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Tinjuftice, n'eft elle pas criminelle? La rai- CHAP. VII. fon, quand elle n'auroit que les lumieres maturelles, permet-elle à l'homme de s'attri buer le bien qu'il fait d'oublier celui qui le lui fait connoître & qui le lui fait aimer: de s'arrêter dans lui-même, ou dans aucune créature dont il n'a que l'ufage? Et fi la raifon eft aidée de la revelation, & éclairée par une lumiere furnaturelle, combien reproche-t-elle à ceux qui oublient Dieu, non par fimple fragilité, mais par principe, leur irre ligion & leur folie?

10. On demande s'il eft poffible à la foibleffe humaine d'agir toujours par des vûes fi fublimes, & même fi divines, qu'on puiffe dire avec verité qu'on agit d'une maniere digne de Dieu ? mais cette queftion regardé plutôt faint Paul que fes Difciples: car ils ne font que répeter ce qu'il a dit plus d'une fois, que nous étions obligez de vivre d'une maniere digne de Dieu & de l'Evangile de J. C. C'eft donc à l'Apôtre à répondre; & il le fait, en n'attribuant pas à la foibleffe humaine une haute perfection, mais à l'ECprit de Dieu qui nous applique & qui nous Rom. 8. 149 pouffe vers le bien : à l'efprit de grace & d'adoption qui habite dans les enfans de Dieu: Gal. 4. 64 à lefprit de J. C, qui prie en nous par gémiffemens ineffables, qui aide notre foiBleffe, & qui nous rend capables d'agir d'une

des

maniere digne de lui. Ce n'eft pas que nous Rom. 8.2.6. foions entierement dépouillez de notre infir

mité pendant cette vie : car le même Apôtre Gal. s. 172 enfeigne que la chair a des defirs contraires

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à ceux de l'efprit, comme l'efprit en a de >> contraires à ceux de la chair: que ces deux a principes font oppofez l'un à l'autre, & que

CHAP. VIII. l'oppofition qui eft entr'eux eft caufe que > nous ne faifons pas tout ce que nous vou

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drions. Mais ceux en qui l'efprit de J. C. eft le maître, s'affligent de ce combat : ils foupirent en attendant une pleine victoire & une pleine liberté ; & ils travaillent tous les jours à étendre & à affermir le regne de l'ef prit, en enlevant à la concupifcence tout ce qu'ils peuvent lui ôter au lieu que ceux en qui la concupifcence domine, nourriffent & entretiennent leurs foibleffes, craignent que l'efprit de Dieu ne s'aflujettiffe tous leurs defirs, & compofent avec lui pour le mena. ger quelques réferves où leur amour pour une fauffe liberté puiffe refpirer pour des momens, felon l'expreffion de ceux dont nous rappor tons les difficultez.

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11. Si Dieu n'étoit pas la clemence même,' il condanneroit féverement une telle duplicité mais s'il la condannoit ainfi dans tous les hommes, il y en auroit peu qui arri vaffent à une veritable juftice. Car les commencemens font prefque toujours mêlez du defir de la fanté, & de la crainte de guérir trop tôt. Le cœur flotte long-tems entre la vertu, qui lui eft nouvelle, & le vice qui lui eft comme naturel; & la patience de Dieu fouffre dans plufieurs ces héfitations, qui font injure à la bonté, quoiqu'il les puniffe dans quelques uns d'une maniere terrible pour intimider ceux qui déliberent trop long& qui ne connoiffent pas le prix de grace qui les invite. Mais il importe beaucoup d'obferver que lors même que les pénitens font partagez par des volontez contraires, & qu'ils craignent de paffer fans intervalle du crime à la vertu, ils font très-éloi

tems,

la

gnez de vouloir juftifier leur lenteur à fe CHAP.
convertir, & plus éloignez encore de préren-
dre qu'ils fe convertiront en n'accordant à
Dieu qu'une partie. Ils accufent leur pefan-
teur. Ils déplorent leur foibleffe & ils ne fe
confolent que par l'efpérance d'être un jour
pleinement foumis à l'Evangile. Ainfi, leurs
difpofitions, toutes imparfaites qu'elles font
alors, ont plus de droiture & de fincerité,
que celles de plufieurs faux juftes, qui limi-
tent les devoirs de la pieté, qui la regardent
comme gênante & comme importune; qui
étudient des plans & des fyftêmes, pour lui
fouftraire fans peché la plus grande partie de
la vie, qui aiment mieux être philofophes
que chrétiens; qui préferent même en bien
des chofes l'inattention & l'oubli d'un homme
qui fuit mollement fes penfées, quand elles
ne font pas clairement injuftes, à la pieuse
vigilance d'un homme fidele; & qui paroif
fent
ignorer abfolument que nous ne fommes
point à nous, mais à J. C. qui nous a acquis
par fon fang, & qui eft mort & reffufcité
pour avoir un droit nouveau & privilegié,
s'il eft permis de parler ainfi, fur notre vie
& fur notre mort.

