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commise. C'est véritablement intolérable à constater après trente ans de République. D'ailleurs, la séparation doit être complète entre le pouvoir et la justice.

Deuxième résultat: En matière judiciaire, la liberté doit être la règle, la détention préventive l'exception.

Il faut que la liberté provisoire ne soit plus une tolérance, une faculté laissée à l'arbitraire d'un juge, mais un droit ce qu'elle aurait toujours dû être.

C'est sur la loi seule et non sur le juge que doit retomber la responsabilité d'une pareille mesure, qui se rapporte aux droits les plus précieux des citoyens.

L'emprisonnement préventif est un empiétement funeste sur les droits sacres de la liberté individuelle, il faut assigner des bornes à cet empiétement.

La liberté est aussi précieuse et aussi nécessaire pour ceux qui sont accusés d'avoir commis un crime que pour ceux qui sont accusés d'avoir commis un délit; il est aussi injuste d'arrêter sans preuves dans un cas que dans l'autre. La société a le droit de se défendre, mais elle n'a pas le droit de s'emparer de la personne d'un citoyen sans jugement, sans condamnation, sur une supposition de crime ou de délit. Il faut plus, il faut des preuves s'il n'y en a pas, pas d'arrestation préventive.

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Toute instruction préparatoire peut se faire sans détention préventive, d'où inutilité d'employer cette mesure dangereuse sans avoir la certitude de la culpabilité de celui que l'on poursuit.

Conséquence: En toute matière, il doit être interdit d'arrêter préventivement, sauf le cas de flagrant délit, d'aveu, et le cas où l'inculpé n'a pas de domicile; ici, une réserve nécessaire : la disposition qui précède ne s'appliquera ni aux prévenus déjà condamnés pour crimes, ni à ceux déjà condamnés à un emprisonnement de plus de deux ans pour ceux-ci la prison préventive n'a plus la même importance, et la société n'a plus les mêmes raisons de craindre une erreur.

Dans tous les cas où la mise en liberté provisoire n'est pas de droit, elle devra être accordée aux inculps domiciliés, contre une caution proportionnée à la gravité du fait incriminé et à la situation personnelle de l'inculpé.

Tout inculpé sous n'importe quel mandat devra être interrogé dans les vingt-quatre heures. Chaque mandat devra contenir l'énonciation du fait pour lequel il est décerné,et la citation de la loi qui déclare que ce fait est un crime ou un délit. Un mandat est une citation en justice, il doit être soumis à la règle générale qui veut qu'une partie citee connaisse l'objet pour lequel on l'appelle devant le magistrat.

Depuis la nouvelle loi de 1897, l'instruction n'est plus secrète ; il est juste qu'il en soit de même pour les mandats qui en sont les premiers

actes.

Si le juge repousse la liberté provisoire, il faut qu'il y ait un contrôle; le prévenu doit pouvoir former opposition devant le tribunal, y faire valoir ses moyens, et la décision rendue doit être susceptible d'appel. L'avocat et le procureur assisteront à ces débats, et l'on comprend facilement combien tout devient ainsi simple et rassurant, aussi bien pour la liberté individuelle que pour l'ordre social.

Si le prévenu ne se présente pas à tous les actes d'instruction et de jugement, il faut l'en punir; je propose alors son arrestation et, en

cas de fuite, il sera passible d'une pénalité qui pourra être le double de celle encourue; il ne pourra bénéficier de la loi sur l'atténuation des peines (loi Bérenger), et la prescription de la peine, en cas de condamnation, pourra être portée au double de la prescription ordinaire. Ainsi on évitera la non-comparution et la fuite qui entraîneraient la peine. terrible de l'exil pour un temps aussi long; ajoutez à cela la perte de la caution, si la liberté provisoire n'a été accordée que sous cette réserve.

