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vains pour insulter à une religion qui avoit résisté à tant d'épreuves, et qui devoit encore triompher de celle-là. L'autorité empêchoit de célébrer le dimanche, de faire maigre, d'entendre la messe; elle se félicitoit quand elle avoit ravi un pasteur à son troupean, et qu'elle avoit fait cesser les exercices de religion dans une campagne. Elle veilloit surtout à sø que la religion ne présidât plus à l'éducal on puklique, et elle se plaisoit à inquiéter les maîtres chrétiens, en même temps qu'elle favorisoit ceux qui semoient l'indifférence ou l'impiété parmi leurs élèves.

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A cette conspiration publique contre le christia nisme se joignoient les efforts d'un parti schismatique, qui avoit usurpé la place des pasteurs légiti mes, et qui travailloit de toutes ses forces à perpétner les divisions et à tromper les peuples sur sa mission. Il venoit de tenir un concile pour essayer de se rétablir dans l'opinion et en imposer aux simples, et il donnoit fréquemment des écrits pleins de jactance, de fiel et de fausseté contre le saint Siége, contre les évêques, et contre les prêtres qui n'avoient point pris part aux nouveautés. Ce double scandale et ce double danger excitèrent le zèle des pasteurs que la révolution avoit bannis de France; ils adressèrent à leurs troupeaux une Instruction pastorale, en date du 15 août 1798. Cette Instruction est divisée en deux parties, dirigées, l'une contre le schisme, et T'autre contre l'impiété

Les évêques signalent d'abord les innovations de l'assemblée constituante, et prouvent Fillégitimité de la mission des nouveaux évêques. Ils répondent à quelques-unes des objections semées dans l'écrit qui avoit paru en 1792, sous le titre d'Accord des Vrais

principes de l'Eglise, de la morale et de la raison sur la constitution du clergé, par les évéques dés dépar→ temens, et réfutent égalenient les encycliques des réunis, et les lettres de leur concile, de 1797, dont on venoit de publier les actes.

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alls invoquent, disoit l'Instruction, cette maxime de saint Augustin: Il ne peut y avoir de justes raisons de tompre l'unité. Ils ont donc voulu prononcer leur propre condainnation; car il est de toute évidence que ce sont ceux qui ont rompu cette inviolable unité. Le point de rupture, suivant l'énergique expression du grand évêque de Meaux, demeure et demeurera toujours sanglant. On peut et on pourra toujours leur montrer le jour et le moment de leur criminelle scission; c'est celui où la plupart se sont laissé établir évêques d'églises qui avoient déjà leurs évêques légitimes; c'est celui où quelques-uns sont entrés dans des églises vacantes, il est vrai, mais n'y sont point entrés par la porte, n'en ayant été établis évêques que par la puissance séculière, et n'étant montés à ces claires épiscopales qu'en foulant aux pieds toutes les règles canoniques... Ils se plaignent que le démon de la discorde fait élever de toutes parts autels. contre autels. Ainsi, de leur aveu, élever autel contre autel est une œuvre de ténèbres, c'est un crime; mais quel autre qu'eux a cette œuvre de ténèbres à se reprocher? quel au tre qu'eux est coupable de ce crime? Aucun des évêque's légitimes n'a élevé un autel nouveau; chacun d'eux avoit le sien solidement établi, Ce sont les autres qui n'avoient point d'autels, et qui pour s'en procurer ont en besoin d'en élever contre ceux qui existoient déjà. Ils se plaignent de ce schisme désolant qui depuis quelques années porte le trouble dans tant de familles chrétiennes ; ils veulent donc être euxniêmes leurs propres accusateurs. En effet, à qui ce schisme doit-il sa naissance? n'est-ce pas à eux seuls? Par qui ce schisme est-il entretenu ? n'est-ce point par eux seuls »?

Après avoir repoussé quelques autres difficultés, les signataires de l'Instruction examinent le décret de pacification rendu par le concile de 1797. Ce décret est en effet fort bizarre. Les constitutionnels, après avoir

