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neuse, des Actes de la Société scandinave. | chimie moderne; car ce pays qui, déjà au siècle L'homme sans contredit le plus remarquable passé, s'honorait d'avoir produit Scheele, compte par le talent et par l'activité qu'il déploie dans aujourd'hui parmi ses enfants l'une des plus ses publications historiques sur la Suède est le éclatantes lumières de cette science dans la persavant Geiier', distingué en outre comme poëte sonne de l'illustre Berzelius. CONV. LEX. MOD. et à plusieurs autres titres. Il a commencé à pu- SUÉTONE (CAIUS SUETONIUS TRANQUILLUS), blier une grande Histoire de la monarchie sué- | historien romain, florissait sous les règnes de doise, à laquelle a succédé l'Histoire du peuple | Trajan et d'Adrien. Il était fils de Suetonius suédois (Svenska Folkets Historia), ouvrage | Lenis, tribun de la 13o légion. Un des ouvrages plus abrégé dont on a récemment annoncé le 4e vol. Elle parut presque simultanément en une traduction allemande, et nous en possédons aussi une traduction française par M. de Lundblad (Paris, 1840, in-8°). M. Geiier a de plus écrit un Tableau des personnages historiques depuis la mort de Charles XII jusqu'à l'avènement de Gustave III (1719-1772), livre honoré d'un prix académique. M. Strinnholm, l'historien de Gustave Wasa, a pareillement entrepris de composer une Histoire de la monarchie; mais cette œuvre, conçue sur une très-vaste échelle, quoiqu'elle atteste un travail consciencieux, ne brille pas par ces vues politiques profondes qu'on remarque dans l'ouvrage du professeur Geiier. Les récits de l'Histoire de la Suède de M. Fryxell se distinguent par une narration vive et animée, et par le mérite des recherches au moins dans certaines parties. Celle qui est relative à l'histoire de Gustave-Adolphe a été surtout accueillie avec faveur. On peut considérer comme une œuvre unique dans son genre la publication d'une histoire nationale entreprise par le prédicateur de la cour Afzelius, d'après des légendes, des traditions et des chants populaires. L'ancien consul général Lundblad, auquel on attribue aussi une histoire de Charles XII, récemment publiée sous le nom de son frère, en suédois et en allemand, s'est fait une réputation méritée comme biographe, notamment par son Plutarque suédois. M. Cronholm a écrit une histoire des pirates du Nord et une histoire des Huguenots; Hammarskiold (m. 1832), une histoire de la littérature de son pays; tandis que le savant et consciencieux Reuterdahl travaille à une histoire de l'Église en Suède.

Il est presque superflu d'ajouter que dans les sciences, non plus que sur le domaine des lettres et de l'érudition, la Suède n'est restée en arrière du reste de l'Europe. Il lui revient même une des plus belles gloires dans les progrès de la

'M. Eric-Gustave Geiier, né en 1783 dans le Wærmeland, est professeur d'histoire à l'université d'Upsal, historiographe des ordres de Suède, et, depuis 1824, membre de l'Académie de Stockholm. Il a siégé à l'assemblée des états en qualité de représentant de l'université d'Upsal.

SCHNITZLER.

