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1842

En point de fait, comme tout rassemblement tumultueux, tous desordres, tout espèce de troubles ou de séditions qui peuvent survenir dans un état, doivent engendrer de nombreux inconvéniens, nous ne pouvons qu'apprécier et estimer les opinions sages et les idées éclairées de V. M sur ce chef, d'autant plus que, selon les principes qui règlent nos gouvernemens respectifs, il est de la plus haute importance de mettre tous nos soins à prévenir le retour dans nos états de faits si blâmables. Cependant, dans la question présente, il y a cette différence que la conduite du prince Michel et sa manière d'agir, aussi bien que les plaintes de la nation avaient fait prévoir ces troubles, et que plusieurs fois des conversations à ce sujet avaient eu lieu avec la mission impériale pour terminer cet état de choses. Si les causes de ces troubles et l'état d'oppression de la nation avaient été connus veritablement à V. M. I. comme à nous, il est certain qu'avec l'équité et l'esprit de justice que vous possédez, vous n'auriez pas considéré tout-à-fait cette affaire comme une rebellion, et en cette occasion, vous n'auriez pas regardé la conduite que notre gouvernement s'est vu dans la nécessité d'adopter comme contraire aux principes et aux bons sentimens.

Cependant, comme nous n'avons trouvé que des avantages dans les questions importantes et variées qui ont été réglées de concert avec V. M., nous n'aurions pas usé de précipitation dans la nomination du prince, si nous avions eu le tems de vous consulter à cet égard et de connaître vos vues dans toute leur étendue. Au contraire, les notes de notre gouvernement eussent-elles été de nature à violer les traités, nous aurions préféré, pour ces changemens, décider la question à l'amiable, selon l'opinion de notre gouvernement, et avoir recours, avec une franchise et une sincérité entières et le respect voulu, à la magnanimité de V. M. I. La condition qui consacre la dignité princière une fois enfreinte, la clause du firman qui est une partie du traité devient nulle et non avenue, et la question de l'élection revient aux articles du traité qui dit que la nation a le privilège de choisir elle-même son chef. D'un côté, nous considérant ainsi comme autorisés; de l'autre l'urgence de la question nous pressant, nous nous sommes trouvés forcés de procéder à la nomination du prince, en accep

tant le choix de la nation. Quoique nous n'eussions 184 pas en ce moment les moyens de consulter l'opinion de V. M. I., rien cependant n'a été négligé pour bien connaître le sentiment et comprendre les vues de votre mission impériale sur ce sujet.

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De plus, la conduite violente du prince Michel, son départ de la Servie, l'abandon de son poste et la résolution qu'il avait prise de chercher un asile ailleurs que dans notre forteresse impériale, étaient autant de faits qui nous amenaient à nous soumettre à l'inconvé nient d'un changement dans la dignité princière. En admettant que la liberté prise par la nation, de procéder à une élection sans y être autorisée, fut en ellemême un acte de nature à assumer une grande responsabilité, la nation, en demandant l'autorisation du commandant de la forteresse et des commissaires de la Porte, avait au moins mis à couvert cette responsabilité. Quant aux commissaires, ils s'excusent en disant qu'ils n'ont accordé leur autorisation que parce qu'ils craignaient de plus serieuses conséquences en présence des cabales et des intrigues du parti vaincu, de manière que l'élection du nouveau prince a eu lieu jusqu'à un certain point par notre propre autorisation.

Malgré le désir que nous avions de remplir nos devoirs et de soumettre les considérations qui précèdent à V. M. I. en réponse à sa lettre, immediatement après l'avoir reçue, pour dissiper ses doutes et consolider encore les liens d'amitié qui nous unissent, nous avons cependant jugé convenable d'attendre les informations que devait nous donner le baron Lieven. Le baron étant arrivé dans notre capitale, nous avons pris connaissance de toutes les communications et informations qu'il nous a transmises verbalement ou par écrit. Nous l'avons fait venir ainsi que l'ambassadeur de V. M. I., et nous leur avons fait l'accueil le plus gracieux. Les renseignemens que nous a donnés le baron Lieven n'ont pas tout-à-fait coïncidé avec les rapports adressés à notre gouvernement, ni avec les documens que nos commissaires nous avaient adressés.

Les arrangemens préparés par le baron Lieven et l'ambassadeur de V. M. 1., relativement à cette que stion, dans les conférences et entrevues qu'ils ont eues à diverses reprises avec nos ministres d'après nos ordres, sont loin d'être compatibles avec la dignité et les

184 droits de notre souveraineté, dont le maintien nous est garanti particulièrement par les traités auxquels V. M. fait elle-même allusion dans sa lettre. En même tems, ces arrangemens nous ont inspiré la crainte de créer quelques nouvelles difficultés, et de donner lieu à l'emploi de mesures violentes. La tranquillité qui règne en ce moment dans la Servie, et l'absence de toutes plaintes de la part de la nation contre notre gouvernement, plaintes qui seules auraient pu motiver l'exercice des droits de V. M., sont la meilleure et la plus irréfragable preuve du respect qui est porté à tout ce qui se rattache aux droits établis. C'est pourquoi, plein de confiance dans la parfaite amitié et les dispositions bienveillantes dont V. M. nous a donné tant de preuves jusqu'à ce jour, nous avons jugé à propos de soumettre à l'appréciation de V. M. le véritable état des choses.

