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comme un feu brûlant ne lui laiffe aucun re- CHAP. IV. pos jufqu'à ce qu'il ait confommé fon facrifice. C'eft celui, dit-il, qui eft mort pour >> nous que je cherche, c'eft celui qui eft reffufcité pour nous que je veux. Laiffez-moi la liberté d'imiter les fouffrances de mon Dieu. Que celui qui l'a déja dans son cœur,* > comprenne ce que je defire, & qu'il ait >> compaffion de moi, puifqu'il eft inftruit > des liens qui m'attachent à ce que j'aime. » C'est par le defir ardent que j'ai de mou

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rir que je vous écris. Car l'objet unique » de mon amour cft crucifié : & mon amour » pour lui fait auffi que je le fuis. Le feu qui » m'anime & qui me pouffe, ne peut souffrir aucun mélange, aucun temperament qui l'affoibliffe: mais celui qui vit & qui parle en moi, me dit continuellement au 5 fond de mon cœur»: Hâtez-vous de venir à mon Pere. Si quis illum in fe ipfo poffidet, intelligat quid volo,& compatiatur mihi, ut qui fciat qua me conftringant. Scribo vobis amore captus moriendi. Meus amor crucifixus eft. Et non eft in me ignis amans ullam aquam; fed vivens & loquens in me, intus mihi dicit: Veni ad Patrem.

corps:

4.Il eft dit de S.Laurent que le feu que J.C. allumoit dans fon cœur, amorti ffoit par fon activité le feu exterieur qui brûloit fon Segnior fuit ignis qui foris uffit, quam qui intus accendit. Et il eft dit encore de lui, qu'étant faintement enivré du fang de J. C. & qu'étant plein de la force & de la vie qu'il avoit puifée dans l'Euchariftie, il devint non feulement invincible dans des tourmens trèscruels & très-longs, mais même comme infenfible, tant il étoit au-deffus des douleurs

S. Leo,ferm. 83. n. 2.

CHAP. IV.

par

fa foi & par

fon amour; tant il étoit transformé en J. C. dont la puiffance s'étoit rendue maitreffe de l'infirmité de la chair. Illa efca faginatus, illo calice ebrius, torMif. in feft. menta non fenfit. Il en a été ainfi de tous les

Poftcom

S. Laur.

"

Martyrs, & principalement de ceux que J. C. a voulu rendre l'étonnement des perfecuteurs, & la confolation de l'Eglife, qui apprenoit par de tels exemples quel étoit de pouvoir de la grace, & combien elle étoit -fuperieure à tout ce que la malice des hommes & la fureur des démons pouvoient in

venter.

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en

5. Une Vierge d'Alexandrie, dont faint Antoine ne parloit qu'avec admiration, a été une preuve bien éclatante. Son nom étoit Potamiene : & nous apprenons fon martyre d'Eusebe & de Pallade, qui conviennent pour le fond, quoiqu'il y ait entr'eux quelques differences * en ce que l'un eft plus exact que l'autre. Elle fut condamnée comme chrétienne à être plongée dans une cuve pleine de poix ardente. Et comme on fe mettoit en état de lui ôter fes habits, elle pria les Executeurs de ce terrible fupplice, de ne la point dépouiller, mais en échange de cette grace, que la pudeur demandoit pour elle, de la plonger lentement dans la cuve, afin que la longueur de fes fouffrances fêt une preuve de la puiffance de J. C. & de l'amour qu'il lui avoit infpiré pour lui. Les Executeurs lui accorderent ce qu'elle demandoit,

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*Eufebe, hift. 1. 6.
dit qu'on commença par
brûler les pieds de Po-
tamiene, & qu'on conti-re, Hift. Lauf. c. 3.
aua jufqu'à la tête, & |

Pallade dans l'hift. Lau-
fiaque, rapporte la chofe
comme on vient de le di-

ils affecterent une telle lenteur à la plon- CHAP. IV. ger dans la cuve, qu'ils firent durer fon tourment pendant trois heures. Et ils prouverent ainfi, contre leur intention, combien la grace & la force de J. C. élevoient fes Martyrs au-deffus des plus longues & des plus cruelles épreuves.

S. 4. JESUS-CHRIST infpiroit aux Martyrs une force invincible. Prétendre que Dien diminuoit toujours le fentiment de la douleur dans les Martyrs, c'eft ôter à la grace de JESUS-CHRIST les preuves de fa puiffance fur les volontez, & aux Martyrs la gloire & le mérite d'une patience à toute épreuve.

