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Je me plais à reconnaître que les magistrats comprennent ainsi la tâche qui leur incombe et montrent le souci constant de ne frapper qu'avec mesure, de ne porter à la liberté des citoyens que les atteintes inévitables.

Cependant, subsistent dans l'administration de la justice criminelle quelques errements qui ne sont pas en suffisante harmonie avec les tendances de nos lois nouvelles.

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I. Il résulte de la dernière statistique que les tribunaux de police correctionnelle ont en 1897, condamné 114.017 prévenus n'ayant encouru aucune condamnation antérieure et n'ont accordé qu'à 24.835 d'entre eux (21.78 p. 100) le bénéfice de l'article lor de la loi du 26 mars 1891. Cette proportion qui n'a il est vrai, cessé de s'accroître depuis 1892, où elle avait été seulement de 14.34 p. 100, est encore insuffisante.

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La loi bienfaisante qui a introduit dans notre système répressif le principe du sursis à l'exécution de la peine, et à laquelle le public a donné le nom de l'homme éminent qui en a été l'instigateur, est l'une des plus heureuses mesures législatives de notre époque.

Elle a dépassé toutes les espérances, et je ne sais si le législateur lui-même a prévu tous ses bienfaits. Cette remise provisoire du premier châtiment apparaissait surtout comme une loi de pitié et de pardon; en réalité elle dotait notre code pénal d'un frein moral d'une rare puissance, capable d'arrêter le fléau de la récidive : cette douceur était une force.

Appliqué à l'emprisonnement, le sursis présente le grand avantage d'épargner au condamné primaire le contact du repris de justice et la redoutable contagion des exemples mauvais et des leçons perverses.

Il laisse au condamné comme une sorte d'option lui permettant de substituer à son gré une peiné morale à la peine matérielle et lui confère le droit de racheter la faute passée par la conduite future; par là il est une excitation de la volonté meilleure, un appel de la conscience au bien d'autant plus énergique qu'il est libre. La honte de la peine publiquement prononcée subsiste et s'imprime au cœur du condamné pour lui faire détester sa faute; il lui est provisoirement fait remise de l'exécution avilissante, de la dégradation définitive et sans espoir; la peur du châtiment seulement suspendu, menace permanente dont une seconde faute ferait une réalité, vient s'ajouter à la crainte du châtiment nouveau.

Sans contestations possibles, la condamnation avec sursis doit être considérée comme le plus sûr moyen de remettre dans le droit chemin celui qui s'en est une fois écarté, et le meilleur remède contre le mal qu'il importe moins de réprimer que de prévenir.

Ce fait d'une si haute portée sociale est mis hors de doute par la statistique criminelle dans les cinq dernières années, la proportion des sursis révoqués au nombre total des sursis accordés ne dépasse pas 5 p. 100.

On a pu craindre dans le principe qu'une large application du sursis, en laissant espérer l'impunité pour une première infraction, n'accrût le nombre des délinquants primaires. Mais les faits ont montré que ces craintes n'étaient pas fondées: de 1892 à 1897, tandis que le nombre des sursis s'élevait de 17,881 à 24,117, le nombre des condamnés primaires suivait une progression inverse et descendait de 124,680 à 114,017.

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L'expérience a clairement montré les avantages de la condamnation avec sursis; nos mœurs judiciaires doivent se prêter de plus en plus à cette pratique. Il faut que, dans leurs réquisitions, vos substituts, pénétrés de l'idée qu'il est plus utile de prévenir une récidive que de punir une première infraction, engagent les tribunaux plus hardiment dans cette voie où ils n'ont marché jusqu'à présent qu'avec une certaine hésitation.

II. L'application du sursis à la peine corporelle ne s'oppose pas d'ailleurs à ce qu'une répression effective intervienne, lorsqu'elle est jugée nécessaire, dans les cas nombreux où le législateur a prononcé, avec celle de l'emprisonnement, la peine de l'amende. Le sursis pour la première, et la condamnation ferme, en ce qui touche la seconde, constituent souvent une excellente solution.