Après avoir communiqué confidentiellement à votre ambassadeur nos opinions sur ce point, nous adressons cette lettre amicale à V. M., et nous espérons que V. M. rendra de son côté justice à notre sincère et fidèle communication. Je compte également sur la continuation de la parfaite confiance qui existe entre les deux gouvernemens, et sur le maintien constant des relations de profonde amitié qui nous unissent et dont la durée sera toujours chère à nos coeurs en toutes cir

constances.

2.

Ukase de l'Empereur de Russie adressé au sénat dirigeant, le 20 janvier 1843, relatif à la faculté d'entrepôt dans les ports russes.

Les classes commerciales de plusieurs nations, qui sont principalement intéressées dans le commerce avec la Russie, ont exprimé le désir, ainsi qu'il nous en a été donné connaissance par le vice-chancelier et le ministre des finances, que les marchandises importées en Russie puissent, au choix de ceux qui les importent,

être réexportées sans être sujettes au paiement des 1843 droits d'importation;

Dans le but de faciliter le commerce, et ne trouvant pas d'obstacles qui s'opposent à ce qu'on fasse un essai, à cette fin d'établir l'utilité d'une telle mesure, nous ordonnons ce qui suit:

10 Durant trois ans, à partir du 1er mai 1843 jusqu'au 1er mai 1846, il sera permis, dans le port de Saint-Pétersbourg et dans celui de Cronstadt, de même que dans ceux de Riga et d'Archangel, de réexporter, suivant la volonté des propriétaires, dans la limite fixée pour l'emmagasinement des marchandises et le paiement des droits, tous les biens admis en entrée, et qui auront été déposés dans les magasins du gouvernement, à moins que ces denrées ne se trouvent placées sous quelque séquestration légale.

A la réexportation des marchandises, elles ne seront sujettes à aucun droit de douane, mais les propriétaires devront supporter tous les frais résultant de l'emmagasinement dans les magasins du gouvernement, à St-Pétersbourg et Riga, d'après la taxe établie pour ces endroits, et à Cronstadt et Archangel, ports pour lesquels il n'a pas été établi de taxe particulière, d'après celle établie à St-Pétersbourg. Il est entendu que les droits de navigation, sur les bâtimens naviguant avec ces marchandises, doivent être perçus d'aprés la règle générale.

30 A la réexportation des biens, ils ne seront pas soumis à un examen détaillé, à moins que des circonstances particulières ne rendent nécessaire cet examen.

40 Il n'y aura pas de remboursement des droits déjà perçus en faveur des marchandises qui seront réexportées après avoir payé les droits d'importation.

50 Le ministre des finances donnera aux douanes des instructions détaillées, quant aux règles qu'elles doivent observer relativement à la réexportation des marchandises.

Le sénat dirigeant veillera à l'exécution de ces mesures.
Signé: NICOLAS.

1843

3.

Traité de commerce et de navigation du 11 janvier 1843, entre la Russie et la Grande-Bretagne *).

Au nom de la très-sainte et indivisible trinité.

Sa majesté la reine du royaume uni de la GrandeBretagne et d'Irlande, et sa majesté l'empereur de toutes les Russies, auimées du désir d'étendre, d'accroître et de consolider les relations commerciales entre leurs Etats et possessions respectifs, et de procurer par là toutes les facilités et tous les encouragemens possibles à ceux de leurs sujets qui ont part à ces relations; persuadées que rien ne saurait contribuer davantage à l'accomplissement de leurs souhaits mutuels à cet égard, que l'abolition réciproque des droits différentiels et rétorsifs qui actuellement sont exigés et prélevés sur les vaisseaux ou les produits de l'un des deux Etats dans les ports de l'autre, ont nommé leurs plénipotentiaires pour conclure un traité à cet effet, savoir:

Sa majesté la reine du royaume uni de la GrandeBretagne et d'Irlande, le très-honorable Charles baron Stuart de Rothsay dans l'île de Bute, pair du parlement, membre du conseil privé, chevalier grand'croix du très-honorable ordre du Bain, et de l'antique ordre de la Tour et de l'Epée du Portugal, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près sa majesté l'empereur de toutes les Russies;

Et sa majesté l'empereur de toutes les Russies, le sieur Charles Robert, comte de Nesselrode, son conseiller privé actuel, vicechancelier, membre du conseil de l'empire, chevalier des ordres de Russie, et de plusieurs autres; et le sieur Georges comte de Cancrine, général d'infanterie, ministre des finances, membre du conseil de l'empire, chevalier des ordres de Russie, et de plusieurs autres;

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs, trouvés en bonne et due forme, ont arrêté et conclu les articles suivans:

*) Les ratifications de ce traité ont été échangées à Londres, le 31 janvier 1813.

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