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boles ont généralement des formes émoussées et arrondies avec des surfaces lisses et luisantes qui font juger qu'ils ont été ou roulés ou fondus. Comme j'en avois vu, et en abondance, de tout semblables, sur le Puy-de-Coran en Auvergne, où la plupart sont encore à moitié engagés dans des scories très fraîches, je n'étois pas disposé d'abord à admettre qu'ils eussent pu prendre cette apparence par une autre cause, que celle qu'indique Joinville, c'est-à-dire uniquement par fusion; cependant en y pensant de nouveau et considérant qu'il y a plusieurs indices que la mer ait battu ce parage pendant long-temps, je ne suis plus éloigné de regarder ces amphiboles comme ayant été aussi vraiment roulés et usés par le frottement. Voici au reste ce qu'en dit Joinville (c'est le n° 8 de son Catalogue):

« Schorls noirs volcaniques. Ils sont, ainsi que les micas, >> répandus sur la surface du terrain, auprès de Cabaunes. » Quelques-uns laissent apercevoir la forme d'un prisme à 6 » pans terminé par une pyramide dièdre. [Voyez la Cristal» lographie (de Romé-de-Lisle), tome II, pag. 389, var. 6.] » (C'est, comme je l'ai déjà remarqué, l'amphibole équi-différent de M. Haüy. Romé-de-Lisle dit que ces cristaux, d'un noir luisant, attirables à l'aimant, rares et inconnus jusqu'alors, se trouvent en grand nombre parmi les produits volcaniques de la Carboneira près du cap de Gates en Espagne.) « Ce qu'il y >> a surtout de remarquable, reprend Joinville, c'est qu'ils sont >> tous recouverts d'une croûte vitreuse. Les angles des prismes >> en sont arrondis, et quelquefois le schorl est entièrement changé >> en verre noir volcanique qui conserve pourtant intérieurement >> un tissu lamelleux. » Si cet auteur y eût fait plus d'attention encore, il auroit pu faire valoir, comme quelque chose de trèsspécieux, pour son opinion, qu'outre ce tissu lamelleux, on voit souvent une cassure compacte, conchoïde, lisse et luisante, et à petites parties, ou granuleuse, qui, comme je l'ai déjà dit (pag. 164 de ce Mémoire), imite parfaitement celle du bitume solide. J'ai une masse de cet amphibole de Beaulieu, grosse comme un œuf de poule, qui ne présente de tous côtés que des aspérités irrégulières avec de petites faces conchoïdes unies, noires et brillantes qui font qu'au premier coup d'oeil, et s'il n'étoit permis de la soulever ni de la tâter, on pourroit prendre cette substance pour toute autre chose que ce qu'elle est en effet et probablement du moins pour de l'obsidienne. J'avois trouvé aussi un morceau à peu près semblable sur le Puy-de-Corent.

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Joinville dit encore : « Tous ces schorls donnent en les frot» tant, l'odeur de corne brûlée, et scintillent sous le briquet. La masse dont je viens de parler produit aussi très-bien cet effet, quoique d'ailleurs elle ait peine à rayer le verre.

Quelques-uns de ces amphiboles présentent des cavités irrégulières à parois unies, et des trous ressemblans à des piqûres de vers avec des cannelures ou stries qui annoncent que ce sont des impressions. En les examinant attentivement j'ai retrouvé en effet dans plusieurs de ces vides, des tronçons adhérens de prismes hexaèdres légèrement translucides, d'un éclat médiocre et un peu gros quoique vitreux, d'une nuance grisâtre, ou blanchâtre sale tirant au pourpré, et qui enfin ont très-bien l'apparence d'émeraude-béril, de topaze-pycnite ou de chaux phosphatée. On doit penser aussi à la nepheline. La rareté de cette substance et la petitesse des cristaux ne m'a pas permis d'en faire tous les essais desirables. Je me suis assuré cependant qu'elle a de la peine à rayer le verre et qu'elle s'égrise elle-même plutôt que d'y mordre. En la soumettant à l'épreuve du chalumeau, je n'ai pu venir à bout de la fondre; et enfin, d'après diverses expériences comparatives, comme d'après plusieurs rapprochemens, je me suis assuré à peu près que c'est de la chaux phosphatée.

