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Rue. Mauch 23, 1906.

PREMIÈRE PARTIE

REVUE DE LÉGISLATION

COMMENTAIRE DE LA LOI DU 27 DÉCEMBRE 1900 SUR L'AMNISTIE (1).

Prolégomènes.

CHAPITRE I

Travaux préparatoires.

Les pouvoirs publics ont, à toute époque, largement usé de la plus précieuse de leurs prérogatives, en couvrant du voile de l'oubli les actes commis par certaines catégories de citoyens, lorsque les circonstances commandaient de les faire bénéficier d'une faveur exceptionnelle. Ils ont estimé avec raison qu'une politique prudente mais utile, devait dans bien des cas, remplacer avec avantage et fruit les moyens violents qui peuvent exposer à de dures représailles et exciter les passions populaires.

Sous l'ancien régime, sous l'Assemblée constituante, sous l'Assemblée législative, sous la Convention nationale, sous le Directoire et sous le Consulat, nombreuses ont été les amnisties.

Il en a été de même depuis le premier empire, et la loi de 1900 a eu pour devancières pour la troisième république la loi du 4 septembre 1870, 2 avril 1878, 3 mars 1879, 16 mars et 11 juillet 1880, 29 juillet 1881, 19 juillet 1889, 1er février 1895 et 27 avril 1898.

L'amnistie de 1900, procède des deux sources suivantes, l'une sur l'amnistie proprement dite, l'autre sur l'extinction de certaines actions pénales.

SECTION 1. - Amnistie proprement dite.

Le 13 juin 1898, M. Paulin Méry et plusieurs de ses collègues déposaient une proposition de loi (2) accordant l'amnistie pleine et entière à tous les condamnés pour faits politiques, de presse, de grève et faits. Promulguée au J. Off. du 28. Cette loi n'a été suivie d'aucune circulaire du garde des sceaux.

1.

2.

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 juin 1898 n' 25. (Chambre des députés 7° législature, session de 1898).

Lois nouvelles 1901, 1 partie.

Revue de législation.

1

connexes ou par application de la loi de juillet 1894, transformant en amnistie la grâce de Cyvoct, mais excluant les faits se rattachant à l'affaire Dreyfus.

Le 30 du même mois M. Charles Rousse faisait de même (1) en ce qui concerne les délits de la presse et les délits et contraventions se rattachant à des faits de grève, à l'exception des faits prévus par la loi du 13 décembre 1893, et les délits de presse se rattachant aux affaires de trahison.

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Le 4 juillet 1898 trois nouvelles propositions étaient déposées. La première (2) par M. Coutant et un grand nombre de ses collègues et relative à une amnistie pleine et entière à accorder pour toutes les condamnations prononcées ou encourues au 1er juillet 1898 à raison des délits et contraventions se rattachant à des faits de grève, à raison des crimes prévus par les articles 87 et suivants du Code pénal et des délits de presse; cette amnistie devait également s'appliquer aux faillites simples, c'est-à-dire reconnues non frauduleuses. La seconde (3) par M. Puech et quatre de ses collègues demandait l'amnistie pour tous ceux qui avaient été condamnés depuis plus de trois ans délai légal de la réhabilitation en vertu des articles 334 et 423 du Code pénal. M. Edouard Drumont et trois de ses collègues déposaient la troisième proposition (4) qui tendait à accorder l'amnistie à tous les condamnés des troubles d'Algérie (survenus depuis le commencement de 1897). A la séance du 4 juillet furent entendus sur l'urgence de ces propositions MM. Coutant, Paulin-Méry, Drumont, Jourdes, Sarrien, ministre de la justice, et elles furent toutes à cette même séance renvoyées à la commission d'initiative parlementaire. Deux jours après, M. Pourquery au nom de la deuxième commission d'initiative parlementaire (5) déposait un rapport sommaire (6) aux termes duquel à la majorité elle n'accordait pas le bénéfice de la prise en considération à l'amnistie proposée pour les faits prévus et punis par les lois des 13 décembre 1893 et 28 juillet 1894, pour les crimes

1.

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Annexe au procès-verbal de la séance du 30 juin 1898 no 132. (Chambre des députés, ibidem).

2. Annexe au procès-verbal du 4 juillet 1898, n. 146 (Chambre des députés, ibidem).

3 Annexe au procès-verbal du 4 juillet 1898. n. 150 (Chambre des dépulés, ibidem).

4.

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Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juillet 1898, n. 151 (Chambre des députés, ibidem).

5.

Cette commission était composée de MM. Paul Gouzy, president; Gautret, secrétaire; Jouart, Tourgnol, Pourquery de Boisserin, Coutant, Morinaud, Charles Gras, Poulain, Noël, Pascal, Sommeillier, Lauraine, Gervaize, Disleau, Lachièze, Firmin Faure (Oran), Gourd, Olive, Abel Bernard (Vaucluse), Odilon-Barrot, Ragot.