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1. PLUSIEURS n'ont qu'une foible idée de cette force invincible de J. C. dont faint Paul parle fi dignement dans l'Epitre aux Remains. Qui nous feparera, dit-il, de Rom.8.35.39 l'amour de J. C. c'eft-à dire, de celui qu'il a pour nous, & de celui qu'il nous inspire pour lui?» Sera-ce l'affliction, ou les déplaifirs, ou la perfecution, ou la faim, » ou la nudité, ou les perils, ou le fer & » la violence? Mais parmi tous ces maux, » nous demeurons victorieux par celui qui nous a aimez. Per eum qui dilexit nos: c'eft-à-dire, par fon efficace & par la vertu. » Car je fuis affuré, continue l'Apôtre, certus fum, que ni la mort, ni la vie, »les Anges, ni les principautez, ni les puiffances, ni les chofes prefentes, ni les » futures, ni la hauteur, ni la profondeur, » ni toute autre creature, ne nous pourra jamais feparer de l'amour de Dieu en J. C.

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ni

CHAP. IV.

»notre Seigneur, c'eft à-dire, de l'amour que J. C. nous a mérité, dont il eft la fource, & qu'il nous infpire. Aucune creature, telle qu'elle puiffe être, ne peut vaincre cet amour, parce que celui qui l'infpire eft le Dieu toutpuiffant. Ce n'eft point la creature qui le donne ce n'eft point auffi la creature qui peut le furmonter. Saint Paul ne feroit affuré de rien, s'il fe fondoit fur l'inconftance de la volonté humaine. Tout feroit capable de. l'affoiblir, & tout le mettroit en danger: mais c'est dans la force de J. C. qui eft celle de Dieu même, qu'il fe fonde : & fa confiance n'eft ni vaine, ni préfomptueufe, ni exposée au danger d'être vaincue.

2. Comme il paroît plus aifé, felon nos penfées, que Dieu agiffe fur la matiere, dont tout le monde convient qu'il eft le maître ab. folu, que fur les volontez qui demeurent toujours libres, plufieurs s'imaginent que les Martyrs, & principalement ceux dont les tourmens font horreur, fentoient peu ce que les perfecuteurs leur faifoient fouffrir; & ils croient que J. C. adouciffoit leurs peines en diverfes manieres, ou par des extafes & des raviffemens: ou par des douceurs & des confolations fi fenfibles, qu'elles les rendoient indifferens à tout ce qui fe paffoit au dehors: ou par des miracles qui arrêtoient l'activité du feu, qui délivroient les Martyrs, qui puniffoient les tyrans, & qui tournoient contre les perfecureurs ce qu'ils avoient préparé contre les confeffeurs de fon nom. C'eft fur de femblables préjugez, que des hommes temeraires ont ofé feindre de faux actes, ou alterer les actes finceres des Martyrs, en y multipliant les miracles: & que le peuple, ama

teur de ces merveilles, a reçû fans difcerne- CHAP. IV. ment ces fictions qui deshonorent en même tems J. C. & fes Martyrs, en ôtant à la grace de J. C. les preuves de fa puiffance fur les volontez, & aux Martyrs la gloire & le mérite d'une patience invincible.

3. Il eft arrivé quelquefois que Dieu, selon fes deffeins, a fait éclater fa puiffance d'une maniere publique pour proteger fes Martyrs. Mais le grand nombre de ceux qui étoient effrayez par le feul fpectacle du fupplice, ou qui fuccomboient aux premieres épreuves, ou qui étoient enfin furmontez par la durée des tourmens, eft un témoignage de ce qu'il en coûtoit aux Martyrs pour perfe verer jufqu'à la mort, & de la force que J. C. leur infpiroit pour demeurer fermes & inébranlables au milieu des plus longues, des plus vives, & des plus infupportables douleurs.

§. 5. La force de la grace de JESUS-CHRIST n'empêchoit pas les Martyrs de fentir de la trifteffe, de l'ennui, de l'accablement. Ces veritez doivent confoler les foibles,

faire trembler les forts, qui ne peuvent continuer de l'être, que par l'humilité & la priere. Exemple de faint Pierre.

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I. IL ne faut pas même penfer que cette force, quoique réelle & très-puiffante, empêchât les Martyrs de fentir leur foibleffe & par une fuite néceffaire de fentir de la triftelle, de l'ennui, & même de l'accablement dans de certaines occafions. Saint Paul qui défiroit avec tant d'ardeur de fouffrir pour J. C. & qui mettoit toute fa gloire dans fa

Cy

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