S. 11. JESUS-CHRIST depuis le moment de
fa naiffance jusqu'à celui de fa mort,
n'a eu dans toutes fes actions & les souf-
frances, que notre falut pour objet : nous
ne devons pas le perdre de vûë dans toutes
les nôtres.

1. MAIS pour confondre ces hommes réellement ennemis de la pieté chrétienne, 1. Tim. 3.53 quoiqu'ils en confervent les apparences; & pour animer ceux qui font foibles, fans être indociles, je n'ai besoin que de faire fouve

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CHAP. VIII, Hir les uns & les autres que J. C. depuis le pretnier moment de fon incarnation jusqu'à celui où il eft forti du tombeau nous a toûjours eu en vâe, qu'il n'a rien fait que pour nous, & qu'il n'a pas été un feul moment diftrait par rapport à notre falut. Car il faut au moins qu'il y ait de notre part quelque proportion entre notre reconnoiffance & fon amour, & quelque efpece d'égaTité entre ce qu'il a fait pour nous, & te que nous devons faire pour lui. Or, quelle proportion & quelle égalité pouvons-nous mettre entre fon amour & le nôtre; entre fon attention & la nôtre, fi nous ne lui offrons qu'une partie, lorfqu'il donne tout, & fi nous exceptons beaucoup de chofes, quoiqu'il n'ait rien excepté ? Quelle vie feroit digne de la fienne, quand elle feroit trèsTongue & très-fainte? Que peuvent tous les anges & tous les hommes enfemble, quand on les compare à J. C? Quelle reconnoiffance peut égaler le prix d'un moment de fes travaux & de fes fouffrances, quand elle seroft éternelle? Quel facrifice peut être mis en parallele avec te fien? Quel holocaufte fera jamais auffi plein & auffi parfait que celui qu'il a offert pour nous fur la croix ? Quelle comparaifon peut-on faire entre le Fils unique de Dieu & les pécheurs qu'il a trouvez ayeugles & impénitens, & qu'il a reconciliez par fon fang Convient-il à ces pécheurs de difputer avec leur Liberateur fur ce qu'ils doivent à fa charité ? croient-ils avoir été achetez à trop bas prix ? Prétendent-ils fe faire juftice en reprenant des droits dont ils ne fe croient pas affez juftement dépouillez ? Se repentent-ils d'avoir été rachetez, & d'avoi changé de maître Préferent-ils le regne de

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la cupidité, qui eft celui de Satan, au regne CHAR. VIIt de la charité, qui eft celui de J. C? Il faut bien que ces pensées tenebreuses & inspirées par le ferpent aïent trouvé quelque ouverture, dans leur coeur ou dans leur efprit, puisqu'elles les ont affoiblis, & qu'elles leur font regarder comme un joug accablant l'obliga tion de ne vivre que pour J. C. & comme une dure néceffité de mourir à tout le reste.

2. Mais pour déraciner ces pensées, &, pour établir au contraire le folide fondement, de notre pieté & de notre reconnoiffance envers JC. apprenons de lui pourquoi il s'eft, fait homme, & comment il a vêcu depuis, fon incarnation jusqu'à la mort. » Je Luis, Joan. 6. > defcendu du ciel, dit-il, non pour faire 39 » ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé. Or la volonté de mon Pere qui m'a envoyé eft que je ne perde, x aucun de ceux qu'il m'a donnez mais que je les reffufcite tous au dernier jour.» Dans, ce peu de paroles, mais qui renferment tout, JESUS-CHRIST dit clairement qu'il ne s'eft incarné que pour obéir & pour faire la vo-, lonté de fon Pere & que cette volonté de fon, Pere a pour objet notre falut, ainfi, c'est pour obéir qu'il s'eft fait homme, & c'est pour nous, qu'il a toujours obéi. Rien n'est plus précis. L'obéiffance de J. C. a été continuelle: elle a commencé à fon incarnation, & n'a fini qu'à fa mort: & c'est toujours nous qui, avons ετε l'objet de cette obéillance.

3. Le Fals de Dieu, dit faint Paul, en, Heb. 10. 51 » entrant dans le monde, dit à fon Pere (ce 6.7. 10. que le Prophete avoit prévû long tems » avant fon incarnation qu'il lui diroit :), 3. Vous n'avez point voulu d'hoftieni d'obla »tion: mais vous m'avez formé un corps,

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