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Certes, Louis-Philippe savait la valeur de cette gratitudelà; cependant il inclinait à accorder la grâce demandée. Les ministres y mirent une condition: M. Louis Bonaparte signerait une demande en gråce; il s'y refusa.

Une partie du fort de Ham était livrée aux maçons qui la
réparaient. M. Louis Bonaparte résolut de mettre à profit
cette circonstance favorable à une évasion. Son valet de
chambre acheta les vêtements d'un manœuvre qui servait
les maçons (1). Le 25 mai, de très-grand matin, M. Louis
Bonaparte coupa ses moustaches, se coiffa d'une perruque
noire et d'nne casquette, passa le gros pantalon et la blouse
du manœuvre, chaussa des sabots, mit une pipe de terre
à sa bouche et une planche sur l'épaule. Pendant que son
valet de chambre faisait boire du vin aux ouvriers et que
le docteur Conneau détournait l'attention des gardiens
en causant avec eux, le prince, ainsi affublé et sans être
reconnu, parvint à franchir la porte de la citadelle.
Une voiture retenue, la veille, par le valet de chambre qui
rejoignit son maître, les attendait sur la route de Saint-
Quentin. Deux jours après, M. Louis Bonaparte arrivait à
Londres où, reprenant sa vie de plaisir, il ne songea plus à
son père qui mourut à Florence, le 25 juillet, sans avoir,
d'ailleurs, exprimé le désir de le voir.

L'évadé de Ham établit sa demeure dans King-Street, Saint-James. Un document dont copie a été prise sur les registres du parvis Saint-James porte ce qui suit: « Le 6 août, le prince Louis-Napoléon a prêté serment comme constable spécial pour deux mois, à la Cour de police de Malborough-Street, entre les mains de S..P. Birgham écuyer, et il était en fonctions, le 10 août, pendant le meeting chartiste, sous le commandement du comte Gray. »

Jérome, l'ex-roide. Wesphalie, survivait à tous les frères et à toutes les sœurs de Napoléon Ier. Lucien, le complice du

(1) Ce manœuvre se nommait Badinguet.

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18 Brumaire était mort à Sinigaglia, en 1840, et Joseph, à Londres, en 1844. Mais vingt-cinq rejetons de la postérité masculine et de la postérité féminine de ces frères et de ces sœurs deviendront autant de sangsues vivant à nos dépens. Louis-Philippe croyait le bonapartisme éteint; il n'était que refroidi et le roi, inconsciemment, le réchauffait. Le 14 décembre 1840, ce monarque imprudent avait assisté, avec toute sa famille, dans l'église des Invalides, aux cérémonies pompeuses de la translation des cendres de Napoléon Ier ramenées de Sainte-Hélène par le prince de Joinville et dont l'entrée dans Paris fut célébrée avec une magnificence qui donnait à cet événement le caractère d'une fète nationale. Sept ans plus tard, le roi des Français permit que les cercueils du père et du frère de M. Louis Bonaparte fussent ramenés d'Italie à Saint-Leu-Taverny où, le 27 septembre 1847, la célébration d'un service commémoratif se fit. L'église, au milieu de laquelle un catafalque se dressait, était parée de tentures sur le fond noir desquelles se détachaient les abeilles d'or et les autres emblêmes ou attributs de la monarchie impériale.

Quand la révolution de Février éclata, M. Louis Bonaparte était ruiné et endetté, il devait une somme d'argent considérable à miss Howard qui, pour subvenir aux frais qu'exigeront les préparatifs du grand crime de décembre 1851, engagera le reste d'une fortune acquise « au pays de Tendre. >> << Très-bien avec plusieurs membres de l'aristocratie anglaise, quoiqu'elle ne fût pas admise elle-même dans la haute société de Londres, cette jeune et jolie femme rendit des services de tout genre à l'homme qu'elle aimait (1). » C'est avec l'argent des contribuables français que M. Louis Bonaparte payera ces services-là.

(1) Vicomte de Beaumont-Vassy; Mémoires secrets du XIX siècle.

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tion de M. Louis Bonaparte à l'Assemblée; sa candidature à la présidence de la République; son serment.

Coalition.

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Acte

de contrition. Voyages et déclarations. Les coalisés se

dupaient mutuellement.

Le discours de Dijon.

Rupture.

Satory, Wiesbaden et Claremont. « L'Empire est fait. » — L'œuvre de l'Assemblée. Le général Changarnier; « Délibérez Imprévoyances. Vote sur la révision de la ConsUne imprudence de l'AssemLes complices. Le comsubornation.

en paix ! » titution.

Un espoir détruit.

blée; M. L. Bonaparte en profite. mandant Fleury; sa campagne de

Un groupe de

chefs militaires subornés. Le général Saint-Arnaud. Le Les prétoriens se démasquent. . Un nou-. Le dogme de l'obéissance passive.

général Magnan. veau ministère.

