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Ce monarque s'était reconnu dans l'impossibilité de reconquérir le royaume des Pays-Bas; il avait donné un démenti à sa devise: Je maintiendrai.

En s'adressant aux cinq Cours qui, en 1814 et 1815, avaient décidé du sort de la Belgique, il leur attribuait un droit d'intervention, une espèce de haute tutelle dérivant des traités de Paris et de Vienne.

des Pays-Bas, est du 5 octobre 1850. Elle contient un exposé des faits assez étendu, et la conclusion suivante :

« Et comme l'assistance des alliés du roi pourra seule rétablir la tranquillité dans les provinces méridionales des Pays-Bas, j'ai en même temps reçu l'ordre de demander qu'il plaise à Sa Majesté Britannique de commander à cette fin l'envoi immédiat du nombre nécessaire de troupes dans les provinces méridionales des Pays-Bas, dont l'arrivée retardée pourrait compromettre gravement les intérêts de ces provinces et ceux de l'Europe entière.

» En m'acquittant, par la présente, des intentions de mon gouvernement, j'ai l'honneur d'informer Votre Excellence qu'une semblable communication est adressée à la Prusse, à l'Autriche et à la Russie, qui ayant également signé les huit articles (constitutifs du royaume des Pays-Bas), sont appelées, ainsi que l'Angleterre, à soutenir le royaume des Pays-Bas et l'état actuel de l'Europe, tel qu'il est établi par les traités, et qui, sans doute, jugeront convenable de se concerter, dans ces circonstances, entre elles, et avec la Grande-Bretagne et la France, concert dont l'envoi immédiat des troupes devrait toutefois être entièrement indépendant. »>

Lord Aberdeen ne répondit à M. Falck que le 17 octobre; il refusa l'envoi des troupes comme tardif, et annonça la réunion prochaine des plénipotentiaires des cinq Cours, en déclarant que le but principal du gouvernement britannique serait d'empêcher les troubles survenus dans les Pays-Bas de conduire à une interruption de la paix générale.

Par une note du 21 octobre, M. Falck accusa réception de la réponse de lord Aberdeen. Après avoir exprimé ses regrets du refus des secours militaires, et ses doutes sur l'efficacité des moyens diplomatiques, il sollicita en ces termes une déclaration de suspension d'armes :

« En conséquence, j'ai été chargé d'insister auprès de vous, pour que les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne et des autres Puissances appelées à s'occuper à Londres de l'œuvre de la médiation, soient engagés à déclarer, dans le plus bref délai, un armistice durant lequel les choses resteront, de part et d'autre, sur le pied actuel, et qui ne finira que pour être remplacé par les nouveaux arrangemens dont on sera convenu dans l'intervalle. Une telle déclaration, qui sera reçue avec reconnaissance par le gouvernement que je représente, ne peut manquer d'être également accueillie et respectée par les insurgés de la Belgique. (Papers relative to the affairs of Belgium. B. 1re partie, nos 1,2 et 3.) (Note de la troisième édition.)

Le roi Guillaume s'est élevé par la suite contre la dictature européenne que se sont attribuée les cinq grandes Puissances; mais n'avait-il pas été le premier à la reconnaître, à en provoquer l'action? Les cinq Cours ne se sont pas adressées à lui pour qu'il les autorisât à s'immiscer dans les affaires de son royaume; c'est de lui qu'est venue l'initiative: considérant son royaume comme une création diplomatique, il a fait un appel à la diplomatie. Il a dit aux Puissances: Vous m'avez donné une couronne en 1814; soutenez-la sur ma tête; elle tombera si vous n'étendez votre main sur moi. Et la couronne est tombée; car les Puissances ont pensé que, pour le salut de l'Europe, il convenait de proclamer la dissolution du royaume-uni des Pays-Bas, et l'indépendance de la Belgique.

Mais si, d'un côté, les Cours avaient le droit de reconnaître l'indépendance belge, d'un autre côté, c'était un devoir pour elles de ne pas souffrir qu'il fût porté atteinte à la nationalité hollandaise. Leur premier acte fut de proposer une suspension d'armes '; car la Hollande avait demandé merci.

Ce fut le 7 novembre 1830 que les deux commissaires de la Conférence, MM. Cartwright et Bresson, arrivèrent à Bruxelles; les barricades n'avaient pas encore disparu, et ils durent en quelque sorte les franchir pour arriver au palais où siégeait le gouvernement provisoire; ils apportaient cet acte qui devait en engendrer tant d'autres, le premier anneau de cette chaîne qui devait s'étendre autour de la révolution belge et l'envelopper.

La Conférence, dans ce premier protocole, proposait la cessation des hostilités, en assignant à la Hollande, comme ligne de l'armistice, les limites qu'elle avait avant

Protocole no 1, du 4 novembre 1850, signé : Esterhazy, Talleyrand, Aberdeen, Bulow et Matuszewic.

la réunion, c'est-à-dire avant le traité de Paris du 30 mai 1814, et en s'attribuant à elle-même le droit de faciliter la solution des questions politiques.

Ce protocole consacrait donc le principe de l'intervention en faveur des cinq Puissances, et le principe du postliminii de 1790 au profit de la Hollande.