La loi actuelle n'assigne aucune limite au pouvoir du juge d'instruction en matière de détention préventive. Il a la faculté de détenir en prison l'inculpé, le temps qu'il juge convenable. Cet arbitraire a ses dangers; je propose, d'une part, une limitation du temps de l'instruction. Le juge devra rendre son ordonnance de règlement de l'aflaire dans les vingt jours de son ordonnance de maintien en détention, en cas de délit, et dans les quarante jours, en cas de crime.

Cependant, il est des cas où un plus long laps de temps est nécessaire. Alors mais alors seulement la Chambre du conseil pourra prolonger ces délais, l'inculpé et son conseil entendus. D'autre part, je demande qu'une action civile en responsabilité puisse être exercée, directement et sans attendre que la Cour compétente pour juger ces délits ait statué, contre les auteurs d'une détention arbitraire.

Il est nécessaire de supprimer toutes les formalités paperassières et autres qui entourent la mise en liberté provisoire. Rien de plus simple, il ne s'agit ici que de faire disparaître des inutilites encombrantes. Enfin et toujours dans cet ordre d'idées, il faut modifier les peines qui punissent les auteurs de détentions arbitraires.

Le Code pénal a établi une inégalité révoltante dans l'application des peines, selon que le crime d'arrestation ou de détention arbitraire a été commis par de simples particuliers ou par des agents de l'autorité. Dans le premier cas, les peines sont extrêmement sévères : travaux forcés à temps, à perpétuité, même la peine de mort !

Dans le second cas, lorsqu'il s'agit de fonctionnaires publics ou d'agents de l'autorité, pour les mêmes crimes et les mêmes délits, l'indulgence est excessive, c'est la peine de la dégradation civique qui est la plus grave, étant donné qu'elle est qualifiée de peine infamante. On voit quelle disproportion.

Alors qu'à notre avis ce devrait être tout le contraire, parce que les actes des agents de l'autorité ne peuvent trouver d'excuse dans leur ignorance et que, de plus, c'est par l'abus d'une sorte de fonction publique qu'ils concourent à l'exécution d'un acte illégal.

Dans un autre ordre d'idées et pour compléter la loi de 1897, qui a eu pour but de faire disparaître l'instruction secrète et de donner aux prévenus plus de garanties par la présence de leur avocat il est à souhaiter qu'un texte soit voté, interdisant aux commissaires de police de faire l'instruction en dehors du défenseur et contrairement aux principes mêmes posés par la nouvelle loi, ce qui se fait tous les jours. L'instruction judiciaire, la privation de la liberté ne sont pas œuvre de police, mais de justice.

La liberté du costume doit être rétablie, sauf les restrictions sur les usurpations de costumes qui constituent des délits ;comme aussi, la

liberté de porter les armes.

Le délit de vagabondage, délit indéterminé qui n'a pas de raison de commencer et de finir que par le bon ou le mauvais vouloir du magistrat, doit être supprimé.

Le délit de mendicité est tout aussi monstrueux. Ici, c'est encore l'arbitraire pur, et c'est la violation la plus flagrante de la liberté individuelle.

D'ailleurs, où commence la mendicité? Le fait de tendre lamain constitue ce délit, le fait d'écrire à M. de Rothschild ou à toute autre àme charitable ne le constitue pas; bien fin sera celui qui dira pourquoi. Demander un morceau de pain ou un sou, c'est mendier; demander cent ou cinq cents francs, ou plus n'est plus mendier.

Si l'on admet ce délit, il faut être logique : il ne faut pas punir seulement celui qui demande, il faut poursuivre et punir celui qui donne et qui devient le complice incontestabie. On voit l'absurdité d'une semblable hypothèse. Si des mendiants menacent ou commettent un des faits réprimés par le Code pénal, ils doivent être frappés conformément à la loi; mais les punir simplement parce qu'ils demandent, c'est absolument contraire à la morale sociale et aussi à la morale chrétienne. Que seraient devenus les premiers chrétiens si semblable délit avait existé ?