MM. d'Albertas m'avoient noté qu'on rencontroit encore dans le champ dont il s'agit, et dans les ravins au-dessous, des grenats ferrugineux, les uns fort rares, assez gros et amorphes, les autres petits, d'un rouge clair et disséminés dans la terre. J'en trouvai effectivement, de ces derniers, un, seul et bien petit, mais d'un beau rouge transparent et parfaitement reconnoissable, ce qui me suffit pour n'avoir point de doute sur les autres. Je n'avois pas le temps de faire de plus longues recherches, non plus que de m'occuper de tous les détails.

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Cependant, je trouvai là encore une chose à laquelle je ne m'attendois pas et qui me fit plaisir. Ce fut un opercule de coquillage marin, parfaitement entier et seulement décoloré. Si, comme on ne peut guère le supposer, cette pièce n'a été transportée ultérieurement et par accident, c'est un fait de pluspour appuyer la présomption que la mer couvroit ce lieu dans le temps même où le volcan, vrai ou faux, y déposoit ses matières; et qui sait si cet opercule n'a pas été vomi par ce volcan, aussi bien que toutes ces substances, les micas, amphiboles, grenats, etc., qu'il est si étrange de voir ici, à la surface du terrain, pêle-

mêle avec des débris de calcaire secondaire, tandis qu'elles ont appartenu sans doute au sol le plus profond?!....

De là, je m'avançai vers une petite fontaine qui se trouve au sud du champ, arrosant des prairies situées sur la pente audessous. L'eau de cette fontaine à laquelle je m'arrêtai un moment pour me rafraîchir, me parut fort bonne et sans aucune saveur minérale. En avançant encore, je redescendis pour gagner la pente au-dessous et à gauche de Cabannes.

Les amphiboles existent sans interruption à ce qu'il paroît, depuis le champ d'au-delà de la fontaine, et, d'après la note de MM. d'Albertas, ils ne cessent que passé la maison de Cabannes; mais ce ne fut qu'ici que je recommençai à trouver le mica, et ce mica n'étoit plus épars, en général du moins mais bien, compris dans une roche qui mérite encore une attention particulière.

Au premier aspect, on la prendroit pour le basalte ordinaire, et c'est aussi ce que je fis avec d'autant plus de confiance que je croyois y voir du pyroxène et même du péridot altéré; mais j'y voyois aussi du mica très-apparent, ce qui est au moins fort rare dans le basalte. M. Brochant, dans son Traité de Minéralogie, composé d'après les auteurs allemands, dit, à l'article des flatz-trapp ou traps secondaires (pag, 606 du tome II): que la wake tient comme le milieu entre l'argile et le basalte, qu'elle ne contient ni olivine ni augite, mais des cristaux de hornblende basaltique, et surtout du mica noir hexagonal, qui la caractérise particulièrement et la distingue du basalte qui n'en contient que très-rarement. Quand cette phrase auroit été faite tout exprès pour la roche dont je parle, elle ne pourroit s'y appliquer mieux, car c'est précisément de l'amphibole et du mica noir hexagonal que contient cette roche; et cela m'ayant engagé à en examiner la pâte de nouveau, j'ai reconnu que cette pâte est aussi un peu moins dure que le basalte, qu'elle a un aspect tant soit peu terreux, et surtout qu'elle paroît sujette à se décomposer assez facilement, Enfin je l'ai regardée comme un trapp intermédiaire au basalte et à la wake, ce qui fait que je la nomme wake basaltique. Un autre trait qui peut contribuer à en assurer la distinction, c'est qu'il y a souvent, mélangées, et intimement comprises dans son intérieur, des parties trèssensibles d'une substance compacte blanc grisâtre qu'on prendroit pour être la même qui constitue cette sorte de porphyre basaltique dont j'ai parlé dans la première section (pag. 161), mais que

son effervescence bien marquée au contact d'un acide, décèle pour être de véritable chaux carbonatée. Ce n'est pas que le franc basalte ne soit sujet à contenir aussi des parties calcaires (1); il y en a des exemples à Beaulieu même à ce qu'il paroît (d'après Saussure, § 1525, pag. 322), mais enfin je crois que cela est plus rare. Comment expliquer cependant cette réunion singu lière de matières primitives, mica, péridot, et d'autres probablement, avec une matière secondaire, le calcaire compact, au sein d'une matière dont on veut douter qu'elle soit volcanique!... Pensons donc que c'est ici comme au Mont-Albano près de Rome, aux champs Phlégréens, etc., l'effet d'une véritable éruption souterraine.