-

Le 25 février 1848, à minuit, les membres du gouvernement provisoire reçurent la lettre suivante : « Le peuple de Paris ayant détruit par son héroïsme les derniers vestiges de l'invasion étrangère, j'arrive de l'exil pour me ranger sous le drapeau de la République. Sans autre ambition que celle de servir mon pays, je viens annoncer mon arrivée aux membres du gouvernement provisoire et les assurer de mon dévouement à la cause qu'ils représentent, comme de ma sympathie pour leurs personnes. »> - «LouisNAPOLEON BONAPARTE. »

Le prétendant fut invité à retourner en Angleterre. A

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quatre heures du matin, il partit pour Boulogne. Le bonapartisme sommeillait encore. Aidé de quelques amis, M. Fialin, qui s'était présenté aux électeurs de la Loire comme un loyal et franc républicain, le réveilla après la journée du 15 mai.. Il y eut des élections complémentaires. La candidature de Louis-Napoléon fut posée dans plusieurs départements; on créa des journaux pour la soutenir; elle réussit à Paris, dans l'Yonne, la Charente-Inférieure et la Corse. Des débats très-vifs s'engagèrent dans l'Assemblée au sujet de l'admission de M. Louis Bonaparte qui venait d'adresser au président une lettre dont les termes hautains excitèrent une indignation générale; le mot de République n'y était pas prononcé. Le lendemain, 15 juin, il baissait le ton: « Je désire, écrivait-il, l'ordre et le maintien d'une république grande, sage, intelligente. » En même temps, il donnait sa démission de député. Réélu en septembre, à Paris, dans l'Yonne, la Charente-Inférieure, la Moselle et la Corse, il prit place, le 28, au sein de l'Assemblée nationale. Dans une allocution à ses collègues, il se plaignit des calomnies dont il avait été l'objet, déclara que << la République lui avait fait le bonheur de retrouver sa patrie et tous ses droits de citoyen » puis, il s'écria : « Que la République reçoive mon serment de dévouement! Nul, ici, plus que moi, n'est résolu à se dévouer à la défense de l'ordre et à l'affermissement de la République. » Dans la séance du 26 octobre, il protesta contre «< ceux qui l'accusent d'ambition, connaissant peu son cœur ; jamais, dit-il, jamais personne n'a pu douter de ma parole. »

M. Louis Bonaparte recherchait la compagnie des socialistes les plus connus. A la veille de l'élection du 10 décembre, il publia un manifeste dans lequel se trouvaient ces déclarations : «Je ne suis pas un ambitieux qui révé l'Empire.... Si j'étais nommé président, je me dévouerais tout entier, sans arrière-pensée, à l'affermissement d'une répu blique sage par ses lois, honnête par ses intentions, grande

et forte par ses actes. Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de quatre ans, à mon successeur le pouvoir affermi, la liberté intacte... La République doit avoir foi dans son avenir. » L'appui des monarchistes dont l'ambition espérait dominer la sienne, les promesses d'amnistie et de diminution d'impôts, le prestige des souvenirs d'une époque alors mal connue élevèrent M. Louis Bonaparte à la présidence de la République française. Le 20 décembre 1848, il jura « en présence de Dieu et devant le peuple français représenté par l'Assemblée nationale, de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible et de remplir tous les devoirs que lui impose la Constitution. » Il lut, ensuite, une décla ration dans laquelle il était dit : « Je remplirai en homme d'honneur mon devoir tracé par le serment que je viens de prêter. Je regarderai comme ennemis de la Patrie tous ceux qui tenteraient, par des voies illégales, de changer la forme du gouvernement que vous avez établi. Nous avons une grande mission à remplir, c'est de fonder une république dans l'intérêt de tous. »

Dès le lendemain, les manœuvres qui doivent aboutir à la violation de la foi jurée se découvrent. Avec le concours des royalistes qu'aveugle leur haine pour la République, M. Louis Bonaparte va briser tous les obstacles qui s'opposeraient à ses desseins. Il déclare à la presse républicaine une guerre à mort; il révoque les maires patriotes, dissout les municipalités indépendantes, désarme les gardes nationaux dévoués à la démocratie, destitue les instituteurs primaires suspects de républicanisme, suspend les profes seurs libéraux,schasse les proscrits étrangers, pactise avec les jésuites, détruit la République romaine, fait insulter la République française et jeter des provocations aux républicains sur un théâtre qui semble s'etre réservé le monopole des obscénités antipatriotiques. A toutes les époques de réaction violente, en 1791 comme en 1850 et en 1871, ce théâtre fut le rendez-vous des aristocrates et des réac

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