La prostitution doit être libre, rien ne peut justifier le régime d'exception qui la régit. La loi de 1872 sur l'Internationale, la loi de 1886 sur l'expulsion des familles ayant régné en France, la loi de juillet 1894 sur les menées anarchistes doivent être abrogées, et encore beaucoup d'autres.... Mais je m'arrête, n'ayant pas, en de si courts articles, la possibilité de signaler tous les abus à réprimer.

Je n'ai pas la prétention d'avoir inventé ni découvert quelque chose. J'ai simplement voulu rappeler les principes connus qui devraient être appliqués depuis longtemps et qui, tout en n'étant pas nouveaux, produiraient en France, s'ils étaient adoptés, un véritable progrès.

Ce que je désire, c'est que notre Code d'instruction criminelle ne reste plus en arrière sur les législations étrangères, c'est que nous ne nous laissions pas retarder plus longtemps par la routine.

La résistance des vieux principes criminalistes surannés doit avoir un terme. Ouvrons les yeux à la vérité, et n'oublions pas qu'un peuple est d'autant plus grand qu'il attache plus de prix à la liberté.

HENRI COULON
Avocat à la Cour de Paris.

Les officiers ministériels et la révision des patentes.

Discussion au Sénat. (1).

Le Sénat, dans sa séance du 22 mars dernier, a repris l'élaboration et continué la discussion du projet de loi, dont les Lois nouvelles avaient annoncé l'adoption par la Chambre des députés, relatif à la réforme de la Contribution des patentes, (art. 3 à 18 détachés du projet de loi portant fixation du budget général 1898).

On sait, et nous n'avons plus à rappeler ici, l'émotion bien légitime qu'avaient jeté dans le sein des diverses corporations d'officiers publics et ministériels, les propositions du Gouvernement, et celles, même amendées dans le rapport supplémentaire de M. Gauthier au Sénat, de la Commission des patentes, en tant que ces propositions aggravaient, dans une proportion véritablement ruineuse pour certaines

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des catégories intéressées, pour les notaires tout particulièrement, le régime fiscal actuellement en vigueur.

Malgré des protestations que nous avons à plusieurs reprises relatées et formulées pour notre compte personnel (1), la Chambre des députés n'avait pas cru devoir rejeter le projet gouvernemental, au rapport de M. Antonin Dubost.

Heureusement, les intérêts des officiers publics et ministériels, que nous avions eu à cœur de soutenir, en démontrant la légitimité et la nécessité du maintien du régime antérieurement suivi, ont trouvé au Sénat des défenseurs éloquents et autorisés, qui ont su faire prévaloir au sein de la haute assemblée, par les raisons que nous avions nousmêmes invoquées, une manière de voir plus juste et moins spoliatrice.

Sous la forme de divers amendements, tendant tous au fond au même but, MM. Ponthier de Chamaillard, Dufoussat, Legrand et Valle ont tour à tour saisi le Sénat de diverses rédactions, tendant toutes à laisser, comme ils le sont sous le régime actuel, les officiers ministériels affranchis du doit fixe, étant donné qu'ils sont déjà suffisamment grevés et qu'ils continueront à être régis, comme dans la loi en vigueur, par l'imposition au droit proportionnel dont nous avons déjà reproduit les chiffres. (V. suprà, p. 37).

M. Gourju allait même plus loin; par son amendement présenté au cours de la première délibération au Sénat, (15 mars 1901), il demandait pour les avocats, sous certaines conditions et dans certaines limites, l'exemption totale de l'imposition dont s'agit. Cet amendement était ainsi conçu :

ARTICLE 17 (additionnel): « Les avocats inscrits au tableau depuis vingt années sans interruption pourront être admis à l'honorariat par décision du conseil de l'ordre et ne seront plus soumis à la patente.

<< Les avocats honoraires conserveront leur rang d'ancienneté sur le tableau et les autres prérogatives de la profession, sauf le droit de plaider.

<< Toutefois ils pourront encore, sans perdre le bénéfice de l'honorariat, continuer à recevoir des commises devant les juridictions civiles, au titre de l'assistance judiciaire, et des désignations d'office devant les tribunaux répressifs ».