Il faut se garder de voir dans l'emprisonnement le châtiment nécessaire de la plupart des infractions et de n'accorder aux peines pécuniaires qu'un caractère accessoire, une importance secondaire et presque insignifiante.

L'amende, en l'état de l'esprit public, présente cet avantage de n'être point par elle-même déshonorante et devrait être considérée, pour tous les délits de peu de gravité, comme suffisamment répressive et remplacer les courtes peines d'emprisonnement. Il suffit, pour se rendre compte de l'efficacité des peines pécuniaires, de songer à la somme de privations que représente pour l'homme vivant de son salaire le payement d'une amende même minime, augmentée des frais de la condamnation. Telle amende de 16 fr. ou même inférieure, qui ne sera soldée qu'au prix de pénibles efforts,ne vaut-elle pas, dans l'intérêt de la répression, avec le déshonneur en moins, quelques jours d'emprisonnement?

L'examen fait à ma chancellerie des recours en grâce révèle cependant qu'un grand nombre de condamnés primaires sont frappés de peines corporelles pour des délits sans gravité dont une simple amende proportionnée à leurs ressources eût largement assuré la répression. Il serait infiniment désirable que les tribunaux s'habituassent à voir dans l'amende une peine efficace en elle-même et non un simple accessoire des peines corporelles.

Il appartient à vos substituts de recueillir sur les ressources des prévenus des renseignements aussi précis que possible, d'éclairer les juges à ce sujet et de requérir dans tous les cas favorables, l'application d'une peine pécuniaire en rapport avec leurs moyens d'existence, de préférence à une condamnation à l'emprisonnement. Plus les prisons resteront fermées aux condamnés primaires, moins elles auront à s'ouvrir aux récidivistes.

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III. La mesure rigoureuse de l'arrestation préventive doit être restreinte aux cas où elle est indispensable. C'est en cette matière où il s'agit de concilier les intérêts généraux de la société avec le respect de la liberté individuelle, que les magistrats ont surtout à faire preuve de tact, de circonspection et doivent se garder d'entraînement irréfiéchi dont les conséquences peuvent être d'une extrême gravité.

Lorsqu'on voit qu'en 1897, sur 13,006 personnes ayant bénéficié d'ordonnances de non-lieu, 3,896 avaient été arrêtées, il est permis de se demander si c'est seulement sur des indices graves de culpabilité que les mandats d'arrestation sont décernés. La proportion moyenne du nombre des détenus au nombre des prévenus renvoyés par ordonnance

des fins de la poursuite se trouve ainsi de 29.95 p. 100. Cette proportion varie du reste beaucoup dans les différents ressorts. Très favorable dans quelques-uns, où elle ne dépasse guère 23 p. 100, elle s'élève dans d'autres jusqu'à 42.48 p. 100 et même 50 p. 100.

Lorsqu'on constate d'autre part que, dans la même année, sur les individus compris dans les 24,449 ordonnances de renvoi devant les tribunaux de police correctionnelle, 21,756 étaient incarcérés, on peut craindre que bien des prévenus ne soient placés sous mandat de dépôt qu'on aurait pu, sans inconvénient pour la répression, laisser comparaître en liberté devant leurs juges.

En matière correctionnelle, tout homme qui a un foyer, ou une profession stable,ou des attaches quelconques dans le pays qu'il habite, ne doit être placé qu'exceptionnellement sous mandat de dépôt. En matière criminelle, la détention préventive est le plus souvent indispensable; mais c'est une erreur de penser qu'elle s'impose toujours. Il n'existe en effet aucun inconvénient dans certains cas, lorsqu'il s'agit de crimes relativement peu graves et n'ayant point ému l'opinion publique, à ce que l'accusé domicilié demeure en liberté jusqu'aux derniers jours qui précèdent sa comparution devant la cour d'assises.

Il arrive parfois que les tribunaux croient devoir décerner, en vertu de l'article 193 du code d'instruction criminelle, un mandat de dépôt contre un prévenu, par cela seul que, traduit devant eux sous une inculpation correctionnelle, il a soulevé et fait accueillir une exception d'incompétence qui le rend justiciable de la cour d'assises; le fait restant le même, le prévenu libre devient un prisonnier pour avoir usé de son droit et fait restituer à l'infraction pour laquelle il est poursuivi son véritable caractère juridique.