Bien qu'issu de l'insurrection, et dans les premiers transports révolutionnaires, le gouvernement provisoire comprit la position de la Belgique et de l'Europe. Il connaissait les intentions et les embarras du cabinet français. Propager le mouvement dans les anciennes provinces hollandaises, prendre Maestricht, attaquer à ce point la Hollande dans son existence de peuple, c'était violer à son égard le principe de non-intervention, c'était autoriser ses alliés, la Prusse par exemple, à invoquer le casus fœderis, et à la secourir sur son territoire; c'était mettre la France dans l'alternative ou de nous désavouer en nous abandonnant, ou de se joindre à nous en courant toutes les chances de la guerre. Tel était le langage de M. Laffitte, alors président du conseil, et de ses collègues ; de plus, les ministres français refusaient de s'expliquer catégoriquement sur la question du Luxembourg. Le gouvernement provisoire prévint une conflagration générale, en adhérant au protocole no 1 '.

Il s'exprimait en ces termes dans son acte d'adhésion : <«< Les membres du gouvernement provisoire se plaisent à >> croire que des sentimens de sympathie bien naturels >> pour les souffrances de la Belgique, ont déterminé la >> mission toute philantropique dont les plénipotentiaires >> des cinq Puissances se trouvent chargés. Plein de cet espoir, le gouvernement provisoire, voulant d'ailleurs

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Ce premier acte, du 10 novembre 1850, est signé par MM. de Potter, comte F. de Mérode, Ch. Rogier, A. Gendebien, J. Vanderlinden, Jolly et F. de Coppin.

» concilier l'indépendance du peuple belge avec le respect » pour les droits de l'humanité, remercie les cinq Puissan>> ces de l'initiative qu'elles ont prise pour arrêter l'effu»sion du sang, par une entière cessation des hostilités qui existent entre la Belgique et la Hollande. »>

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M. de Potter, en ouvrant, le 10 novembre 1830, la session du Congrès, au nom du gouvernement provisoire, s'estima heureux de pouvoir faire part à l'assemblée des communications des Puissances. Le 16 novembre, M. Van de Weyer rendit publiquement compte de sa première mission à Londres. MM. de Potter et Van de Weyer furent couverts d'applaudissemens. Telles étaient les dispositions des esprits, tels furent les encouragemens que la diplomatie reçut à son début.

Les deux commissaires, MM. Cartwright et Bresson, firent leur rapport à la Conférence, et le 19 novembre ils étaient de retour à Bruxelles, munis d'un deuxième protocole, portant la date du 17, et renfermant la proposition d'un armistice, et d'une suspension d'armes comme mesure préliminaire.

Le 21 novembre, un dimanche, à quatre heures de l'après-midi, le gouvernement provisoire consentit à la suspension d'armes '.

Le protocole no 1 portait que les troupes se retireraient réciproquement derrière la ligne qui séparait, avant l'époque du traité du 30 mai 1814, les possessions du prince souverain des Provinces-Unies, de celles qui ont été jointes à son territoire pour former le royaume des PaysBas. Ces expressions recélaient dans leur laconisme un système entier de délimitation: ce n'est que depuis, qu'on a compris que les limites de la Hollande avant le traité

'L'acte est signé : F. comte de Mérode, A. Gendebien, S. Van de Weyer, Ch. Rogier, J. Vanderlinden, F. de Coppin et Jolly.

du 30 mai 1814, étaient de droit ses anciennes limites, et que le grand-duché de Luxembourg était considéré comme distinct du royaume des Pays-Bas, et par conséquent réputé en dehors de la suspension d'armes. Le gouvernement provisoire, dans son adhésion du 10 novembre, avait déclaré « qu'il entendait par la ligne proposée les limites qui, conformément à l'art. 2 de la loi fondamentale des Pays-Bas, séparaient les provinces septentrionales des provinces méridionales, y compris la rive gauche de l'Escaut. » Dans leur rapport à la Conférence, les deux commissaires s'exprimèrent en ces termes sur cette réserve: Il a été bien entendu entre M. Tielemans (délégué du gouvernement provisoire ), et nous, que nous n'admettions ce paragraphe que comme simple observation et comme l'expression d'une manière de voir sur une démarcation qui, suivant lui, était toujours restée incertaine. » En conséquence, dans son protocole no 2, la Conférence considéra l'adhésion comme pleine et sans réserve; et le gouvernement provisoire ne protesta point dans sa deuxième adhésion contre cette manière d'interpréter ses engagemens.

Nous avons beaucoup insisté sur les actes du 10 et du 21 novembre, parce qu'ils sont d'une grande portée; ce sont nos premiers pas dans la voie diplomatique; il nous était libre d'y entrer ou non; mais une fois engagés envers les Puissances, il nous devenait impossible de rétrograder. Il faut avoir l'intelligence de ces premiers faits, pour comprendre la marche de la révolution, qui, le 10 novembre, a quitté la rue et le champ de bataille pour passer dans le cabinet.

Jusque-là il n'avait pas existé de département spécial des affaires étrangères '; le gouvernement provisoire avait

Le gouvernement provisoire avait, dès les premiers jours de son institu

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