La wacke basaltique devient de plus en plus sensible et remarquable, à ce qu'il me parut, à mesure qu'on s'avance davantage au-dessous de Cabannes, et j'en vis des morceaux d'un gros volume et d'un très-bel effet. Le mica y est assez abondant, et comme il s'en détache facilement une partie, on ne peut guère douter que ce ne soit d'une semblable roche que soient provenues ces lamelles qu'on trouve éparses dans le champ dont j'ai parlé, d'autant mieux encore que c'est absolument la même variété. Il faut probablement en dire autant des fragmens d'amphibole.

A l'est et au-dessous de la maison de Cabannes, on a pratiqué, dans le flanc même de la colline, de beaux ouvrages de maçonnerie en pierres de taille pour procurer un peu d'eau à un jardin, encore fort petit, alors que je le vis, mais qui devoit sûrement être agrandi. Au reste, je crois ne pouvoir mieux faire que de rapporter ici ce que dit l'exact Joinville qui a examiné mieux qu'aucun autre, sans que je m'en excepte, et très-bien décrit, les environs de Cabannes. « Cabannes est bâti sur un banc de » marne qui contient des peignes, des cames fossiles et quelques >> petits morceaux de bois pétrifié. En quittant la maison pour » aller à la colline volcanique, on suit encore la marne, l'espace » de quelques toises; mais on se trouve aussitôt, sans avoir

(1) Voyez d'abord l'article Basalte dans la Minéralogie de M. Brochant.M. Daubuisson a observé de petits grains de chaux carbonatée dans le basalte d'Altenberg en Saxe (Mém. Basalt. Saxe, pag. 37). - MM. Faujas et Saussure en ont reconnu des parties plus considérables dans celui de Rochemaure, ou environs, en Vivarais (Saussure, § 1611);-et le célèbre Werner en a vu une si grande quantité dans le basalte de Carlsbad en Bohême, que l'on s'en sert pour faire de la chaux (d'Aubuisson, loc. cit., pag. 85-86).- etc.

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>> changé de niveau, sur un banc composé d'argile et de petits galets calcaires qui forment un pouding qu'on a pris pour » de la pozzolane, parce qu'il s'y rencontre des fragmens de laves (c'est le tuff basaltique ou peperin dont il a été question plus haut). Je regarde l'argile qui empâte les galets comme » le produit de la décomposition des cendres volcaniques. On » distingue ce banc, en descendant la colline vers le sud-est jus» qu'à 60 pieds environ en hauteur perpendiculaire. M. d'Etienne, >> conseiller au parlement et propriétaire de Cabannes, y a fait >> percer des galeries latérales à la profondeur de 48 pieds pour »se procurer de l'eau d'arrosage. Les ouvriers y ont trouvé >> des morceaux de bois changés en charbons fossiles. » (MM. d'Albertas ont recueilli dans les amas de terres remuées par ces travaux, des grenats imperceptibles, de petits cristaux d'idocrase, et quelquefois du péridot avec grenats.)

<< Au-dessous (continue Joinville) est un autre banc d'argile >> coloré tantôt en rouge, tantôt en jaune, tantôt en terre d'om»bre, et mêlé de quelques schorls noirs si décomposés qu'ils » se frittent sous les doigts à mesure qu'on veut les enlever. Après cela on ne rencontre plus que des matières calcaires ou marneuses qui recouvrent ces argiles volcaniques. » (Voilà encore un exemple de superposition du calcaire aux matières trappéennes, qui mérite beaucoup d'attention.)

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Comme j'ai, ainsi que de Saussure, le regret de n'avoir pas fait assez d'attention à ces argiles, et que cela forme un objet important dans la théorie des trapps secondaires, je vais rapporter ce qu'en dit encore ailleurs de Joinville. No 5 (du Catalogue des matières volcaniques de la Trevaresse). « Argiles vol»caniques de plusieurs couleurs. Elles forment des bancs du » côté de Cabannes à 60 pieds au-dessous de la surface du >> terrain; elles paroissent avoir été rejetées dans le même état » où on les voit aujourd'hui..... Elles sont parsemées de micas » jaunes et blancs qui n'ont subi aucune altération. J'y ai trouvé » aussi, mais en petit nombre, quelques fragmens de schorls » noirs friables. » Et ailleurs (au no 1 où il est question du basalte), « Cette lave est placée immédiatemment sur les argiles » no 5. Elles prennent dans leur décomposition la forme pris>> matique et la sphérique. Les prismes qui en résultent sont » toujours fort irréguliers et représentent dans leurs configura» tions les fragmens d'une argile sèche qu'on briseroit. On n'y »yoit point de forme basaltique.... » A ces derniers traits on

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