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CHAP. IV.

le danger & la perfeverance fût plus grand; que le courage füt hautement & pleinement fuperieur; & que non feulement on ne fut pas entierement renverfé, mais qu'on ne fût ni abbattu, ni même ébranlé. Mais la fageffe de Dieu cft bien differente de nos pensées. La grace de J. C. nous foutient, mais ne nous cache pas le fonds de notre foibleffe. Elle nous infpire le courage, mais en nous faisant fentir qu'il vient d'elle & non pas de nous, 2. Cor. 4.7. Nous portons ce tréfor dans des vales de terre, dit faint Paul, afin qu'il foit évident » que la force toute puiffante qui eft en nous, » vient de Dieu, & non pas de nous. Habemus thefaurum iftum in vafis fictilibus ut fublimitas fit virtutis Dei, & non ex nobis.

3. Les foibles qui avouent leur foibleffe, & qui defirent d'avoir plus de force & plus de courage, font confolez par les veritez que faint Paul vient de nous enfeigner. Car ils ne pouvoient croire que les grands hommes fuffent quelquefois fi voifins de leur état ; & l'idée qu'ils s'étoient formée de leur conftance & de leur fermeté dans les épreuves & dans les maux qui les environnent, leur ôtoit l'efperance d'arriver jamais jusqu'à une patience fi héroïque. Mais quand ils fçavent que cette patience eft compatible avec le fentiment de l'infirmité humaine, & que la grace de J. C. quoique très-puiffante, ne change pas enticrement la nature des vafes de terre où elle habite, ils ne défefperent pas d'arriver par degrez à une femblable vertu; & en apprenant que la force des plus forts vient de Dieu feul, & non pas d'eux, ils s'occupent moins de leur foibleffe, dont le remede eft entré

les mains de Dieu, qui écoute les prieres des CHAP. IV. humbles.

4. Mais ces mêmes veritez qui confolent les foibles, apprennent à ceux qui font forts combien ils doivent trembler en confiderant combien ils font fragiles par eux-mêmes, & avec quelle attention' ils doivent demander l'inspiration continuelle & perfeverante d'une force qui leur eft toujours étrangere,

même qu'ils en font remplis, parce qu'ils n'en font pas le principe. Ils doivent toujours fe fouvenir de faint Pierre, plein d'ardeur & de zele, mais qui eft trompé par la prefence d'un fentiment qui lui cache fa foibleffe, qui s'endort au lieu de veiller & de prier avec J. C. & qui s'expofe à la tentation fans s'y être préparé par aucun des moyens légitimes. C'eft fur l'exemple de J. C. qui eft la force même, qu'ils doivent fe régler, s'humilier & fe profterner avec lui; demander avec lui que le calice paffe; l'accepter quand la néceffité les y contraint; fouffrir en filence tout ce qui leur arrive; prier fans ceffe, & même avec larmes, afin que la perfeverance leur foit accordée; & fe bien perfuader qu'ils ne conferveront la grace de J. C. que par des moyens femblables à ceux qu'il a employez pour la leur mériter: n'étant pas jufte que ce qui a été le prix de fon fang, de fes opprobres, & de fes inftantes prieres, foit accordé à des perfonnes qui fe contentent de la juftice de leur caufe, & de la gloire de fouffrir pour elle, fans travailler à fe conferver cet honneur par une humilité, un filence, une priere, qui ayent quelque conformité avec les difpofitions de J. C.

CHAP. IV. charité infinies dans le choix & dans l'ac ceptation de tout ce qui pouvoit nous guérir; dans le renoncement à tout ce qui nous rendoit malades; dans le difcernement & dans la préference de tout ce qui devoit nous rendre la force & la fanté. Tous les hom❤ mes, en quelque état qu'on les fuppofe, trouvent en lui des remedes propres & perfonnels. Toutes les efpeces de vanité, de quelque prétexte qu'elles fe couvrent, y font découvertes & guéries. Tout amour pour le fuperflu, pour le merveilleux, pour un vain éclat, y eft condamné, & réprimé. Toutes les vertus néceffaires, & tous les moyens de les acquerir, y paroiffent d'une maniere fenfible, & en même tems féconde & puiffante. On voit en J. C. crucifié, ce qui nous a perdus, puifqu'il prend une route oppofée. On y voit ce qui doit nous rétablir, puifqu'il l'accepte & le préfere. Mais on le voit comme dans fon Sauveur, ainsi que je l'ai dit, en fe l'appliquant, en y cherchant fa guérison, en y trouvant fa fanté & sa forS. Aug. de ce. O medicinam omnibus confulentem, omAgoneChrifti, nia tumentia comprimentem, omnia fuperflua refecantem, omnia neceffaria cuftodientem, omnia perdita reparantem, omnia depravata corrigentem?