Cette mesure, bien qu'autorisée par la loi, ne doit pas être requise par vos substituts lorsqu'elle n'est pas justifiée par des circonstances particulières autres que le changement de qualification.

J'appelle tout particulièrement votre attention sur les abus qui peuvent se produire dans l'application de la détention préventive. Vous avez le devoir étroit de tenir la main à ce qu'il ne soit décerné de mandat de dépôt qu'en cas de nécessité. Vous devez suivre, spécialement à ce point de vue, sur les notices des parquets et des cabinets d'instruction, la marche des affaires, exiger que des renseignements vous soient fournis sur toutes les arrestations qui ne vous paraîtront pas justifiées par les antécédents des prévenus, l'absence de domicile ou la gravité des faits, et profiter de toutes les occasion's utiles pour rappeler aux magistrats placés sous votre surveillance qu'il ne faut porter atteinte à la liberté que lorsqu'il est indispensable de le faire. Enfin, lorsque l'arrestation aura été jugée nécessaire, il vous appartient de veiller à ce qu'elle ne se prolonge pas inutilement et à ce que la liberté provisoire, avec ou sans caution, soit accordée toutes les fois qu'elle peut l'être sans inconvénient grave.

IV.'— Enfin, lorsque la procédure est terminée, je ne saurais trop vous recommander de veiller à ce que les affaires où l'instruction n'a pas établi des charges certaines ne soient pas portées devant la cour d'assises. Les réquisitions de vos substituts et les vôtres, dans toute affaire où la culpabilité soulève des doutes, doivent tendre à ce que le juge d'instruction ou la chambre des mises en accusation, au lieu de s'en remettre au jury du soin de se prononcer, assument en ce cas la responsabilité du règlement de la procédure par une décision de non-lieu.

Je vous prie, monsieur le procureur général, de porter ces instructions à la connaissance de vos substituts et de tenir la main à leur stricte application.

Erratum.

A la loi sur la tutelle administrative en matière de dons et legs (1).

Au Journal officiel du 6 février 1901 (loi sur la tutelle administrative en matière de dons et legs, suprà, p. 34), page 933, 3° colonne, 12o ligne, au lieu de : «Art. 2. Le paragraphe 5 de l'article 45 de la loi du 10 août 1871... », il faut lire : « Art. 2. Le paragraphe 5 de l'article 46 de la loi du 10 août 1871... ».

Décret.

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Modifiant les articles 5, 6, 7 et 9 du décret du 17 septembre 1900, instituant les conseils du travail (2). - 2 janvier 1901 (3).

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ARTICLE UNIQUE. Les articles, 5, 6, 7 et 9 du décret du 17 septembre 1900, instituant les Conseils du travail, sont remplacés par les suivants :

Art. 5. Dans chaque section sont éligibles les Français de l'un ou de l'autre sexe, âgés de vingt-cinq ans au moins, domiciliés ou résidant dans la circonscription de cette section, non déchus de leurs droits civils et civiques, appartenant ou ayant appartenu pendant dix années comme patrons, employés ou ouvriers, à l'une des professions inscrites dans la section.

Les électeurs patrons et les électeurs ouvriers formeront deux collèges distincts élisant séparément leurs représentants.

Dans chaque section sont électeurs patrons les associations professionnelles constituées en conformité de la loi du 21 mars 1884, ayant effectué les dépôts prescrits par l'article 4 de cette loi douze semaines au moins avant l'affichage prévu par l'article 6 du présent décret et comprenant des patrons, directeurs ou chefs d'établissement exerçant

1.

2.

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· Publié au J. Off. du 12 mars 1901, p. 1666.
Promulgué au J. Off. du 5 janvier 1901, p. 74.

3. Textes légaux visės: décret du 17 septembre 1900. (V. Lois Nouv., 1900. 3.293).

Avec quelques modifications de détail que nous indiquons en note, le présent décret a pour but de modifier le décret du 17 septembre 1900 sur les points suivants :

1o Le décret du 17 septembre 1900 désignait comme électeurs patrons et ouvriers les syndicats professionnels.

