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parlent, parcouroit aussi les villes et les campagnes, prêchant l'Evangile, enseignant dans les synagogues, instruisant les peuples, tantôt sur le rivage, tantôt sur les montagnes, tantôt dans le temple. Il envoya ses disciples comme il avoit été envoyé lui-même : Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. Il leur ordonna d'aller prêcher: Euntes predicate, d'aller de ville en ville, et il leur fit assez entendre qu'ils ne seroient pas reçus partout. Les apôtres se rendirent, suivant ses instructions, dans les différentes parties du monde, et furent les premiers missionnaires. Lorsque Paul parcouroit l'AsieMineure, la-Macédoine et la Grèce, que faisoit-il antre chose qu'une mission? Les missionnaires qu'on expulse des villes, et contre lesquels on ameute la populace, peuvent se consoler en pensant qu'il en arriva autant au grand apôtre; il fut chassé d'Antioche, et obligé de s'enfuir d'Iconium, de Lystre et d'Ephèse. La haire qui animoit contre lui les idolâtres, poursuit encore ses imitateurs; ce n'est pas la première fois que les ennemis de la religion de nos jours out pris leurs inodéles dans les persécuteurs des premiers temps.

Chaque siècle de l'Eglise vit des homines généreux aller prêcher la foi, et parcourir les provinces pour faire la guerre à l'ignorance et aux vices; c'est à des missionnaires que nous devons la conversion de nos Gaules; les apôtres ou leurs premiers successeurs envoyèrent quelques-uns de leurs disciples pour annoncer l'Evangile dans nos contrées : il ne nous est pas permis d'oublier les noms et les services des Trophime, des Pothin, des Denis, des Saturnin, des Martial, révérés à Arles, à Lyon, à Paris, à Toulouse ét à Limoges. C'est par les missions que la foi' s'étendit successivement; saint Augustin en Angleterre, saint Boniface en Allemagne, menoient la vie de missionnaires, parcourant les différentes contrées, formant des chrétiens, et visitant ensuite ceux qu'ils avoient convertis; c'est par des missionnaires que les Danois,

les Suédois, les Slaves, et tant d'autres nations furent attirés au christianime. Depuis, ce zèle ne s'est point refroidi, et dans des temps postérieurs, on a vu des hommes apostoliques passer les mers pour porter le flambeau de la foi dans les contrées les plus reculées. Qui n'a entendu parler des travaux prodigieux et des succès admirables d'un saint François-Xavier, la gloire de l'Eglise au seizième siècle? Sur ses pas, des prêtres et des religieux de différens ordres ont conquis dans les deux Indes des milliers d'ames à Jésus-Christ, et des missions nombreuses subsistent encore en ces pays, malgré les désastres de la révolution qui les a privées d'une partie de leurs ressources.

Mais ces missions sont destinées pour la conversion des idolâtres, et ce n'est point contre celles de cette espèce que l'on s'élève particulièrement aujourd'hui avec tant de fureur. Les missions que l'on attaque ce sout celles qui se font au milieu de nous, et qui ont pour but d'instruire les ignorans, de ramener les pécheurs, de faire cesser les désordres, et de suppléer à la disette des pasteurs. Ces sortes de missions ont encore été pratiquées de tout temps dans le christianisme; saint Bernard, saint François d'assise, saint Bonaven ture, ces grands hommes, auxquels les protestans même n'ont pu refuser des éloges, donnoient des missions, et attaquoient avec force les vices de leur siècle. Le nom des frères Prêcheurs indique quel étoit leur ministère; plusieurs ordres formés à cette époque prirent pour objet de l'institut la conversion des pécheurs, et en général l'instruction des fidèles, et ils s'empressoient de soulager les pasteurs ordinaires dans leurs fonetions. «Il faut attribuer aux vertus personnelles de saint François et de ses premiers disciples la bénédic tion que Dieu douna à leurs travaux; ce fut la récompense de leur zèle ardent pour le salut des ames de leur désintéressement parfait, de leur profonde hu milité, de leur patience invincible; ils vinrent à pro

pos, dans un siècle très-corrompu, pour ramener l'idéo de la charité et de la simplicité chrétienne, et pour suppléer au défaut des pasteurs ordinaires ». (Fleury, Se. Disc. eccl. s. 8.) Saint Vincent Ferrier est ceJebre par le zèle qui lui fit entreprendre tant de missions; il commença, en 1397, à parcourir la France, l'Espagne, l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlande, et il mourut à Vannes en 1419, au milieu de ses travaux. Les missions en pays chrétiens furent un des objets que se proposa saint Ignace dans la fondation de sa société. Saint Charles Borromée et saint François de Sales conBurent tout le prix de cette œuvre, et la pratiquèreut avec le zèle et le succès que l'on connoît.