C'est la rédaction, plus intéressante et plus générale, de M. Vallé qui a finalement triomphé. L'amendement de M. Valle portait: Au tableau C des additions, article Avocat au Conseil d'État, etc., dire: Les officiers publics et ministériels restent affranchis du droit fixe ».

M. Vallé, énergiquement appuyé par MM. Dufoussat et Ponthier de Chamaillard, a éloquemment démontré que l'assimilation complète que l'on voudrait établir, au point de vue de la patente, entre les commerçants et les officiers publics et ministériels, serait profondément inique et aurait des conséquences désastreuses, surtout pour les notaires. Comme il l'a très bien expliqué et comme M. de Chamaillard l'a rappelé fort à propos après lui: « on comprend à merveille qu'une législation intervienne qui frappe le revenu ou les revenus; ce que l'on ne comprend pas, c'est que l'on aille chercher une certaine catégorie de contribuables pour leur faire un sort particulier, pour les

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frapper d'une façon spéciale, pour aggraver leur situation au point de vue de l'impôt, alors qu'ils sont dans une situation peut-être plus difficile et, sous beaucoup de rapports, moins favorisée que ceux qui exercent des professions si milaires ».

Aussi, malgre les efforts de M. Gauthier (de l'Aude), rapporteur, l'amendement de M. Valle a-t-il éte adopte par 216 voix contre 39.

M. Gauthier a dù, d'ailleurs, convenir que le projet, alors qu'il maintient la plupart des officiers ministeriels dans le statu quo, augmente la moyenne des patentes des notaires dans la proportion de 140 à 150 0/0 (1).

La redaction des Lois nouvelles est heureuse de signaler le résultat obtenu par M. Valle, et les felicitations que ce succès lui a values. Il est à notre connaissance en effet que les representants autorises de certaines des categories d'officiers ministeriels menacées, notamment Mo, Allais, syndic de la corporation des huissiers de l'arrondissement d'Épernay, en sa qualité de président du Comité central des huissiers de France, ont adressé à l'honorable senateur, au nom de leur corporation, les remerciements auxquels il avait droit. Cette initiative est heureuse et gagnerait à être généralisée.

Quoiqu'il en soit, le projet de loi, modifié par le Sénat, va retourner à la Chambre et il y aura lieu sans doute de s'en occuper à nouveau. En attendant, les diverses corporations intéressées feront bien, à la faveur des réunions générales que tiendront en mai quelques-unes d'entre elles (les notaires et les huissiers particulièrement), de se concerter et d'agir vigoureusement pour assurer l'abandon définitif d'un projet dont l'injustice n'a plus à se démontrer.

Du bail à ferme et de l'extension d'une

de ses applications légales..

Les deux types du bail d'héritage rural sont le bail à ferme ordinaire et le bail à colonat partiaire.

Le premier est un contrat simple par lequel un propriétaire donne son bien à un possesseur pendant un certain temps moyennant une redevance fixe; le second est un contrat mixte participant à la fois du bail à ferme, du contrat de société et du louage d'ouvrage et d'industrie, par lequel un bailleur remet pour un certain temps son bien à un preneur qui s'engage à le cultiver sous la condition de partage des fruits.

Dans une précédente étude sur le bail à colonat partiaire (Lois nouvelles 1900, Revue des travaux législatif, page 69) nous avons fait ressortir deux differences qui distinguent ces deux baux, en outre du caractère de la redevance.

Dans le bail à ferme, la loi, par les dispositions de l'art. 1719 du C. civ., oblige principalement le bailleur à:

Délivrer au preneur la chose louée.

1. Nous disons la moyenne des patentes des notaires. En effet, dans des articles d'une logique irrefutable, tous les organes spéciaux des catégories intéressées, notre confrère Didio de la Revue du notariat notamment, avaient démontré,comme nous l'avons fait nous-mêmes, par des chiffres, que le projet de loi en question, s'il venait à être adopté, aurait pour conséquence de faire porter au quintuple la patente d'un très grand nombre de notaires!

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