qui nous restent de lui donne à penser qu'il exerçait la profession de grammairien ou de rhéteur, et peut-être même celle d'avocat. Pline le jeune, dans une lettre qu'il lui adresse (Ep. 18, l. 1), lui promet, sur sa demande, de s'employer à lui faire obtenir la remise d'une plaidoirie. L'amitié de Pline le jeune, avec lequel Suétone s'était lié intimement, lui fut très-utile. Le favori de Trajan employa plus d'une fois pour lui ses bons offices. Il lui avait procuré une charge de tribun, puis, à la prière de Suétone, il la fit donner à un autre (Ep. 8, 1. 111). Quoique Suétone n'eût pas d'enfants de son mariage, Pline lui fit obtenir le jus trium liberorum, c'est-à-dire les priviléges réservés aux citoyens qui avaient trois enfants : c'est ce que nous apprend une lettre de Pline à Trajan (Ep. 95, 1. x), à laquelle est jointe la réponse de Trajan, qui accorde la demande. --- Plus tard, Suétone devint secrétaire de l'empereur Adrien ; mais, vers l'an 121, il perdit cette place, ayant été enveloppé dans la disgrâce de plusieurs personnes qui n'avaient pas eu pour l'impératrice Sabine les égards qui lui étaient dus. — Des ouvrages assez nombreux que Suétone avait composés, il ne nous en est parvenu que deux, son Histoire des douze premiers empereurs et ses Vies des grammairiens et rhéteurs célèbres, encore ce dernier ouvrage n'est-il pas complet. Ses Douze Césars sont un des livres les plus curieux que l'antiquité nous ait transmis. Ils contiennent la vie privée des empereurs, beaucoup plus que l'histoire de l'empire: ce sont pour ainsi dire des Mémoires secrets sur les mœurs de l'époque. Ce ne sont pas des annales qu'il faut y chercher, l'auteur s'inquiète peu de la chronologie; il néglige les dates : c'est un reproche qu'on est en droit de lui faire. Mais que de détails précieux, que de particularités intéressantes sur la vie publique et privée des anciens il nous révèle! Nul ouvrage n'est plus riche en renseignements sur les usages, les coutumes, les mœurs de toutes les classes de la société : on y voit à nu, non plus l'empereur, mais le père, le mari, le frère, l'amant, le maître. Les innombrables anecdotes qu'il raconte sont rangées

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sous certains chefs généraux : dans un chapitre, il traite de ce qui concerne le mariage du héros dont il fait la biographie; dans d'autres chapitres, de son éducation, de ses liaisons, etc. - Ce livre n'est rien moins que chaste, tant s'en faut! La corruption des mœurs romaines s'y étale dans toute sa nudité. L'auteur y a dévoilé les turpitudes et les débauches horribles de Tibère, de Caligula, de Néron, etc.: il a donné là-dessus toute licence à sa plume. C'est ce qui faisait dire à saint Jérôme « que Suétone avait écrit la vie des empereurs avec la même liberté qu'ils avaient vécu.» Quoi qu'il en soit, il était lui-même trèsrecommandable par sa conduite et son caractère personnel. Pline dit de lui (Ep. 95, 1. x) « que plus il le connaissait, plus il l'aimait, à cause de sa probité, de son honnêteté, de sa bonne conduite, de ses travaux littéraires et de son érudiComme historien, Suétone possède au plus haut degré une des qualités les plus importantes, la bonne foi. Il règne dans ses récits un caractère de sincérité; on sent qu'il écrit avec l'impartialité la plus entière; on n'y voit nulle trace de haine ni de flatterie : la crainte ne lui * fait rien dissimuler, la malignité ne lui fait rien amplifier. Il peint le vice dans toute sa laideur, avec une sorte de naïveté, et sans dissimuler les bonnes qualités que pouvaient avoir ceux dont il dévoile les infamies. Cette bonne foi est ce qui donne tant de prix à ce qu'il raconte, c'est là ce qui le fait lire avec tant d'intérêt. Sa narration est rapide, jamais chargée de réflexions, de digressions de raisonnements. Son style est remarquable par la pureté, l'élégance et une grande propriété d'expression. En un mot, le livre de Suétone est le complément des ouvrages de Tacite, et contient l'histoire secrète du temps dont Tacite a retracé l'histoire publique. ARTAUD.

nomène de la sueur en observant que, dans l'état ordinaire, la matière de la transpiration se volatilise, pour la partie aqueuse, à mesure qu'elle se produit, tandis que la portion saline et grasse s'attache aux vêtements qui touchent la peau. Trop abondante dans un temps donné pour être dissoute par l'atmosphère, la sueur séjourne à la surface cutanée. On provoque la sueur, ou plutôt on rend visible la transpiration, en appliquant sur une partie quelconque de la peau un morceau de taffetas ciré.

