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torisation de se faire ouvrir un compte à la caisse nationale d'épargne en vertu de l'art. 6 § 1o de la loi du 9 avril 1891 (1).

Les associations n'ont pas le droit de faire des actes de commerce. Le contrat d'association, comme nous l'avons expliqué au chapitre 1er, n'a pas pour but la recherche de bénéfices ou de spéculations; il est formé pour la poursuite d'un objet désintéressé. Une association qui se livre à des opérations commerciales, sort de la limite des attributions qui lui ont été assignées par la loi, et si une clause de ses statuts le lui permet, elle constitue en réalité une société commerciale cherchant à profiter des facilités accordées par le législateur de 1901 et organisée en violation des dispositions du code de commerce et de la loi du 24 juillet 1867; ses administrateurs encourent les pénalités prévues par la législation commerciale (2).

S'il est interdit aux associations de faire acte de commerce, il leur est loisible de se livrer à certaines opérations: hospitalisation, enseignement, sports, etc...; en pareil cas elles doivent uniquement retirer le prix exact des objets qu'elles fournissent ou des services qu'elles rendent. Une majoration de prix d'acquisition ne serait admissible qu'à la condition de représenter les déboursés ou les frais de gestion occasionnés par ces fournitures ou par ces services (3).

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5. Droit d'acquérir les immeubles nécessaires à la réunion des associés, à l'administration et au but social. Par la crainte de l'accumulation entre les mains des associations déclarées d'une propriété immobilière trop considérable, la loi leur concède d'une façon très limitée la faculté d'acquérir des immeubles. L'art. 6 dispose < Toute association régulièrement déclarée peut sans << aucune autorisation spéciale... acquérir à titre onéreux, pos<< séder et administrer. 2o le local destiné à l'administration << de l'association et à la réunion de ses membres; 3o les immeu

...

1. V. par analogie circulaire du ministre du commerce et de l'industrie relative aux versements effectués par les syndicats à la caisse nationale d'épargne et à la caisse des dépôts et consignations, Journal officiel, 13 février 1892.

2.

V. par analog. jugement du trib. de St-Etienne rendu en matière de syndicats professionnels, 21 mai 1889, Rev. des soc., 1889, p. 414.

3. Un amendement présenté par M. Baron, reprenant le texte préparé par le conseil d'Etat, tendait à reconnaître aux associations déclarées le droit de posséder les souscriptions par elles recueillies el le produit des fournitures faites et des services rendus par elles et prévus dans les statuts » Cet amendement a été rejeté; or il résulte de la discussion que ce qu'on a entendu repousser, c'était pour les associations la faculté de recevoir d'une façon illimitée des dons en argent, et non point le droit de faire payer les fournitures faites ou les services rendus, à la condition toutefois que le produit de ces fournitures ou de ces services ne vienne pas augmenter le patrimoine social: V. Journal officiel, Chambre des Députés, séance du 5 février 1901 p. 316 et 317.

« bles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle < se propose ». Les associations ont donc la faculté d'acquérir, mais seulement à titre onéreux, les immeubles indispensables à leur fonctionnement normal.

En se servant du mot « strictement » et en refusant de le suppri mer comme la proposition en avait été faite (1), le législateur a marqué son intention formelle de ne lever l'interdiction de posséder des propriétés immobilières que lorsque cette interdiction aurait pour résultat d'entraver l'œuvre poursuivie par ces associations.

Voyons dans quelles limites il est licite à une association déclarée d'acquérir des immeubles.

En premier lieu elle est investie du droit de posséder les immeubles où sont installés le siège social, la direction, l'administration et tous les services qui en dépendent; en outre elle peut devenir régulièrement propriétaire des salles où s'assemblent ses membres pour s'entretenir de leurs intérêts communs.

En second lieu, le législateur lui reconnaît la faculté d'acheter et d'administrer tous les locaux absolument indispensables au but qu'elle se propose, c'est-à-dire ceux qui sont les instruments de son activité. Ainsi, une société detir peut acquérir un stand; une société agricole, des champs d'expérience; une association fondée pour l'assistance des malades, des vieillards, des infirmes ou des orphelins, possédera régulièrement tous les immeubles, hôpitaux, dispensaires, crèches, destinés à loger les personnes assistées; enfin, la propriété des locaux nécessaires à la célébration d'un culte pourra légalement appartenir à une association religieuse (2).

Ce que la loi a entendu formellement prohiber, c'est la faculté pour l'association d'avoir dans son patrimoine immobilier des biens non affectés à ses services sociaux et pouvant lui rapporter des revenus ou des profits pécuniaires directement ou indirectement, par location ou autrement; tous ses locaux doivent être destinés à son usage ou à son but. Si donc une association achète des immeubles pour son administration et en loue une partie à un tiers, elle contrevient à la loi et encourt la sanction prévue, à moins que cette location ne porte que sur des dépendances tout à fait accessoires de ces immeubles. Mais nous admettons que ce serait dépasser la portée de la loi que d'interdire à une association la faculté de louer sa salle de réunion les jours où ses membres ne s'assemblent pas.

1.- V. amendement de M. Iriart d'Etchepare tendant à la suppression de ce << terme qui a l'air, disait-il, d'évincer les sociétés qui pour vivre ont besoin < d'immeubles de peu de valeur », et la réponse du rapporteur, Journal officiel, Chambre des Députés, séance du 5 février 1901, p. 314 et 315.