8. 12.

2. C'est ainsi, ô mon Sauveur, que vous avez rendu votre croix, non feulement la fource de la gloire & de l'immortalité, quoiqu'elle fût avant vous un fupplice honteux & cruel, mais que vous l'avez rendu la fource de la force, quoiqu'elle ne fût qu'un inftrument de foibleffe, & iqu'elle eft devenue S. Leo, ferm. par vous l'origine & le canal de toutes les 8. de paff. n. graces & de toutes les benedictions. Crux tum

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omnium fons benedictionum, omnium eft CHAP. IV. 1 caufa gratiarum, per quam credentibus datur virtus de infirmitate, gloria de opprobrio, vita de morte. Guériffez-nous pleinement. Délivrez-nous de tout ce qui eft un obstacle à la perfection de l'obéiffance & de l'amour que nous vous devons. Faites que nous commencions à devenir fincerement vos difciples, en renonçant à tous les defirs du fiecle, & en n'aimant rien de tout ce que le monde peut ôter, felon cette parole d'Ignace votre martyr: Nunc incipio Chrifti effe difcipulus, Ignat. EP nihil de his qua videntur defiderans. Il ne ad Rom. convient point à notre foibleffe d'ajouter avec lui, que nous ne craignons ni le feu, ni le crucifiement, ni les bêtes farouches, ni le brisement des os, ni les fupplices les plus cruels & les plus recherchez que le démon puiffe inventer. Mais nous vous demandons que vous foiez l'unique objet de nos defirs; que nous ne regardions que vous; que tout le refte nous paroiffe ou n'être plus, ou n'avoir jamais été ; que vous faffiez uniquement notre confolation & notre joie ; & que toutes les creatures ne faffent fur nous aucune impreffion qui nous affoibliffe, felon la leçon que nous en fait l'un de ceux que vous nous avez donné pour maîtres: Qui credit in Chri- S. Aug. ferm ftum, ipfum intueri debet, catera nec nata 279. n. i. computare, ut creatura vilefcat, & creator in corde dulcefcat. Nous demandons pour nous & en votre nom cette grace à votre Pere, à qui nous repréfentons que vous êtes le remede de toutes nos bleffures & de toutes nos maladies, que vous l'êtes devenu fur la croix, & que vous nous en appliquez l'effet par votre puissante médiation auprès de lui.

Exaudi nos, lui difons-nous avec confiance, per medicinam vulnerum noftrorum, que pependit in ligno, & nunc fedens ad dexteram tuam te interpellat pro nobis.

5. Aug. lib. de Agone

Chrifti, n.12.

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CHAPITRE V.

JESUS-CHRIST crucifié apprend à l'homme quelle eft fa grandeur, & quelle eft fa mifere, en le rétabliffant dans fa premiere dignité, en le relevant de fa baffeffe, & en le formant une feconde fois à fon image & à fa reffemblance par une nouvelle création.

ETTE matiere, qui eft très-importan

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te & très étendue, contribuera beaucoup à nous faire connoître le myftere de la croix, & elle est très-capable d'infpirer à ceux qui l'étudieront avec un efprit de foi & de religion, des fentimens dignes du prix qu'ils ont couté à J. C. » Que le genre humain » difoit faint Auguftin, conçoive de grandes efperances, & qu'il apprenne des fouffrances de celui qui l'a racheté quel rang il occupe, & de quelle dignité il eft entre les ouvrages de Dieu. Erigat fpem fuam genus humanum, & videat quantum locum babeat in operibus Dei.

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