Beaucoup de maladies se terminent par des sueurs plus ou moins abondantes : les fièvres intermittentes présentent un exemple remarquable de ce phénomène. A la fin de chaque accès, une sueur chaude baigne tout le corps, et cette évacuation est suivie d'un soulagement complet. Dans le cours et la fin des maladies aiguës, on observe également des sueurs qui sont généralement le signe d'une détente et d'un changement favorable. C'est de là que partent l'indication et l'emploi des sudorifiques.

Il y a aussi des sueurs morbides qui sont de mauvais augure. Telles sont les sueurs froides, visqueuses et fétides, qui se montrent dans les fièvres de mauvais caractère, et surtout lorsqu'elles tendent à une fâcheuse terminaison; telles sont encore les sueurs des phthisiques, qui viennent accélérer la consomption et qu'on appelle colliquatives, comme si les malades se fondaient pour ainsi dire en eau.

On observe souvent des sueurs habituelles bornées à certaines parties du corps, et pourvues d'une odeur plus ou moins désagréable, ce qui fait désirer aux personnes qui en sont affectées d'en être débarrassées. L'expérience a prouvé que, dans presque tous les cas où l'on est parvenu à en obtenir la suppression, il s'en est suivi SUEUR, SUDORIFIQUES. La sueur (sudor), c'est | des accidents graves qu'on a pu lui attribuer léla transpiration surabondante, exagérée, deve- gitimement, et qu'on a dissipés en rappelant nue visible. Sous l'influence de la chaleur exté- | l'exhalation à laquelle l'économie s'était accourieure, d'un exercice violent, de boissons abondantes et chaudes, dans certains états morbides et par l'action de certains médicaments, on voit s'échapper de la peau des gouttelettes d'eau plus ou moins grosses et nombreuses. Quelquefois le sang s'est présenté sous la forme de sueur, mais c'est une hémorrhagie de la peau dont il n'y a pas lieu de s'occuper ici, non plus que de la suette miliaire, affection épidémique de nature | variable, qui a sévi à diverses époques.

Dans l'état sain, la sueur est une liqueur salée, qui, à l'analyse, donne des sels alcalins et calcaires et présente, dans la plupart des cas, une réaction acide. On s'explique très-bien le phé

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tumée.

Parmi les moyens de provoquer la sueur, il en est d'immédiatement et incontestablement efficaces: tels sont la chaleur sèche ou humide qu'on produit dans les étuves et les appareils fumigatoires, ou même seulement en se couvrant des vêtements de laine, et en se plaçant dans une atmosphère chaude. La sueur qu'on provoque ainsi est réelle, tandis que celle qui suit l'ingestion des boissons aqueuses abondantes et chaudes, n'est pour ainsi dire que l'eau expulsée par la voie de la transpiration cutanée. Elle n'est pas cependant sans effets salutaires, en délayant dans un véhicule plus abondant les matières

salines qui doivent être expulsées au dehors. | ces derniers en 586; leur royanme s'écroula, et Toutes les substances excitantes (voy. Exci- | leur nom fut effacé de l'histoire d'Espagne :

TANTS) ont été rangées parmi les sudorifiques: le vin, l'alcool et les huiles volatiles sont regardés comme tels, et agissent quelquefois en effet dans ce sens. L'opium et les émétiques à doses fractionnées donnent aussi des résultats sembla bles, suivant les circonstances; mais il n'y a pas de médicament capable de produire la sueur aussi certainement que l'émétique, par exemple, détermine les contractions de l'estomac. Ce qu'il y a même de plus singulier, c'est que les substances plus particulièrement désignées sous le nom de sudorifiques, ou ne font pas suer, ou ne provoquent la sueur qu'à la condition d'être administrées dans un liquide aqueux, abondant et chaud, qui est lui-même propre à augmenter la transpiration cutanée.