vanté leur amour pour la paix, et lettr disposition à se prêter à tous les sacrifices, énonçoient les condi tions de l'accommodement projeté. Un des articles portoit, que s'il n'y avoit qu'un évêque dans un diocèse ou un curé dans une paroisse, il seroit reconnu de tous, et par-là ils s'assuroient la possession des siéges qu'ils avoient usurpés. D'après un autre article, si une église avoit deux évêques, l'un sacré avant 1791, l'autre établi depuis cette époque, le plus aucien devoit être reconnu, à condition que l'autre lui succéderoit de plein droit. A la lecture de cet article, on va croire peut-être que les constitutionnels consentoient à céder leurs siéges aux évêques légitimes; ma s une petite restriction réduit à rien cette condescendance trompense. En effet, dans le préambule du décret, ils déclarent qu'ils n'entendent point traiter avec les pasteurs émigrés, ou déportés ou non assermentés, et que la conciliation ne peut avoir lieu qu'avec les évêques restés en France, et qui ont fait les serniens. Or, its savoient bien qu'il n'y avoit aucun évêque dans ce cas; de sorte que leur plan de conciliation est manifestement dérisoire, qu'ils n'ont voulu qu'éblouir les espri's, et que leurs belles protestations de faire à la paix tous les sacrifices possibles, n'aboutissent qu'à rester seuls en possession de leurs siéges. Ils rendent même cet artifice plus misérable encore par les expressions hypocrites dont ils cherchent à la convrir. Ils prétendent que les lois ecclésiastiques elles-mêmes les empêchent de traiter avec les évéques sortis de France, et après les avoir ainsi écartés de la négociation, ils se flattent d'avoir satisfait à tout ce que demandoient la justice et la vérité, et d'avoir concilié la sagesse et la charité:

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Cette charité n'avoit pas dù leur coûter beaucoup d'efforts, et les éloges qu'ils se donnent avec une si singulière candeur paroissent bien ridicules quand on les compare à la conclusion. છે

Ayant ainsi signalé, dans la première partie de l'Instruction, les sophismes et les artifices des se claires, les prélats déplorent, dans la seconde, les excès de l'impiété. Là ils retracent brièvement la destruction des églises, les déportations et les massacres des prêtres, les encouragemens donnés à l'apostasie, le changement de calendrier imaginé pour faire oublier les observances de la religion,. les vexations multipliées commises à cet égard, les entraves apportées. à la sanctification des dimanches et fêtes, les profanations des temples, consacrés, tantôt au culte de la raison, tantôt à celui de la nature, tantôt à une théophilanthropie ridicule, et le plus souvent à des prédications antichrétiennes et à des cérémonies idolâtriques, une confusion de doctrines et de systêmes qui n'offroient rien de satisfaisant à l'esprit, ou de consolant pour le cœur; enfin, une suite persévérante d'efforts pour éteindre le flambeau de la foi, et ébranler les fondemens même de la morale.. Les évêques s'étendoient particulièrement sur les absurdités de la théophilanthropie, et sur le scandale qu'avoit donné récemment une association d'hommes sans Dieu, qui se proposoient d'employer tous les moyens pour déraciner l'erreur fatale de l'existence de Dieu.

Les auteurs de l'Instruction opposoient donc l'enseignement de la religion à tant d'erreurs et de folies. Ils adressoient ensuite aux fidèles des conseils et des exhortations salutaires et adaptés à leur situation. Ils engageoient les pères de famille à veiller à l'éduca

tion de leurs enfans, et à suppléer par leurs soins aux secours dont les générations naissantes étoient privées. Enfin, ils les sollicitoient de prier pour l'Eglise et pour son chef, atteint lui-même par la vio lence des persécuteurs, et banni de ses Etats; on sait que Pie VI étoit à cette époque exilé à Florence.

Telle est cette Instruction pastorale, où tout est grave, solide, et digne d'évêques zélés pour le bien spirituekde leurs troupeaux. Il paroît qu'elle fut rédigée en Allemagne, et elle est signée principalement par les évêques retirés dans ce pays (1). Quoiqu'elle ait été faite pour des circonstances différentes de celles où nous nous trouvons, elle offre néanmoins des principes et des avis applicables à tous les temps. Elle est une réclamation précieuse contre les fausses doctrines, et un monunient du zèle de nos évêques; c'est un des derniers actes de l'église gallicane, et nous applaudissons an zèle de l'éditeur qui vient de le faire réimprimer. Si la religion avoit ene

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(1) Elle porte les noms de 48 prélats, savoir : les cardi naux de la Rochefoucauld et de Montmorency; les archevêques de Reins, d'Einbrun, de Paris, de Lyon et de Bourges; les évêques de Limoges, de Soissons, d'Arras, de Montpellier, de Noyon, d'Agen, de Lisieux, de Langres, de Toul, d'Amiens, de Saint-Pol de Léon, de Séez, d'Avranches, da Puy, de Vannes, de Chartres, de Lucon, de Clermont, de Saint-Diez, de Laon, de Meaux, d'Uzes, d'Aire, de Chalans-sur-Saône, de Châlons-sur-Marne, de Nantes, de Digne, d'Angoulême, de Gap, de Saint-Claude, de Toulon, de Dijon, de Nancy, de Lombez, de Valence, de Senez, de Sistéron et de Boulogne; les évêques de Rozy et d'Orope, suffragans de Besançon et de Metz, et l'évêque nomme à Moulins. L'évêque et prince de Bâle, dont le diocèse s'étendoit en France, joignit sa signature à celle des 48 prélats.

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