'obtint, à la charge

d'intenter action en nullité des commandemens dans la quinzaine.

29 frimaire. MM. Danoot présentent requête en référé : ils demandent qu'il leur soit permis d'assi gner à la première audience, en observant que le cas requérait la plus grande célérité.

2 nivôse. Nouvelle pétition, suivie d'une apostille, qui permet d'assigner au 7 du même mois.

Par une suite d'incidens, la cause ne put être plaidée au fond immédiatement; ce ne fut le que 18 février 1806, que le tribunal leva le sursis, en déclarant la demoiselle Walckiers non recevable en nullité des commandemens.

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y eut appel, et le 27 mai, le jugement fut confirmé.

Dans l'intervalle, la dame de Montmorenci, épouse de M. de Lorraine-Vaudemont, obtenait contre la demoiselle Walckiers des jugemens par défaut, et, n'étant arrêtée par aucun obstacle, elle faisait procéder à la vente du mobilier du débiteur commun pour une somme de 54974 fr.

La maison Danoot forma, entre les mains de l'huissier saisissant, opposition au prix des diverses ventes, qui eurent lieu dans le courant des mois de janvier et de février 1806; conséquemment, avant la levée du sursis en appel, et qui donnèrent un produit de 23790 fr. 47 cent.

La dame de Montmorenci-Vaudemont se pourvut

en main-levée d'opposition, et réclama la préférence sur la maison Danoot, qui soutint que l'opposition avait conservé ses droits, et que les deniers provenant des ventes devaient se partager par contribution, la demanderesse n'étant privilégiée que pour les frais de poursuite.

Les conclusions de la dame de Vaudemont furent accueillies par le premier juge, sur le motif que, pour acquérir un droit de préférence, il ne suffit pas de faire de simples commandemens, mais, que pour avoir droit d'affectation, il faut saisir et in

ventorier.

On voit que le tribunal civil de Bruxelles a plutôt supposé la permanence du gage prétorien, qu'il n'a examiné s'il avait survécu à la nouvelle législa tion.

Et en effet, le moyen pris du code civil n'avait été que faiblement indiqué dans la plaidoirie.

En appel, la difficulté roula sur cette unique question.

Une préférence sur les meubles ou sur les deniers qui les représentent, ont dit MM. Danoot, ne peut provenir que d'un privilége: la raison en est simple c'est que, comme l'énonce la loi nouvelle, dans ses dispositions générales sur les priviléges et hypothèques, les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers. Et le prix s'en distribue entr'eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.

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