Dans les maladies surtout, il y a plusieurs méthodes pour provoquer la sueur. S'il y a de la fièvre et des symptômes inflammatoires, la sai- | gnée, en produisant la détente, prépare souvent les voies à des sueurs qui soulagent au moins quand elles ne guérissent pas. Les bains tièdes, les boissons adoucissantes aident l'action de la saignée. Lorsqu'au contraire il existe un état atonique, on a recours, avec succès, pour faire couler la sueur, aux excitants divers qu'il faut administrer avec intelligence. F. RATIER. SUÈVES, nom donné, avant l'ère chrétienne, à certains peuples confédérés qui habitaient une grande partie de la Germanie. Les plus connus d'entre eux étaient les Hermundures, les Senones, les Longobards (Lombards), les Angles, les Vandales, les Bourguignons, les Rugiens et les Hérules. Resserrés d'abord entre la Vistule et l'Oder, ils s'étendirent bientôt au delà de l'Elbe; et, à l'époque des campagnes de César, ils avaient envahi jusqu'au Necker et au Rhin. Leur nom, suivant Tacite, vient des longs cheveux qu'ils avaient coutume de porter emprisonnés dans une bourse. Ils se livraient à d'étranges pratiques religieuses. Du reste, il paraît que leur constitution et leurs mœurs se rapprochaient beaucoup de celles des autres peuples de la Germanie. Quand sonna l'heure des grandes migrations, les Suèves, réunis aux Vandales et aux Alains, envahirent les Gaules, franchirent les Pyrénées, et partagèrent avec leurs compagnons de route les riches provinces de la Galice et de la vieille Castille. Les Vandales s'étant jetés sur l'Afrique, ils s'étendirent jusqu'en Portugal. L'ardeur des conquêtes, qui les animait, les engagea dans une guerre avec les Romains et les Visigoths ils furent complétement battus par

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ceux qui étaient restés en Allemagne reparurent au ve siècle, sous le nom de Souabes, réunis aux Allemands entre le haut Rhin et le Mein, sur les bords du Necker, du Danube et du Lech. DICT. DE LA CONV.

SUEZ OU SOUEYS (ISTHME DE). On appelle ainsi la distance qui, en réunissant l'Afrique à l'Asie, sépare la mer Rouge de la Méditerranée. Cette étendue de terre, formée en grande partie de sables et offrant l'aspect d'un désert, tire son nom de la petite ville de Suez ou Souèys, située tout au fond du golfe du même nom, qui est le prolongement de la mer Rouge vers le nord. Cette ville, bien peu considérable, a de l'importance comme station du commerce du monde. Elle est à environ 24 heures de marche du Caire, et Ptolémée l'avait mise en communication avec le Nil par un canal. Son petit port reçoit un grand nombre de bateaux à vapeur destinés à entretenir une correspondance régulière entre l'Angleterre et ses possessions des Indes orientales. Des voitures de formes variées parcourent rapidement le désert qui sépare Suez du Delta : dans ces sables arides, on a établi, au profit de la circulation, des hôtelleries et des relais de poste.

Anciennement déjà Suez servait d'entrepôt au commerce de l'Europe avec les Indes, et elle était alors riche et florissante; aujourd'hui elle ne compte guère que 600 habitants. Elle entretient encore quelques relations commerciales avec la Mecque et Moka, d'où elle reçoit du café. Depuis 1558, c'était à Suez que se construisaient la plupart des navires servant à la navigation de la mer Rouge, quoique le bois dût y être apporté à dos de chameaux. En 1798, Bonaparte traversa l'isthme de Suez pour entrer en Syrie, et en 1799, le général Baird y débarqua 10,000 cipayes destinés à appuyer l'expédition anglaise en Égypte. Quatre jours de navigation suffisent pour se rendre de Suez à Bombay.

