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Nous trouvafmes feulement quelques calmes durant lefquels les Courans nous firent approcher fort prés des coftes de l'Amérique.Nous cufmes auffi quelque gros temps dans les Mers du Cap de Bonne - Efperance, & par le travers du Banc des Aiguilles 4. Nous n'avions point encore vû la Mer fi agitée, mais nous craignions affez peu, parce que nous estions bien loin des terres. Les vents furieux qui élevoient les vagues auffi haut que des Montagnes, ne nous empefchoient pas de faire nos quatre-vingt & cent lieuës par jour. H y avoit de la fatigue, mais quel plaifir auffi de fe voir avancer à fi grandes jour. nées vers fon terme ! Avec cela

Ce Banc eft au delà du Cap de BonneEfperance, à la pointe la plus méridionale de I'Affrique.

nous avions le divertiffement d'une Chaffe & d'une Pefche toute nouvelle. On tiroit les Poiffons en volant, & on prenoit les Oyfeaux à la Ligne. Cela vous paroiftra extraordinaire, & rien n'eft pourtant plus vrai. Les Marfoüins ou Cochons de Mer font des Poif fons; lorfqu'ils paroiffoient hors de l'eau, & qu'ils s'élançoient, on les frappoit à coups de dards; & les Damiers, qui font des Oy feaux, venoient fe prendre fur la fuperficie de l'eau à des Hameçons où eftoient attachez des appas. Jamais je ne vis tant d'Oyfeaux, fur tout de ces Damiers, que dans ces vaftes Mers, qui font entre le Cap de BonneEfperance & l'Ile de Java. Les froids qui fe rendent fenfibles en ces quartiers-là, aprés qu'on eft forti de la Zone torride,

cauferent le Scorbut à une gran de partie de noftre Equipage, trois hommes en moururent af

fez promptement. La crainte de la mort difpofa deux de nos Matelots; l'un Suédois & l'autre Hollandois, à écouter plus volontiers nos inftructions, & à faire enfuite abjuration du Luthéranifme. Enfin nous découvrifmes les terres de Java.

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L'endroit our nous allafmes reconnoiftre cette Ifle, eftoit plus loin de foixante lieuës vers POrient qu'il ne falloit. On voit. là des Montagnes auffi hautesque celles de Voges a; mais en retournant fur fes pas vers l'entrée du détroit de la Sonde, les terres s'abaiffent, & l'on découvre de belles & grandes plaines, parfemées de bocages, d'efpace

a Ces montagnes féparent la Lorraine de PAlface,

en espace, & ornées d'une infinité d'arbres extraordinaires,de Cocotiers, de Bananiers, &c. Je ne fçay fi ce païs eft véritablement auffi-beau qu'il nous le paroiffoit de loin. Car les yeux d'un homme enfermé dans un Vaiffeau depuis quatre mois font bien trompeurs. Toute terre luy fait un agréable fpectacle. Un Rocher fur lequel il apperçoit quelque verdure, le réjouit. Enfin rien n'eft fi trifte que voir toujours un Vaiffeau & toûjours la Mer. On avoit ordre de moüiller à l'Ifle du Prinee a, pour y faire en passant du bois & de l'eau, & non pas l'Ifle de Java, qui appartient aux Hollandois; de peur que ces Meffieurs fortifiez de cinq ou fix Vaiffeaux d'Angleterre & de

de

a Elle eft prés de l'Ile de Java,à l'entrée du détroit de la Sonde.

lear Nation, dont il y en a tou jours plufieurs à Bantan a & à Batavieb, ne nous inquiétaffent.. Neanmoins comme l'Ifle du Prince eft deferte, & qu'il y a beaucoup de Tigres, elle n'ef toit propre ni à mettre nos malades à terre, ni à nous fournir les rafraîchiffemens, dont nous. avions befoin. Il falloit donc à tout hazard'aller à l'Ifle de Java» & jetter l'ancre près une habitation de ces Infulaires.

Un petit Brigantin garde-côte vint d'abord nous reconnoiftre & nous demander de la part des Hollandois,qui nous estions. On dit au Capitaine pour l'amufer, de nous aller chercher des Boeufs, des Cabris, des Poules & d'autres rafraîchiffemens.

a Bantan & b Batavie. Ce font les deux principales Villes de l'Ile de Java. Le Roy de Bantan eft depuis quelques années tributaire des Hollandois.

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