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pire; elle se composait de six divisions : les deux premières se réunissaient à Anvers ; l'avant-garde de l'armée de réserve de Mayence formait la troisième qui devait être stationnée à Juliers; la quatrième se for mait de l'avant-garde de l'armée de réserve à Strasbourg; les deux autres divisions devaient être composées de toutes les troupes françaises et bataves qui se trouvaient encore sur le territoire de cette république. De long-temps une telle armée n'eût été formée et en état d'agir : les élémens en existaient à peine; mais Napoléon savait trop bien que l'ascendant du vainqueur est incommensurable, et que celui qui a pu étonner le monde par des prodiges, captive les esprits dans les cabinets comme sur les champs de bataille; il peut tout faire craindre, tout faire croire, jusqu'au jour où luimême et lui seul brise le talisman.

Une force en apparence plus réelle, était la division espagnole de douze mille hommes, qui, sous les ordres du marquis de La Romana, et en vertu d'un traité consenti par

l'Espagne, traversait la France pour se porter dans le Nord. Ce contingent, ou plutôt ce gage exigé du prince de La Paix, ne fut à cette époque d'aucune utilité, et devint dans la suite très-nuisible aux vues de Napoléon; mais alors tout cédait à son influence ou s'associait à sa fortune. Il recevait le même jour, à Lintz, dans le palais des états d'Autriche, la députation du sénat français qui vint le complimenter; l'électeur Maximilien, qui n'ayant pu le joindre à Munich, accourait avec son fils offrir au libérateur de la Bavière l'hommage de sa reconnaissance, et le négociateur autrichien, le général comte Giulai, envoyé près de lui par l'empereur François II, pour solliciter un armistice, et porter des paroles de paix.

Le rapport fidèle qu'avait fait M. de Giulai, de la situation de l'armée, la consternation et le trouble qui régnaient dans la capitale, les désordres commis par l'armée de Kutusow, enfin le peu d'accord entre les généraux des deux nations, avaient déterminé l'empereur d'Autriche à faire tous les

sacrifices compatibles avec l'honneur de sa couronne. Napoléon accueillit le général Guilai avec beaucoup d'égards, répéta ce qu'il lui avait dit à Ulm, en ajoutant que ce n'était pas à la tête d'une armée de deux cent mille hommes qu'on traitait d'un armistice avec une armée mise en fuite, et qui ne pouvait défendre aucune position; il lui remit cependant une lettre pour son souverain, dans laquelle il lui faisait connaître à quelles conditions on pourrait suspendre les hostilités, et traiter d'une paix séparée. La première de ces conditions était l'éva- / cuation immédiate du territoire autrichien par les armées russes; les autres restèrent inconnues. M. de Giulai repartit pour rendre compte de sa mission à l'empereur d'Autriche. L'empereur Napoléon pressa l'exécution des dispositions qu'il venait d'arrêter pour joindre et combattre l'armée russe, avec d'autant plus d'activité, qu'il soupçonna que cette proposition d'armistice n'avait d'autre but que celui de gagner du temps, et d'assurer la jonction des armées russes et

le ralliement des troupes autrichiennes qui sortaient de l'Italie et du Tyrol.

Il était vraisemblable que l'armée de Kutusow, qu'on savait être forte de trente-cinq à quarante mille hommes, et les corps de Kienmayer et de Meerfeld, qui, sur les deux routes que nous avons indiquées, faisaient l'arrière-garde, n'avaient abandonné si promptement les positions de la Traun et de l'Ens, que pour se rallier sur celle de SaintPoelten (Saint-Hippolyte), la dernière et la seule qui leur restât pour couvrir Vienne.

Cette position élevée, au pied de laquelle le cours sinueux de la Drasen multiplie vers la gauche les difficultés du terrain, offre sur les hauteurs un beau plateau découvert que traverse la route qui, par Lilienfeld et Annaberg, va rejoindre à Bruck et Léoben la grande communication avec l'Italie. La droite de la position s'étend vers le Danube qui n'est guère qu'à trois lieues et demie de Saint-Poelten. Le terrain dans cette partie est collineux et très-coupé, et le lit de la Drasen fort encaissé jusqu'à son embouchure un peu

au-dessous du pont de Krems. Si l'on devait en croire les intelligences pratiquées chez l'ennemi, et la nouvelle qui s'accréditait de la prochaine arrivée de la seconde armée russe, sa jonction ne pouvait se faire sur un point plus favorable; les colonnes traversaient, disait-on, la Moravie, et, coupant les deux routes de Prague, allaient passer le Danube au pont de Krems. C'était donc à Saint-Poelten qu'elles présenteraient la bataille; Napoléon l'espérait, et se prépara à la livrer d'une manière décisive. Voici quel fut son dispositif :

Trois corps d'armée, ceux du maréchal Davoust, du général Marmont et du maréchal Bernadotte, devaient attaquer l'aile gauche des alliés, qui, débordée, tournée et assaillie de front, eût été mise en désordre, et rejetée sur le centre et vers le Danube, pendant que le prince Murat, avec toute sa cavalerie, et le maréchal Lannes, avec le corps de grenadiers du général Oudinot, et la division du général Suchet, auraient manœuvré sur la droite de la position, et

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