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SUFFREN (PIERRE-ANDRÉ) DE SAINT-TROPEZ, généralement connu sous le nom de bailli de Suffren, naquit au château de Saint-Cannat, (Bouches-du-Rhône), le 13 juillet 1726. Comme cadet de famille, ses parents, qui le destinaient à la marine, le firent recevoir dans l'ordre de Malte. A l'âge de 17 ans, il entra dans les gardes marines et fit une première campagne contre les Anglais : son courage et son sang-froid furent remarqués dès ce début. Fait enseigne en 1747, Suffren prit part au combat de Belle-Ile le vaisseau le Monarque, qu'il montait, ayant été pris, il fut emmené en Angleterre ; cependant la

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paix d'Aix-la-Chapelle lui rendit, l'année suivante, la liberté. La guerre ayant éclaté de nouveau, Suffren, qui était passé à bord de l'Océan, fut surpris dans un port de Portugal par une escadre anglaise. Il fut nommé, en 1767, capitaine de frégate; mais, la France étant alors en paix, il alla à Malte et fit plusieurs courses contre les Barbaresques. Promu, en 1772, au grade de capitaine de vaisseau, il commanda plus tard le Fantasque, dans l'escadre du comte d'Estaing. Suffren avait déjà 55 ans, lorsque s'ouvrit pour lui une carrière plus brillante. Envoyé, en 1781, avec une escadre de cinq vaisseaux pour défendre le cap de Bonne-Espérance, il attaqua, dans le port de Praya de San Iago, l'une des îles du Cap-Vert, le commodore Johnson, qui commandait des forces supérieures, et soutint glorieusement l'honneur de son pavillon. Après avoir ravitaillé le cap, il fit voile, à la tête de 11 vaisseaux, pour les mers de l'Inde, où l'amiral anglais Hughes l'attendait avec des forces égales. Les deux flottes se rencontrèrent, le 19 janvier 1782, à la hauteur de Sadras, sur la côte de Coromandel: les Français eurent l'avantage et restèrent maîtres du champ de bataille. Un second engagement devant Bentacolo (Ceylan) n'eut pas de résultat décisif. Il en fut de même d'une troisième action à la hauteur de Negapatam. Suffren rentra alors à Goudelour: ce fut dans cette ville qu'Hyder-Ali vint à sa rencontre, à la tète de son armée, disant qu'il voulait embrasser un grand homme. Cependant Suffren, ayant reçu des renforts de l'île de France, appareilla pour Trinquemale (Tricomalay), capitale de Ceylan. | Arrivé devant cette ville le 26 août, il débarqua dans la nuit même 2,550 hommes qui ouvrirent la tranchée le 27. La place et la citadelle se rendirent le 50 au matin, et livrèrent aux Français un port magnifique, 80 pièces de canon et des vivres en abondance. Il y avait à peine deux heures que la capitulation était conclue, lorsque l'escadre anglaise fut signalée. Suffren se porta à sa rencontre; mais, mal secondé, il eut seul à soutenir le choc de toute une flotte, et vit son vaisseau démâté et criblé de boulets. Épuisé luimême de munitions, après avoir tiré 1.800 coups | de canon, il continua de tirer à poudre jusqu'au moment où la nuit et l'approche de son arrièregarde forcèrent les Anglais à se retirer. Suffren alla hiverner à Achem : là, ayant appris que Goudelour était assiégé par les Anglais, il fit voile pour cette ville avec 15 vaisseaux ; l'en- | nemi en avait 18. Les deux flottes restèrent trois jours en présence: Suffren donna enfin le signal de l'attaque, et la nuit seule sépara les

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combattants; les Anglais en profitèrent pour se mettre en retraite, et le blocus fut levé. Sur ces entrefaites, la paix avait été signée à Versailles. Suffren, rappelé en France, rentra à Toulon e 29 mars 1784, après une absence de trois années, et fut récompensé par le titre de vice-amiral et par une glorieuse popularité. Désigné, en 1787, pour commander une flotte qui se réunissait à Brest, il se disposait à se rendre à son poste, lorsqu'il fut atteint d'une maladie grave. Il mourut à Paris le 8 décembre 1788. Le titre de bailli lui avait été conféré par le grand maître de l'ordre de Malte pendant sa campagne de l'Inde. A. BORGHERS.