2. V. le projet de M. Floquet, p. 12, qui cite cet exemple.

L'association qui est propriétaire d'un immeuble, a évidemment le droit de l'échanger contre un autre qui lui paraît mieux approprié à ses besoins; elle peut d'autre part s'en servir pour augmenter ses ressources, en empruntant avec constitution d'hypothèque. Si ses recettes ne lui permettent pas d'acheter les locaux nécessaires à son objet, il va de soi qu'elle a la faculté de les louer. Ces divers droits nous paraissent découler des termes de l'art. 6, et pour les exercer il importe de remarquer que l'association n'a besoin de se pourvoir d'aucune autorisation.

Bien que la loi ne parle que d'immeubles, l'association, à notre avis, peut valablement posséder tous les meubles qui lui sont nécessaires. Enfin relativement au patrimoine qu'elle a régulièrement acquis, il lui est permis d'accomplir toutes les actes de gestion ou de conservation, de passer tous contrats et d'en demander l'exécution aux tribunaux par toutes les voies de droit.

Georges Trouillot,

Député, rapporteur de la loi.

(A suivre).

Fernand Chapsal,

Maître des requêtes au Conseil d'État.

REVUE DE LÉGISLATION

DU CONTRAT

D'ASSOCIATION

Commentaire de la loi du 1er juillet 1901 et des règlements d'administration publique du 16 août suivant.

PREMIÈRE

PARTIE

DES ASSOCIATIONS (suite) (1)

CHAPITRE V

De la capacité juridique des associations déclarées.

6. — Sanction des dispositions limitant la capacité juridique des associations déclarées. Une association déclarée n'est autorisée à se mouvoir, au point de vue de sa vie civile, que dans des limites restreintes. Pour que ces limites ne soient pas franchies, la loi a pris certaines précautions; elle soumet toutes les opérations illégales à la sanction générale édictée par l'art. 17: « Sont nuls tous actes entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement, soit par personne interposée ou toute autre voie indirecte, ayant pour objet de permettre aux associations légalement ou illégalement formées de se soustraire aux dispositions de l'article 6... La nullité pourra être prononcée soit à la diligence du ministère public, soit à la requête de tout intéressé. Ainsi, tout acte qui ne rentre pas dans de la capacité juridique déterminée par l'article 6, est frappé de nullité, et cette nullité existe quelle que soit la nature ou la forme de cet acte. La sanction de l'art. 17 englobe tous les moyens, toutes les fraudes que peuvent employer les parties pour tourner la loi.

Devront donc être déclarées nulles toutes les libéralités faites ouvertement au profit d'une association déclarée, ou dissimulées sous les apparences d'un contrat à titre onéreux, vente ou société (2), ou par l'entremise d'une ou plusieurs personnes capables, servant de prêtenoms (3). C'est du reste l'application des principes du code civil qui

1. V. nos des 1 et 15 novembre, 1 décembre.

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3.

Cass. 26 février 1849, 17 février 1864, et 24 novembre 1891.
Cass. 14 avril 1885.

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déclare dans l'article 911 que « toute disposition au profit d'un incapable sera nulle, soit qu'on la déguise sous la forme d'un contrat à titre onéreux, soit qu'on la fasse sous le nom de personnes interposées ».

L'existence de l'interposition de personnes peut être établie par tous les modes ordinaires de preuves, même par de simples présomptions dont le mérite et la portée sont appréciés souverainement par les tribunaux (1).

D'autre part il importe de remarquer que les membres d'une association déclarée ne peuvent pas fonder à côté de l'être moral une société ou une communauté de biens. Dans le projet du gouvernement, il était licite de juxtaposer à toute association un autre contrat pour les biens, société ou communauté. Mais, comme nous l'avons déjà vu, cette conception n'a pas passé dans la loi; les associés sont privés du droit d'affecter au service de l'être moral d'autres biens que ceux qui rentrent dans son patrimoine légal. Toutes combinaisons qui tendraient à éluder cette règle et à greffer sur une association déclarée des conventions ayant pour but d'étendre la capacité que l'art. 6 lui a concédée, tomberaient sous le coup de la nullité prévue à l'art. 17. S'il en avait été autrement; les associations déclarées auraient pu se constituer, à côté des valeurs possédées régulièrement, mais sous une autre forme, un patrimoine illimité qui aurait été en quelque sorte le prolongement du premier et aurait échappé à toutes les garanties de la loi (2).

La nullité édictée par l'art. 17 est d'ordre public; par suite elle ne peut être couverte par aucune ratification expresse ni par aucune confirmation tacite (3). En vertu de ce caractère elle est susceptible d'être provoquée non seulement par les intéressés, mais encore par les représentants du Ministère public.

La loi a cru nécessaire, pour garantir l'observation exacte de ses prescriptions, de prévoir expressément ce droit exceptionnel d'intervention. En effet, d'après l'art. 48 de la loi du 20 avril 1810 sur l'organisation judiciaire, le ministère public n'agit d'office en matière civile que dans les cas spécifiés par la loi et pour l'exécution des arrêts et jugements intéressant l'ordre public. Le législateur estime que l'ordre public est tout-à-fait intéressé à ce que les associations déclarées seient maintenues dans le cercle de leur capacité juridique, ne se.

1.

2.

Cass. 3 juin 1861 et 15 déc. 1891; Cour de Nancy, 6 février 1892. V. Journal officiel, Chambre des députés, séance du 31 janvier 1901, discours de M. Waldeck-Rousseau, p. 242; séance du 25 février 1901, discours de M. Ribot, p. 527; séance du 26 février 1901, déclarations du rapporteur, p. 551; v. également Sénat, séance du 15 juin 1901, discours de M. Waldeck-Rousseau, p. 883.

3. Cass. 3 janvier 1866 et 13 juin 1870.

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