Le nom de ce dernier prélat nous conduit au dixseptième siècle, à cette époque 'si féconde en lumières et en vertus, où tout ce qui étoit avantageux et ho, norable à l'Eglise étoit accueilli avec empressement,, où régnoit entre des institutions récentes une louable émulation à faire le bien, où des ames généreuses se dévouérent à toute sorte de bonnes oeuvres avec un zèle qui nous étonne. Parmi les moyens employés alors pour ranimer la foi des peuples, les missious ne furent pas oubliées; elles furent même suivies avec assiduité dans toute la France. Les Jésuites, fondés dans le siècle précédent, se livroient déjà à ce genre de ministère, et plusieurs membres de leur société s'y sont rendus céTèbres. On révère dans le midi de la France la mémoire de saint Jean-François, Regis, mort à la Louvesc, en 1640, après avoir donné des missions pendant plus sieurs années dans les Cévennes, le Vivarais et le Valais, Dans ce même temps un homme célèbre par les plus héroïques vertus, un homme fait pour imprimer un grand mouvement à son siècle, accréditoit la pratique des missions par son exemple et par ses conseils; saint Vincent de Paul connoissoit toute l'importance des missions; il auroit voulu, dit son historien, ne les interrompre jamais, et il se reprochoit comme des

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momens perdus ceux qu'il étoit forcé de consacrer à d'autres, affaires. Ce fut sous ses auspices que des hommes distingués par leur nom et leur piété, les abbés de Rochechouart, de Perrochel, de Vialard, Fouquet, Pavillon, firent, 18 premiers essais de leur zèles zèlė; Bossuet lui-même donna en 1658, à Metz, une mission dont Vincent l'avoit établi le chef. Pour saint Vincent, le nombre des missions qu'il fit par luimême ou par ses disciples, est immense. Pendant les sept ou huil dernières années qu'il passa dans la maison de Gondi, il en fit plus de quarante, taut dans de petites villes que dans les villages. Ce fut pour perpétuer cette neuvre qu'il établit une congrégation, et il voulut que le nom de prêtres de la mission leur rappelât sans cesse le but de leur institution. Pendant qu'il ful principal du college des Bous-Enfans, c'est-à-dire, depuis l'établissement de sa compagnie en 1625 jusqu'en 1632, qu'il alla résider à Saint-Lazare, il fit cent quarante missions, par lui ou par les siens; et pendant le reste de sa vie, sa congrégation en donua près de sept cents, à plusieurs desquelles il prit part. Les diocèses de Paris, de Saintes, de Alende, de Saint-Flour, de Genève, de Marseille, de Reims, de Rouen, de Toul Ja Bretagne, la Bourgogue, la Champagne, la Touraine, le Poitou, etc., furent les principaux théâtres du zèle des enfans de saint Vincent; il faut y joindre les missions qu'ils firent avant sa mort dans les pays étrangers, aux environs de Rome, dans l'Etat de Genes, dans diverses parties de l'Italie, en Corse, en Piémont, en Pologue, en Irlande, etc. La mort du saint prêtre ne fit point cesser cette œuvre, il l'avoit toujours recommandée avec instance dans ses ins tructions et dans ses lettres, et ses disciples, fidèles à son esprit, ont continué de se livrer à un ministère si laborieux. Sans doute on nous permettra de compter pour quelque chose en faveur des missions le sentiiment et la pratique d'on homine si universellement

révéré, et aux vertus duquel le monde et l'incrédulité ont été forcés de rendre hommage.

Ce zèle pour les missions ne fut pas particulier à la congrégation de Saint-Lazare, et le dix-septième siècle vit d'autres corps et des particuliers se consacrer à ces utiles exercices. L'Oratoire, récemment fondé par le cardinal de Bérulle, comptoit aussi les missions: parmi les objets de son zèle. Nous voyons que le père de Condren, second général de cette congrégation, attachoit un grand prix à cette œuvre; ontre les missions qu'il faisoit faire par ses prêtres, il engagea plusieurs abhés de distinction, qu'il dirigeoit, à travailler dans le même genre. Les abbés de Caulet, Donadieu, de Bassancour, depuis évêques; du Ferrier, Amelotte, allèrent par ses conseils faire des missions en Saintonge, à Amiens et à Caen, sous la conduite de M. Mainster, célèbre missionnaire de ce temps. Le père Bourgoing, qui succéda comme général de l'Oratoire au père de Condren, établit des missions dans plusieurs diocèses, à la demande des évêques, et composa, pour ses mis sionnaires, un livre intitulé: Direction pour les missions qui se font par la congrégation de l'Oratoire, Paris, 1646, in-8°. Le père Lejeune, dit le père Aveus gle, fut célèbre par son zèle pour les missions; il y étoit exclusivement livré, et il y employa soixante ans de sa vie, sans que la cécité dont il fut affligé arrêtât ses courses et ses travaux qui embrassèrent presque tout le royaume. I fit particulièrement de grands fruits dans le diocèse de Limoges, et il y forma plusieurs bons missionnaires (1).

(1) Il consulta le docteur Arnauld sur les missions, il voyoit que le fruit n'en étoit pas toujours aussi durable qu'il l'auroit voulu, et il hésitoit s'il devoit les continuer. Arnauld, lui conseilla de suivre ette carrière; voyez sa lettre du 30 octobre 1660, qui est la 59e. du t. Ier. du R cueil publié en 1727; 8 vol. in-8°. Ainsi le docteur n'étoit pas aussi opposé aux missions que ceux qui font aujourd'hui profession de révérer son nom, et de suivre ses sentimens.

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