SUGER, abbé de Saint-Denis, naquit, en 1081, suivant les uns, suivant les autres en 1087, de parents obscurs et pauvres, à Saint-Denis, s'il faut en croire Félibien, à Tours en Beauce ou à Saint-Omer, suivant d'autres autorités. Placé dès l'âge de dix ans à Saint-Denis, où était élevé le jeune Louis VI, il devint de bonne heure l'ami du prince, dont il devait être par la suite le principal ministre. Suger ne réparait pas la bassesse de sa naissance par un extérieur avantageux; mais, en revanche, il était doué d'une mémoire prodigieuse, d'un sens droit, d'une élocution facile, d'une rare érudition, et d'une activité d'autant plus sûre qu'elle s'unissait à un caractère réfléchi. Ce fut en 1122 qu'il parvint au gouvernement de l'abbaye de Saint-Denis. On dit qu'il affecta dès lors un peu trop les manières et le luxe d'un grand seigneur; mais dans ces temps féodaux, où les évêques, et les abbés eux-mêmes, exerçaient une juridiction temporelle, où tout en France, jusqu'à la royauté, était au service de l'Église, il ne faut pas trouver étrange qu'un abbé de Saint-Denis, qui voyait, comme l'on sait, relever de lui la couronne de France, s'entourât des insignes accoutumés d'un pouvoir qu'il possédait. Quoi qu'il en soit, touché des remontrances de saint Bernard, Suger réforma sa manière de vivre, et se montra désormais modeste et simple. Appelé auprès de Louis VI pour être son conseil et son guide, chargé de l'éducation de son fils, Suger, aussi brave chevalier que saint docteur, aida le roi dans toutes ses entreprises, soit de la main soit de la tête. On le vit, mêlé aux milices royales, réduire au devoir les vingt petits châtelains de l'Ile-de-France et de l'Orléanais, dont la ligue redoutable enclavait la faible royauté dans ses étroits domaines. Chargé d'administrer la justice et de perfectionner les lois, il montra un génie si propre aux affaires qu'il réunit bientôt à son département les négociations et la guerre; il aida, par une sage po

glaive temporel, l'abbé réprima en peu de temps leur méchanceté; » et le pouvoir royal ne fit que s'accroître aux mains de l'homme qui avait pour maxime : « Qu'il vaut mieux que tous aient un seul maître qui les défende, que de périr tous en n'ayant pas de maître. » Il est vrai que la tâche du régent était rendue moins difficile par la

de tant de guerriers pour la terre sainte. Il parvint à rétablir dans les finances royales l'ordre et l'abondance, au point de pouvoir envoyer à son maître, sans trop grever les peuples, l'argent dont il avait besoin, soit pour nourrir ses soldats, soit pour payer des dettes contractées envers les chevaliers de Saint-Jean et du Temple. On admirait en lui moins la science et la sainteté que l'habileté politique; et ce sentiment qui lui fit décerne le nom de Salomon, et qui fit venir en France des étrangers pour voir son administration, indique par lui seul un immense progrès dans les idées. Comme il avait désapprouvé le départ du roi, il ne cessa de presser son retour, et se hâta de lui remettre le gouvernement du royaume, pour rentrer dans son abbaye, « avec le glorieux titre de père de la patrie que le roi et le peuple lui donnèrent. » L'abbé Suger avait alors un grand avantage : il était le seul homme en Europe qui se fût opposé à la croisade; de toutes parts on vantait sa sage prévoyance, et toutes les plaintes se dirigeaient contre saint Bernard, dont naguère la chaleureuse éloquence avait triomphe de la prudence du ministre. Dès lors, Suger, retiré dans son abbaye, «< n'en sortit plus que par force, pour assister aux conseils des princes, où il intercédait encore pour les