Le décret du 2 janvier 1901 désigne comme électeurs patrons et ouvriers les associations professionnelles, constituées, en conformité de la loi du 21 mars 1884, douze semaines au moins avant l'ouverture de la période électorale.

2o Le decret du 17 septembre 1900 exigeait que les syndicats ou à leur défaut leurs sections syndicales aient leur siège dans la circonscription du Conseil. Le décret du 2 janvier 1901 exige seulement que les associations professionnelles aient des membres exerçant leur profession dans ladite circonscription. Le nouveau décret assure à chaque association professionnelle une voix pour dix membres ou portion de dix membres patrons ou assimilés, exerçant leur profession dans la circonscription; et une voix par vingt-cinq membres ouvriers et employés ou fraction de vingt-cinq membres exerçant leur profession dans la circonscription.

3 Il était nécessaire, sous l'ancien décret, d'appartenir à la profession pour être éligible; il suffira, sous l'empire du nouveau décret, d'avoir appartenu pendant dix ans à la profession.

dans la circonscription une profession inscrite à ladite section du Conseil. Dans chaque section, sont électeurs ouvriers les associations professionnelles légalement constituées en conformité de la loi du 21 mars 1884, ayant effectué les dépôts prescrits par l'article 4 de cette loi douze semaines au moins avant l'affichage prévu à l'article 6 du présent décret, et comprenant des ouvriers ou employés exerçant dans la circonscription une profession inscrite à ladite section du Conseil.

Une même association peut être électeur dars plusieurs sections soit du même Conseil, soit de Conseils différents (1).

Chaque association dispose, dans toute section où elle est électeur patron, d'une voix par dix membres ou fraction de dix membres patrons ou assimilés exerçant dans la circonscription une profession inscrite à ladite section du Conseil.

Chaque association dispose, dans toute section où elle est électeur ouvrier, d'une voix par vingt-cinq membres ou fractions de vingt-cinq membres ouvriers ou employés exerçant dans la circonscription une profession inscrite à ladite section du Conseil.

Art. 6. Le Préfet prescrit toutes dispositions nécessaires pour assurer la régularité des opérations électorales.

La date des élections est fixée par arrêté préfectoral; elle peut être différente pour les diverses sections d'un même Conseil et dans chaque section, en cas de nécessité, pour les patrons et pour les ouvriers.

Le deuxième tour de scrutin a lieu dans un délai maximum de quinze jours après le premier tour.

L'arrêté convoquant les électeurs est, dans les communes intéressées, affiché à la mairie et porté à la connaissance du public par les soins des maires, deux mois au moins avant la date fixée par le premier tour.

Pendant quinze jours à dater de l'affichage, les listes électorales dressées par le préfet ou, sous son contrôle, par les maires, à l'aide des renseignements fournis antérieurement par les associations professionnelles sont tenues à la disposition des intéressés pour être revisées d'après leurs déclarations: 1° à la mairie de la commune où est situé le siège de la section qui élit ses représentants; 2° aux mairies des sièges desdites associations, lorsqu'ils sont situés dans la circonscription de cette section. Les déclarations doivent être faites par un mandataire autorisé des associations.

Pendant les trois semaines à dater de l'affichage, les réclamations des associations intéressées au sujet de la liste primitive ou revisée, rédigées en double exemplaire par un mandataire autorisé, sont reçues à la mairie de la commune où est situé le siège de l'association dont les droits électoraux sont contestés. Si ce siège n'est pas situé dans la circonscription qui élit ses représentants, les réclamations sont reçues dans la même forme à la mairie du siège de la section (2). Un exemplaire de la protestation est envoyé par la mairie à l'association mise en cause.

Dans le délai de trente jours à dater de l'affichage, les listes revisées

Ce paragraphe est nouveau, il est la conséquence des modifications précédentes.

1.

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Disposition nouvelle prise en conséquence de la modification relative au siège social de l'association professionnelle agissant comme électeur.

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