6. Annexe au procès-verbal de la séance du 6 juillet 1898, n. 175 (Chambre des députés, ibidem).

prévus par les articles 87 et suivants du Code pénal, pour les faillis, et à l'amnistie spéciale demandée en faveur de Cyvoct; mais en revanche à l'unanimité était d'avis qu'il y avait lieu de prendre en considération la proposition d'amnistie limitée: 1° à tous les délits de presse et de réunion, à tous les délits. et contraventions se rattachant à des faits de grève, 2o à tous les condamnés en raison des troubles survenus en Algérie, depuis le 16 mai, qui n'avaient pas été déjà frappés pour délits entraînant une incapacité électorale. Le demandeur, au nom de la commission, demandait la déclaration d'urgence.

La commission ayant renoncé à la déclaration d'urgence, la prise en considération eut lieu le 7 juillet.

Toutes les propositions ayant été renvoyées à la commission de l'amnistie (1), M. Pourquery de Boisserin déposa son rapport (2) au nom de cette commission.

Réunissant tous les projets en un seul la proposition de loi se trouvait être ainsi conçue :

ARTICLE PREMIER

Amnistie pleine et entière est accordée :

A tous les délits de presse et de réunion, à tous les délits et contraventions se rattachant à des faits de grèves;

A tous les condamnés en raison des troubles survenus en Algérie depuis le 16 mai 1897, qui n'ont pas été déjà frappés pour délits entraînant une incapacité électorale;

A tous les condamnés pour délits commis en 1889, à la Guyane et relatifs à la suppression des municipalités rurales ;

A tous les condamnés pour délits de pêche fluviale et maritime et chasse, contributions indirectes, forestiers; pour contraventions de grande voirie, de police de roulage et de simple police, quel que soit le Tribunal qui ait statué.

Les sommes recouvrées à quelque titre que ce soit avant la promulgation de la présente loi, ne seront pas restituées.

ARTICLE 2.

Sont exceptées de la présente amnistie :

1o Les faits prévus et punis par les lois des 13 décembre 1893 et 28 juillet 1894.

2o Les faits prévus par les articles 87 et suivants du Code pénal.

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Cette commission était composée de MM. Tourgnol, président; Morinaud, secrétaire; Pouquery de Boisserin, Baulard, Pascal, Lachaud, Bussière, Firmin-Faure, (Oran), Renou et Puech.

2.

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 juillet 1898 n. 260. (Chambre des députés, ibidem).

3° Tous les faits se rattachant à l'affaire Dreyfus.

L'urgence fut à cette même séance votée, mais la discussion fut ajournée.

La discussion vint à la Chambre les 14 et 21 novembre sur le texte de la commission.

Le § 1er de l'article 1 fut adopté.

Un amendement de M. Julien Goujon, et plusieurs de ses collègues ainsi conçu :

<< Amnistie pleine et entière est accordée à tous les délits de presse « et de réunion, aux contraventions à la loi du 3 février 1893 (attaques <dirigées contre les caisses d'épargne), aux infractions à la loi du 17 << juillet 1889 (affichage de candidature avant la déclaration légale), << à tous les délits et contraventions se rattachant à des faits de « grève ».

Cet amendement accepté, par la commission, fut adopté.

En revanche, furent rejetés, après adoption des § 2 et 6 du texte de la commission, les amendements suivants :

1o Celui de M. Massabuau, tendant à accorder l'amnistie à toutes les condamnations pour infraction à la loi sur la police sanitaire des animaux (loi sur la fièvre aphteuse notamment).

2o Celui de M. Dejeante et autres ainsi conçu : « Amnistie est accor« dée... § 5. A tous les condamnés à une peine inférieure à une << année d'emprisonnement s'ils n'ont pas subi de nouvelles condamna<< tions depuis le 31 décembre 1890.

« § 6. A tous les condamnés pour faillites ou liquidations judi<< ciaires s'ils n'ont subi d'autres condamnations depuis l'époque indi<< quée au paragraphe précédent. Toutefois, ces derniers resteront dé<< biteurs envers l'Etat ou les particuliers des sommes dues du fait de << leur condamnation.

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<< § 7. A tous les officiers ministériels frappés de peine discipli<< naire autre que la révocation jusqu'à la date indiquée ci-dessus ». 3o Celui de M. Coutant visant les condamnés pour faits prévus et punis par les lois du 13 décembre 1893 et du 28 juillet 1894.

4° Celui de M. Lagasse accordant l'amnistie aux personnes coupables d'infraction à l'article 45 (et après rectification au § 1er de l'article seulement) du décret organique du 2 février 1852.

Un amendement de M. Viviani tendant à accorder le bénéfice de l'amnistie aux personnes condamnées en vertu des articles 222, 223, 224 et 225 du Code pénal fut renvoyé à la commission.

A la séance du 21 novembre 1898 la discussion fut continuée. La commission présenta à la chambre une nouvelle rédaction formant le 2o alinéa du § 6 et ainsi conçu:

<< Amnistie est accordée pour tous les délits de parole visés en l'ar

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