litique, au mouvement qui préparait l'affranchissement des communes, soit qu'il prévît les immenses avantages que les rois tireraient de cette révolution, soit peut-être que la religion et l'humanité le décidassent à relâcher les lois de la servitude.-Lorsque la mort de Louis VI, dont il reçut le dernier soupir, eut placé Louis VII sur le trône, Suger vit encore accroître son cré-paix générale qui résulta en Europe du départ dit. Le jeune roi était dans une situation plus prospère que son prédécesseur; mais il n'avait | pas son sens droit et ses idées justes: homme faible et dominé par ses caprices, ne comprenant pas l'impulsion donnée au pouvoir royal, qu'eût-il fait, s'il n'eût pas eu pour guide celui qui avait gouverné son enfance, et qui devait encore le gouverner sur le trône, pendant la moitié de son règne? Quand eut lieu le fameux sac de Vitry, dont l'expiation engagea Louis VII dans la seconde croisade, Suger vit avec douleur son roi prendre la résolution ferme et inébranlable de quitter la France; et, tandis que d'éloquents prédicateurs et la parole entraînante de saint Bernard animaient le zèle des guerres saintes, l'habile ministre préparait la royauté à recueillir un jour les fruits salutaires de ces grands événements, | sans permettre, toutefois, qu'elle souffrît des dés- | astres qui accompagnaient toujours ces aventureuses expéditions. Aussi, écrivit-il en secret au pape Eugène III, et, lui communiquant ses craintes, le conjura-t-il de reculer l'époque d'un départ qui pouvait devenir si funeste. L'ardeur du prince l'emporta : il crut qu'il expierait mieux le crime de Vitry par des conquêtes en Orient | que par une sage administration intérieure. Il parut bien mieux inspiré, lorsqu'il conféra à Suger la régence de son royaume. L'abbé de Saint-pauvres, les veuves et tous ceux qui souffraient Denis avait donné une longue paix à la France et quelque injure. » Privé de son appui, Louis allait fait la gloire de deux règnes; il s'était opposé à désormais apparaître à la France dans toute sa la croisade; et, ce qui atteste à la fois son mérite faiblesse, sa timidité d'esprit, sa dévotion étroite et son ascendant, il avait conservé sa popularité et sans dignité. Cependant, les désastres resans partager les opinions dominantes aussi le commençaient dans la Palestine on vit alors, choix qu'on fit de lui obtint-il l'approbation des chose difficile à croire, l'abbé Suger, qui s'était grands et les suffrages du peuple. On sait la opposé au départ de Louis, prendre la résolution déplorable issue de cette malencontreuse expé- de secourir Jérusalem, et, dans une assemblée dition, et les infortunes du roi de France; et ce- tenue à Chartres, exhorter les princes, les bapendant, Suger gouvernait le royaume avec l'in- rons et les évêques à s'enrôler sous les drapeaux tégrité d'un homme qui n'avait point ambitionné de la guerre sainte. Sans doute, le poids de l'âge l'honneur de porter le fardeau de la régence, et avait une grande part dans une résolution si suravec toute l'activité qu'on aurait eu droit d'at-prenante. Comptant plus de 70 ans, il voulait luitendre de celui qui l'aurait briguée. Pendant la longue absence de Louis VII, ce fut vraiment lui qui porta la couronne. « Aussitôt que le roi fut parti, dit le biographe de Suger, les hommes avides de pillage commencèrent à désoler le royaume; mais, armé du glaive spirituel et du

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même conduire la croisade; et déjà plus de dix mille pèlerins se disposaient à le suivre en Asie, lorsque la mort vint arrêter l'exécution de ses projets. Il expira (1152) entre les bras de saint Bernard, qui soutint son courage, et l'exhorta à ne plus détourner ses pensées de la Jérusalem

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